Marchés financiers : l’intégrité comme vecteur d’une croissance plus durable

Le pas est significatif et mérite d'être souligné : le 23 septembre dernier, les ministres en charge des Finances des pays membres de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA) ont adopté un projet de loi uniforme visant à renforcer la protection, la transparence et l'intégrité du marché financier régional regroupant le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
(Crédits : DR.)

Premier texte créant un ancrage communautaire pour la répression pénale des abus de marché depuis la mise en place du marché financier en 1996, la loi uniforme introduit de nouvelles infractions et accroît considérablement l'arsenal à la disposition des autorités. En ligne de mire, particulièrement, les sollicitations irrégulières d'investissements du grand public assorties de promesses trompeuses, à propos desquelles les autorités ont pu sembler quelque peu démunies en l'absence de répression pénale des comportements en cause.

L'éventail des mesures est toutefois plus conséquent et concerne également au premier chef les acteurs du marché financier régional : encadrement plus strict de l'information financière diffusée par les émetteurs, répression des comportements illicites (délits d'initiés, manipulations de cours, etc.), c'est ainsi un véritable aggiornamento du droit boursier régional de l'UMOA qui est opéré, avec pour objectif de renforcer la confiance et augmenter, in fine, le nombre de sociétés cotées à la BRVM et les capitaux qui y sont levés.

Ce mouvement d'adaptation des places boursières est d'ailleurs d'ensemble et les initiatives se multiplient pour renforcer tant leur compétitivité que leur intégration et ainsi déployer le potentiel des marchés africains, au cœur de la conférence de l'African Securities Exchanges Association abritée cette année par la Bourse de Casablanca.

Encore malmenées par les conséquences de la pandémie du Covid-19, les économies du continent ont naturellement tout intérêt à accélérer le développement des marchés de capitaux et ainsi accroître la diversification et les possibilités d'investissement à long terme des acteurs locaux, y compris les PME.

L'enjeu est de taille tant pour la sphère publique (compte tenu du vivier constitué par les entreprises publiques et qui pourraient voir dans le chemin de la bourse une structure idoine à des privatisations totales ou partielles), les acteurs du private equity (la voie de l'introduction en bourse ne représentant encore qu'une part minime - 2% en 2019 selon l'association professionnelle AVCA - des sorties réalisées par les fonds d'investissement), que pour les investisseurs notamment le grand public, le placement boursier pouvant être une alternative aux dépôts à vue ou à terme de l'épargne auprès des établissements de crédit.

Aux avant-postes des évolutions numériques, les économies africaines disposent à cet égard d'atouts importants, avec des aptitudes supplémentaires de mobilisation de l'épargne et d'intégration - y compris au niveau des infrastructures - des dernières transformations financières (technologie blockchain, cryptomonnaies, etc.).

Déterminants, ces atouts ne sont toutefois pas suffisants ; dans le cadre des efforts nécessaires pour dynamiser les places financières, la capacité du droit à engendrer et maintenir la confiance est un élément cardinal.

De ce point de vue, la loi uniforme précitée constitue une avancée certaine, même si la pénalisation des comportements illicites doit être un instrument de dernier recours, cantonné aux agissements les plus graves, et qui ne doit pas entamer le rôle primordial des régulateurs et leurs capacités d'écoute et de collaboration avec les acteurs du marché, particulièrement les émetteurs et les gestionnaires. L'implication de ces acteurs aux côtés des pouvoirs publics est d'ailleurs souvent essentielle, qu'il s'agisse par exemple de la promotion de la culture financière et boursière du grand public ou des initiatives prises pour améliorer les pratiques de gouvernance des entreprises.

Facteur déterminant, l'intégrité des marchés doit être ainsi sans doute entendue d'une manière novatrice, holistique, en lien avec les attentes grandissantes d'une croissance différente et en insistant sur une meilleure appréhension des défis auxquels sont confrontées nos sociétés, liés en particulier à la réduction des inégalités et au développement durable.

Dans ce nouveau paradigme qui se met en place sous nos yeux, les marchés de capitaux ont vocation à jouer un rôle important ; encourageant la transparence et l'inclusion, ils constituent en effet un chaînon essentiel pour contribuer à cette croissance plus durable.

(*) Avocat au Barreau de Paris

(**) Avocat aux Barreaux de Paris et du Burkina Faso

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