Les entreprises sont au cœur du renouvellement de la relation entre l’Afrique et la France

Loin du cliché populaire qui voudrait qu'elles aient une chasse gardée sur le continent, les entreprises françaises implantées en Afrique ont en revanche la singularité de contribuer au développement de leurs pays d'implantation, tout en renforçant le rayonnement de l'Hexagone dans le monde. Celles-ci peinent pourtant à être soutenues de part et d'autre de la Méditerranée, alors même qu'elles pourraient être le socle du « nouveau partenariat » tant recherché par les multiples initiatives et sommets qui se penchent sur la question.
(Crédits : DR.)

Si la notion d'entreprise française à l'étranger désigne la plupart du temps les filiales ou joint-ventures de groupes français installés hors du territoire national, elle comprend aussi et surtout les EFE (Entrepreneurs Français de l'Etranger) - qui sont au sens large des entreprises de droit local, créées et dirigées par un Français résident à l'étranger. En Afrique, l'écrasante majorité d'entre elles emploient des talents locaux et participent au dynamisme économique des pays d'implantation - contribuant par là même à leur développement. Côté français, bien que la plupart des EFE sont sans lien capitalistique avec une entreprise implantée en France, elles n'en portent pas moins - pour une large part d'entre elles - la « marque France ». Selon une enquête du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF, 2020), 37% des EFE assurent œuvrer à la promotion d'un savoir-faire français particulier, et renforcer ainsi le soft-power de la France.

Pourtant, au plus fort de la crise de la Covid-19, la plupart des EFE n'ont eu accès à aucune aide française, et 87 % d'entre elles - pour la plupart des TPE - affirment n'avoir bénéficié d'aucun soutien dans leur pays d'implantation. Un rapport publié au Sénat français à la fin de l'année 2020 a même tiré la sonnette d'alarme sur la situation de ces entreprises, prédisant que 70 % d'entre elles s'avançaient vers un chiffre d'affaires en baisse et que les 30 % restants risquaient le dépôt de bilan. Une situation d'autant plus étonnante que ces entreprises délaissées représentent le pont tant recherché par les multiples sommets, événements et autres initiatives mis sur pieds ces dernières années, qui affichent tous l'ambition de renouveler la relation entre la France, l'Europe et l'Afrique. De ces nombreuses démarches résulte pour l'heure un Conseil Présidentiel de l'Afrique plus discret que jamais, tandis que l'initiative Digital Africa, qui se présentait comme une communauté de partenaires (incubateurs, financiers institutionnels...) au service des entrepreneurs numériques africains, connaît de grandes difficultés.

Il est ainsi grand temps de parier sur les leviers véritablement porteurs pour le renouvèlement de la relation entre l'Afrique et la France, en valorisant les initiatives économiques des Français en Afrique. Alors que le gouvernement français ne prend pas en compte les EFE et que la complexité de leur statut administratif ne cesse de les priver de l'accompagnement qu'elles méritent, des organisations telles que le GPF (Groupement du patronat francophone) constituent un recours efficace. Cette organisation, qui constitue le 1er réseau d'affaires francophones à travers le monde, s'est donnée pour mission de favoriser les échanges et transferts de compétences entre les entreprises et les acteurs économiques de pays partageant en commun la pratique de la langue française. Le GPF promeut ainsi leur savoir-faire, augmente leur visibilité et les aide à s'internationaliser - en les mettant notamment en contact avec les institutions internationales et autres bailleurs de fonds.

En ce qui concerne l'export, la France connaît un déficit commercial sans précédent qui induit une urgente nécessité de renforcer la Team France Export (TFE), structurée par Business France et rassemblant les principaux acteurs en mesure de faciliter les exportations (Régions, CCI, BPI). Aujourd'hui, comme le rappelle la Cour des comptes, le réseau de Business France est davantage tourné vers l'Europe que vers les nouveaux marchés d'exportations tels que l'Afrique. Ainsi, alors que le contrat d'objectifs liant cette institution à l'Etat prévoit que 85 pays soient concernés par le projet TFE d'ici à la fin 2022, la création de ce réseau a entraîné une réduction du réseau international de Business France, au nom d'une logique administrative. Depuis 2018, ce sont 15 implantations à l'étranger qui ont fermé leurs portes. Il convient donc d'élaborer une nouvelle stratégie de soutien tant sectoriel que géographique, pour redéfinir l'ambition de cet outil et le relier à tous ceux qui participent à la vie économique française hors du territoire. Il est par ailleurs nécessaire d'assurer la mise en place du guichet unique promis depuis 3 ans, qui permettrait un véritable choc de simplification et de soutien pour les exportations.

Du côté de l'aide au développement, la France ne cesse d'augmenter ses contributions, en dépensant chaque année 12 milliards d'euros - soit l'équivalent de 3 % du budget de l'État. Pourtant, l'action française en la matière, menée par l'Agence française de développement (AFD) semble de plus en plus guidée par une logique financière annihilant toute réelle volonté politique. En effet, bien qu'historiquement dirigée vers l'Afrique, les principaux pays dans lesquels investit désormais l'AFD sont les pays émergents, en particulier la Chine ou la Turquie. Ainsi, l'État français finance pour plus de 1,7 milliard d'euros des banques turques et chinoises, alors que les pays africains occupent, pris individuellement, une part minime du total des investissements de l'AFD. Il apparait alors urgent à ce stade de notre réflexion que la France focalise ses interventions économiques sur le renforcement de la relation avec des régions du monde réellement stratégiques pour elle, à savoir l'Afrique et le Moyen-Orient. Plus que jamais, il est essentiel de revoir la politique de Business France et de l'AFD, afin de refaire de l'investissement extérieur français un instrument au service du développement.

Les indicateurs sont unanimes : une amélioration substantielle du climat des affaires en Afrique est observable depuis plusieurs années, et de nombreux pays du continent ont réalisé de véritables bonds en matière de compétitivité. Ces opportunités sont saisies par les presque 300 000 Français installés sur le continent africain, qui chaque jour œuvrent, à travers leurs initiatives entrepreneuriales, au renforcement des relations entre l'Afrique et la France en assurant le rayonnement national, tout en contribuant au développement local. Une dynamique à encourager, pour que les entreprises continuent d'être au cœur du renouvellement de la relation entre l'Afrique et la France.

(*) Vice-présidente de la Commission institutionnelle du Groupement du patronat francophone (GPF) et candidate aux élections législatives pour la 10e circonscription des Français de l'Étranger.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.