Voix Africaines de la Science : lettre ouverte aux dirigeants d'Afrique

Les membres des Voix Africaines de la Science** constatent que la pandémie de COVID-19 a démontré plus que jamais l'importance de la science dans la société moderne. La science s'est avérée notre outil le plus vital pour fournir une meilleure connaissance du virus et de la manière dont nous pouvons répondre au mieux à la crise.
(Crédits : DR)

Bien que l'Afrique totalise près de la moitié des décès mondiaux dus aux maladies transmissibles, l'Afrique subsaharienne ne représente qu'environ 1 % de la production scientifique mondiale. Cette situation est inacceptable.

Aujourd'hui, 615 millions d'Africains n'ont pas un accès suffisant à des soins de santé de qualité. Combinée à la hausse catastrophique des coûts des soins de santé, cette situation est en train de pousser le continent à son point de rupture. Nous avons besoin de toute urgence d'une plus grande proactivité et d'une plus grande responsabilisation des gouvernements africains si nous voulons résoudre notre déficit croissant en matière de soins de santé et répondre rapidement et efficacement aux futures menaces sanitaires.

Aujourd'hui, au Forum Galien Afrique, nous appelons les gouvernements, les agences multilatérales et les entreprises à accroître de toute urgence les investissements dans la R&D de santé, afin d'améliorer la qualité et l'accessibilité de nos systèmes de santé. En tant que scientifiques, nous demandons les mesures suivantes :

1. Renforcer l'accès aux données de santé publique L'Afrique est en proie à la désinformation concernant l'importance de la science, de l'innovation et de la R&D. Cela a des conséquences néfastes sur la lutte contre le COVID-19 en accentuant l'hésitation à se faire vacciner et en empêchant le développement et l'adoption de nouveaux outils et l'efficacité de la surveillance des maladies. Nous appelons donc les dirigeants Africains à investir pour rendre les données sanitaires les plus cruciales accessibles aux 1,2 milliard de citoyens Africains, afin de s'attaquer à la crise de la désinformation qui constitue un obstacle à la bonne santé du continent.

2. Investir localement dans les capacités scientifiques et de production Malgré la nature mondiale de la pandémie, les solutions développées à l'échelle du globe ne sont pas universelles ou applicables de manière cohérente à des régions comme l'Afrique. Il est de plus en plus évident que les pays disposant d'une infrastructure d'innovation bien établie réagissent aux crises de manière plus rapide et plus décisive, et que l'investissement dans le développement de ces bases est crucial pour élaborer des solutions efficaces. Ce sont les Africains qui savent comment résoudre les plus grands problèmes du continent et, à ce titre, nous avons besoin que les dirigeants investissent dans les laboratoires, les infrastructures et les technologies locales pour s'assurer que nous pouvons répondre efficacement aux menaces sanitaires actuelles et futures de nos communautés.

3. Investir dans l'éducation Pour réussir à résoudre la crise sanitaire de l'Afrique, il est essentiel d'investir dans l'avenir, et l'éducation est la pierre angulaire de cet objectif. Nous devons former la prochaine génération de scientifiques et veiller à promouvoir les communautés négligées, notamment les femmes, afin de permettre leur représentation à tous les niveaux. Les dirigeants africains doivent augmenter les investissements dans l'enseignement et l'éducation, afin d'élever la future génération de scientifiques, de médecins, d'infirmières et de professionnels de la santé.

4. Elargir l'accès aux médicaments et aux vaccins essentiels COVID-19 a montré l'importance d'accroître l'accès aux médicaments de qualité et a mis en évidence le sous-investissement dans la R&D pour les diagnostics médicaux, la capacité à développer et à fabriquer des tests étant inégalement répartie dans le monde. Les experts africains doivent être à l'avant-garde du développement de nouvelles solutions de test qui répondent à nos besoins et sont numériquement connectées au système de santé pour soutenir les voies de traitement et renforcer la surveillance des maladies. Des organisations comme l'Agence africaine des médicaments (AMA) cherchent également à renforcer les cadres réglementaires afin d'élargir l'accès à des médicaments efficaces, sûrs et de qualité pour tous. Les dirigeants africains doivent s'engager auprès de l'AMA et d'autres cadres réglementaires si nous voulons réussir à transformer l'accessibilité des soins de santé sur le continent.

5. Intensifier la transformation numérique de l'Afrique L'histoire a démontré que les crises peuvent entraîner des changements transformateurs, et la crise du COVID-19 n'a pas fait exception. En raison de la pandémie et des stratégies de distanciation sociale, nous avons assisté à une accélération de la transformation numérique de l'Afrique, qui était auparavant à la traîne. Après l'année écoulée, on ne peut nier l'importance des données et de la surveillance pour cibler les ressources et adapter notre réponse à la maladie. Pour parvenir à un système de santé efficace, les gouvernements africains et le secteur privé doivent continuer à investir dans la technologie et l'innovation numérique.

6. Renforcer la coopération scientifique régionale COVID-19 a illustré la nécessité d'une coopération entre les pays et les régions, ainsi que l'incapacité d'une seule nation à assurer sa sécurité sanitaire seule. Il est impératif que les gouvernements africains deviennent les champions de la coopération régionale, qui permettra non seulement d'améliorer les connaissances scientifiques mais aussi de favoriser le développement durable sur le continent. La création de réseaux scientifiques et la facilitation de l'accès à l'information scientifique seront également essentielles à la constitution d'une base de recherche africaine solide et intégrée à la communauté scientifique internationale. Au cours des dernières années, nous avons collectivement réalisé d'énormes progrès et généré des innovations qui prépareront mieux l'Afrique aux futures épidémies et nous permettront de relever les défis sanitaires actuels. L'échéance des Objectifs de développement durable des Nations unies pour 2030 se rapproche. Si nous voulons parvenir à l'équité mondiale en matière de santé au cours des huit prochaines années, il est impératif que l'Afrique investisse dans la R&D ciblée en matière de santé. Nous avons un besoin immédiat de coopération, d'investissement et d'action de la part de nos dirigeants ; l'avenir de l'Afrique en dépend.

(*) Signataires : Dr Carol Benn - Experte en maladies du sein, Afrique du Sud - Professeur Elizabeth Bukusi - Responsable de la recherche à l'Institut de recherche médicale du Kenya (KEMRI) - Professeur Abdou Salam Fall - Coordinateur du Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (LARTES - IFAN), Sénégal - Professeur Glenda Gray - Présidente et directrice générale du Conseil sud-africain de la recherche médicale (SAMRC) - Professeur Christian Happi - Professeur de biologie moléculaire Université Redeemers, Nigeria - Dr Neema Kaseje - Chirurgien, Médecins Sans Frontières, Kenya - Dr. Clement Meseko - Institut national de recherche vétérinaire, Jos, Nigeria - Professeur Georgina Odaibo - Chef du département de virologie, Université d'Ibadan, Nigeria - Professeur Samba Sow - Directeur du CVD Mali.

Voix Africaines de la Science est une initiative menée par Speak Up Africa qui rassemble des scientifiques, des chercheurs et des experts de la santé de toute l'Afrique afin d'encourager un débat public ouvert sur les principaux défis et solutions en matière de santé sur le continent. En amplifiant des voix crédibles qui peuvent parler en faveur de la recherche et du développement et changer le récit sur le COVID-19 en Afrique, l'initiative vise à souligner l'importance d'augmenter l'investissement dans le secteur de la recherche et du développement en Afrique tout en renforçant la confiance dans l'innovation en matière de santé.

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