Refuser, réduire, réutiliser, recycler, les conséquences pour l’île Maurice des nouvelles législations sur le plastique

Les autorités mauriciennes ont proposé de nouvelles mesures drastiques afin de diminuer les déchets plastiques. Une initiative lancée par les régulateurs qui est certes louable, mais qui pourrait avoir un impact négatif considérable au vu du calendrier rigide envisagé.
(Crédits : DR.)

La pollution non-biodégradable est un sérieux problème, pour lequel les régulateurs cherchent des solutions. L'Union européenne (UE) prévoit qu'en 2030, tous les emballages en plastique dans le commerce devront être réutilisables ou recyclés de manière rentable. En France, les autorités et législateurs se penchent actuellement sur plusieurs sujets ambitieux, tels que l'écocide ou la Loi Climat et Résilience.

De même, Maurice planifie sérieusement l'élimination totale du plastique sur l'île. Cependant, les régulations prochainement imposées ne sont pas alignées aux « meilleures pratiques »internationales en ce domaine, ce qui engendra des conséquences involontaires ou induites très sérieuses.

Selon les régulations préliminaires proposées pour la gestion des bouteilles et emballages en polyéthylène téréphtalate (PET) produites par les industries d'alimentation et de boissons publiées par le ministère de l'Environnement, de la gestion des déchets solides et du changement climatique, un système de caution très complexe et rigide sera mis en place dès octobre 2021.Ce système impliquera des surcharges importantes sur les produits PET avec un rabais accordé au consommateur lors du retour de la bouteille ou du contenant.

A partir de février 2022, les autorités interdiront l'usage du PET pour toutes les bouteilles et/ou emballages d'une capacité de moins d'un litre. Les emballages en plastique non-biodégradable utilisés pour le packing des bouteilles et cannettes seront bannis, indépendamment de leur capacité.

Dans le même esprit, l'usage du plastique dur (HDPE) pour emballage dans l'industrie de l'alimentation et des boissons sera complètement banni des aouts 2022.

Cette feuille de route gouvernementale ne laisse que quelques mois aux producteurs, importateurs, et revendeurs de l'alimentation et boissons pour accomplir ce que d'autres pays ont pu réaliser parfois en plus d'une décennie.

Les règles imposées seront extrêmement difficiles à respecter dans un si court délai.

D'une part, d'après mon expérience de l'industrie des boissons, le secteur du commerce à Maurice est dominé par les petites boutiques de proximité, qui pour la plupart ne disposent pas des ressources économiques et légales nécessaires pour se conformer à ces règlementations. Elles seront impactées économiquement et financièrement, ce qui pourrait engendrer des fermetures et des pertes d'emplois.

L'inflation en termes de prix à la consommation va également s'accroître à un rythme très rapide, touchant directement le pouvoir d'achat de la population, qui paie déjà lourdement l'impact du Covid-19.

D'autre part, les entreprises du secteur de l'alimentation et des boissons devront se battre pour trouver et adopter des alternatives viables rapidement. L'industrie du recyclage pourrait également être gravement touchée par la baisse ou l'insuffisance de matière à recycler, rendant le business en lui-même obsolète. L'interdiction des bouteilles PET de moins d'un litre dissuadera de-facto toutes solutions de recyclage industriel pour cause de « défaut de masse critique » rendant impossible toute activité de recyclage au niveau global et national.

Comme l'ont démontré d'autres pays et régions, il n'y a pas de solution « miracle » en ce qui concerne les emballages plastiques. La substitution du PET nécessite la mise en place de nouveaux systèmes d'emballage et de nouveaux procédés de fabrication, et cela prendra du temps.

La meilleure solution serait de faire monter en puissance l'industrie du recyclage et de développer une économie circulaire où les déchets seraient éliminés en réutilisant toutes les ressources. Cela nécessitera un programme éducatif national ciblé, avec la participation significative du secteur privé et des incitations financières provoquant des changements dans les habitudes des consommateurs. Nous pensons que les autorités devraient étendre et intensifier le mécanisme actuel de « responsabilité élargie des producteurs » en créant une valeur économique « raisonnable ou économiquement justifiable » sur chaque item d'emballage PET utilisé lié à un système de récupération de bouteilles « adéquat ». Cette approche, soutenue par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), permettra d'améliorer la collection des déchets plastiques et les taux de recyclage à travers le pays, ce qui aboutira à un changement de mentalité auprès des consommateurs, comme observé dans d'autres pays.

L'industrie du recyclage aura un rôle crucial à jouer dans le développement d'une économie circulaire. La Bottlers' Association of Mauritius, ayant investi des montants très importants en initiative privée dans l'industrie du recyclage au cours des dernières années, continuerait et renforcerait son rôle dans ce sens.

Plusieurs initiatives de recyclages ont déjà été entamées à Maurice. Des organisations non-gouvernementales, telles que We-Recycle, New Invaders Clubet Mission Verte à Maurice, ont signalé une augmentation significative du volume des bouteilles PET collectées dans leurs bacs de récupération ces dernières années. Mission Verte, dans laquelle je suis impliqué depuis sa création en 2007, a placé plus d'une cinquantaine de points de collecte à travers le pays, et en parallèle, nous avons sensibilisé différentes audiences à la nécessite de réduire, réutiliser et recycler. Cela prouve une sensibilisation du public en hausse et que la démarche proposée va dans le bon sens et doit être intensifiée.

Je suis d'avis que les mesures programmées par les autorités sont certes nécessaires au vu de la pollution par le plastique, cependant leur mise en place est prévue dans un délai beaucoup trop court pour permettre aux entreprises concernées de s'y adapter en temps voulu. Il faudrait étaler ces mesures sur un délai plus long, tout en encourageant encore plus la collecte du plastique à des fins de recyclage, pour favoriser l'économie circulaire naissante dans le pays.

Indéniablement, le secteur privé, les autorités et la société civile sont tous alignés sur le besoin de réduire et d'éliminer les déchets en plastique en développant le recyclage. L'évolution vers une économie circulaire, où le recyclage et la réutilisation des ressources seraient au cœur, permettra d'accélérer la mutation vers une économie à faible émission de carbone et incitera grandement à la création d'emplois par mon expérience.

(*) Claude Pougnet est président de l'ONG Mission Verte (ile Maurice).

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