Investir dans les infrastructures pour limiter l’impact de la covid-19 en Afrique

Le plein effet de la pandémie de Covid-19 sur les populations et les économies africaines reste à déterminer. Mais à mesure que les conséquences se font sentir, les gouvernements, la société civile et le secteur privé peuvent amortir le choc, pour peu qu'ils agissent avec détermination. Le déploiement en temps utile de capitaux publics et privés dans des projets d'investissement durables et à long terme peut stimuler les efforts d'industrialisation, créer des emplois et atténuer l'effet le plus meurtrier du virus : la pauvreté.
Shegun Adjadi Bakari, conseiller du président togolais Faure Gnassingbé, spécialisé dans les questions relatives au financement du développement, et Alain Saraka est directeur de la stratégie chez Arise IIP.
Shegun Adjadi Bakari, conseiller du président togolais Faure Gnassingbé, spécialisé dans les questions relatives au financement du développement, et Alain Saraka est directeur de la stratégie chez Arise IIP. (Crédits : LTA)

La baisse prévue du PIB africain - la première récession en 25 ans - est principalement due aux restrictions et aux retards dans le commerce international résultant de la pandémie de Covid-19. L'importance du commerce transfrontalier pour l'Afrique ne peut être sous-estimée, comme en témoigne l'impressionnante volonté politique à l'échelle du continent qui a présidé au lancement de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).L'ampleur de l'exposition de l'Afrique au commerce mondial mérite d'être rappelée : la facture des importations alimentaires du continent, bien supérieure à 35 milliards de dollars, devrait atteindre 110 milliards de dollars d'ici 2025. Selon les statistiques de la BCEAO, la facture des importations de biens de consommation du Togo s'est élevée à 704 millions de dollars rien qu'en 2019, dont près de 56 % ont été consacrés aux importations de denrées alimentaires.

Parallèlement, les matières premières brutes représentent plus de 70 % des exportations africaines, un chiffre encore plus élevé dans la région de l'UEMOA à laquelle appartient le Togo. En conséquence, la pandémie a eu le double effet d'augmenter les coûts d'importation des produits finis tout en réduisant le flux des exportations de matières premières. Les répercussions de ces effets sur le commerce commencent seulement à se faire sentir, notamment sur la sécurité alimentaire. Les politiques protectionnistes réactionnaires visant à empêcher les exportations de produits de base - employées ouvertement et subrepticement par les gouvernements d'Europe et d'Asie envers l'Amérique du Sud et l'Afrique -ne font qu'empirer les choses.

Selon la Banque mondiale, la production agricole en Afrique pourrait se contracter de 2,6 à 7 % si les blocages commerciaux persistent. Il est clair qu'une réduction de l'activité et de la production agricoles aggraverait la spirale descendante en Afrique subsaharienne, où quelque 60 % de la main-d'œuvre est directement impliquée dans l'industrie.

Quelle solution proposer à un continent qui dépend de l'exportation de produits de base et qui est menacé par la réduction de la demande de produits agricoles bruts, le protectionnisme et la démondialisation en général ? Le commerce intra-africain et la ZLECA, de toute évidence. Toutefois, pour que le commerce intra-africain soit la panacée, le déficit d'infrastructures et le taux d'industrialisation de l'Afrique doivent s'améliorer de façon spectaculaire. Le Togo a de longue date une industrie commerciale florissante axée sur la capitale Lomé, et le gouvernement a fait du développement des infrastructures industrielles un principe fondamental de son plan national de développement 2018-2022.

En août 2020, le gouvernement a annoncé le lancement de la construction de la plateforme industrielle d'Adétikopé (PIA), qui accueillera des entreprises de transformation et de fabrication allant de l'industrie alimentaire et des boissons à celle des produits pharmaceutiques et de l'habillement. Des projets comme la PIA, un partenariat public-privé entre les plateformes industrielles intégrées d'Adétikopé (ARISE IIP) et la République togolaise, peuvent à la fois lutter contre l'insécurité alimentaire en augmentant la capacité de production locale et équilibrer le déficit commercial en exportant des produits transformés et finis.

Depuis des années, on entend des appels pressants aux investissements dans l'industrie, l'énergie et les infrastructures de transport en Afrique, mais le temps presse. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est un gouvernement innovant désireux d'attirer des capitaux d'investisseurs agiles comme ARISE IIP. Les investissements privés dans les infrastructures agricoles africaines comme celui-ci non seulement créeront les emplois directs et indirects si nécessaires aujourd'hui, mais représentent aussi peut-être les rendements à long terme les plus sûrs dans un contexte économique mondial instable. Rien n'est plus sûr pour la prochaine décennie que le puissant potentiel de la jeunesse et de l'agriculture africaines.

(*) Shegun Adjadi Bakari est conseiller du Président togolais Faure Gnassingbé, spécialisé dans les questions relatives au financement du développement.

(**) Alain Saraka est directeur de la stratégie chez Arise IIP, un développeur d'infrastructures panafricain qui conçoit, finance, construit et exploite des infrastructures de transport et des zones industrielles pour un montant de 2 milliards de dollars dans cinq pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale.

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