Sans flexibilité, la révolution énergétique en Afrique n’aura pas lieu

Les énergies renouvelables sont et resteront abordables et fiables ; elles seront combinées à des ressources de génération d'énergie flexibles à démarrage rapide comme les moteurs, qui permettent de fonctionner pour satisfaire les pics de demande, et de compenser l'intermittence.
Marc Thiriet, directeur Afrique de l'Ouest à Wärtsilä Energy Business.
Marc Thiriet, directeur Afrique de l'Ouest à Wärtsilä Energy Business. (Crédits : MT/LTA)

Il n'est plus contestable que la transition énergétique intégrant les énergies renouvelables dans le réseau de production d'électricité est une réalité qui se déploie globalement. Cela s'observe à différents rythmes et échelles selon les pays, mais l'augmentation constante de la demande et la baisse continue des prix de ces technologies impliqueront que les énergies renouvelables constitueront la base de l'alimentation des réseaux électriques dans le futur.

C'est en fait plus une révolution qu'une transition, étant donné la fulgurance avec laquelle la part du renouvelable croît aujourd'hui, et la chute déjà constatée des prix du kWh renouvelable produit.

Il en va de même pour le continent africain, et en particulier en Afrique du Nord et de l'Ouest, où l'Égypte, le Maroc et le Sénégal se sont déjà lancés, à des échelles certes différentes, dans l'introduction des énergies solaires et éoliennes. Si par exemple les projets en Égypte sont de grande taille, ils restent marginaux comparés à la capacité installée, alors que le Sénégal inclut déjà 18 % de renouvelable dans son mix énergétique et a l'ambition d'atteindre 30 % dans 10 ans.

Cependant, les énergies renouvelables étant intermittentes par nature, elles génèrent de l'instabilité sur les réseaux électriques, posant d'énormes difficultés aux opérateurs, et potentiellement aux consommateurs par voie de conséquence. Les capacités de production non flexibles, typiquement centrales au charbon devront donc être remplacées par des moyens de production beaucoup plus flexibles. Nous devrons compter sur un mix de solutions de stockage d'énergie et de technologies à base de moteurs, qui sont celles qui assurent les meilleurs temps de réponse, pour nous adapter efficacement aux excès ou déficits soudains de production renouvelable .

De manière intéressante, la crise du Covid-19, et ses phases de confinement nous donnent un avant-goût de ce qui nous attend en 2030 en Afrique. Nous observons en temps réel une simulation grandeur nature des effets d'une majorité de renouvelable dans le mix de production énergétique. Alors que la demande en électricité chute en Europe à cause des mesures de confinement, les installations de production renouvelables continuent à produire à flux tendu. Il en résulte que les outils de production tels que le charbon deviennent la variable d'ajustement et sont arrêtés lorsque c'est possible, ce qui augmente très significativement l'importance relative des énergies renouvelables dans le parc de production.

A titre d'exemple, au Royaume-Uni, sur la période 10 Mars-10 avril, la part du renouvelable a atteint 43% de la production alors qu'à la même époque en 2019, elle était de 10% ! En même temps, la part de l'électricité produite par les centrales charbon a chuté de 35%. A la fin du mois, toutes les centrales charbon étaient arrêtées. En Allemagne, sur la même période, la part du renouvelable a atteint 60% de la production, en augmentation de 12%, tandis que la part de l'électricité produite par les centrales charbon a chuté de 44%. Fin avril, la part du renouvelable a atteint presque 80% plusieurs journées d'affilée, lorsqu'en même temps il a fait très beau et qu'il y a eu beaucoup de vent. Pendant 3 jours, l'Allemagne a même dû payer pour exporter massivement son excès d'électricité n'ayant pu ajuster son outil de production « inflexible ».

L'enseignement principal à en tirer ? La rapidité de la transition énergétique impose des critères supplémentaires dans les choix d'investissement pour assurer la pérennité et la meilleure rentabilité économique du réseau énergétique d'un pays. L'adéquation entre les types de technologies dans le mix énergétique, les coûts de production et la consommation ont radicalement évolué avec l'introduction massive d'énergies renouvelables. Encore plus aujourd'hui qu'avant, le prix de production d'un kWh in fine n'est optimisé qu'en combinant astucieusement les différentes technologies pour les meilleures performances, le moins de risques d'interruption, quelle que soit l'évolution de la consommation.

Les prévisions montrent que d'ici 2050, le solaire photovoltaïque pourrait représenter plus de 50% de la production électrique totale en Afrique. Les énergies renouvelables sont et resteront abordables et fiables ; elles seront combinées à des ressources de génération d'énergie flexibles à démarrage rapide comme les moteurs, qui permettent de fonctionner pour satisfaire les pics de demande, et de compenser l'intermittence. Ces moteurs apportent également une sécurité supplémentaire, car ils peuvent tout aussi bien fonctionner au gaz qu'au fuel en cas de rupture d'approvisionnement du gaz, mais aussi in fine aux bio-fuels quand ceux-ci deviendront économiquement compétitifs et largement disponibles.

Introduire une forte part de flexibilité dans notre production électrique n'est pas une option si nous voulons faire la part belle au renouvelable. Sans flexibilité, la révolution énergétique n'aura pas lieu.

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