Les relations Chine-Afrique  : au-delà des préjugés, une chance à saisir [Tribune]

Plutôt que de caricaturer la présence chinoise en Afrique, le Directeur Général de la première banque de la République démocratique du Congo considère que Pékin a surtout constitué une opportunité pour l'Afrique, qui a trouvé une nouvelle voie afin de financer son développement et ses infrastructures.
(Crédits : DR)

Le récent Forum sur la Coopération Afrique - Chine (FOCAC) a illustré plus que jamais la croissance quasi exponentielle du rôle de la Chine en Afrique. Longtemps négligée ou moquée par les Occidentaux, la puissance financière et commerciale de la Chine en Afrique apparaît au grand jour de façon éclatante puisque la Chine est devenue un des partenaires principaux de l'aide au développement et de l'investissement public, les prêts de la China EximBank concurrençant, voire dépassant ceux du FMI ou de la Banque mondiale. La Chine renforce son empreinte en Afrique, contribuant entre autres à l'importation de biens bon marché et à la construction d'infrastructures. Les échanges commerciaux entre les deux régions représentent près de 3 milliards de dollars en 2017.

Des attentes plus élevées

Certes, le chemin n'a pas toujours pris la forme d'une ligne droite. La lune de miel initiale a connu des accrocs passagers, la surprise de la découverte s'est parfois transformée en une intimité plus routinière. À mesure que la Chine et ses partenaires africains se sont mieux connus, les réussites ont suscité des exigences et des attentes encore plus élevées. Des salaires revalorisés, de meilleures conditions de travail et un transfert de compétence au profit des mains-d'œuvre locales sont devenus des clauses rendues obligatoires et attendues par les signataires africains des nouveaux contrats. En somme, tandis que les pays occidentaux subissaient la concurrence des prix et de la force de frappe financière chinoise, la Chine s'est trouvée mise en concurrence par les pays africains pour améliorer ses standards sociaux, favoriser l'emploi local, mieux respecter les droits du travail et contribuer à la formation de cadres africains selon le modèle que la Chine a elle-même su imposer aux Occidentaux dès les années 1980.

Une nouvelle offre de liquidité

L'influence croissante de la Chine en Afrique est souvent appréciée sans nuances ni perspective historique. On reproche aux travailleurs chinois de ne pas s'intégrer, de rester dans leurs quartiers d'habitation, de ne fréquenter que les restaurants chinois ? Mais combien d'expatriés d'autres origines adoptent-ils la même attitude face à des sociétés dont ils ne sont pas de prime abord familiers ? Souvent, c'est la première expérience hors de Chine pour ces travailleurs. Et, de l'aveu général, leur capacité d'adaptation est assez impressionnante, notamment chez les commerçants. On reproche aux entreprises chinoises de ne pas respecter les normes de sécurité, confondant ainsi certaines entreprises privées et insuffisamment contrôlées, et les entreprises d'État soucieuses de leur réputation et du respect des normes. On reproche à la Chine d'endetter les pays africains, de mettre à leur disposition des sommes excessives pour des projets de trop grande envergure. Mais la Chine a su avant tout ouvrir de nouvelles opportunités de financement à des pays alors très contraints sur le plan budgétaire. La Chine n'a pas fait concurrence aux institutions financières internationales, elle en a finalement complété l'action en apportant une nouvelle offre de liquidités pour financer le développement. Et les pays africains s'en sont saisi, avec pour certains, un succès indéniable : l'Éthiopie, qui s'était jusque-là construite essentiellement par ses propres moyens financiers, est devenue en l'espace de quelques années un des principaux maillons de la réindustrialisation africaine.

Briser le carcan

Et les commentateurs qui déplorent ce nouvel engouement pour la Chine, devraient se rassurer en observant l'attitude réaliste des États africains. Ceux-ci ont très vite compris que cette nouvelle offre, si elle ne venait pas sans conditionnalités, permettrait de dégager de nouvelles marges de négociation pour briser le carcan qui avait fini par décourager toute initiative d'envergure dans les domaines des transports, de l'énergie, de l'eau, des services publics. Ils ont su en jouer habilement, et s'ouvrir un nouvel horizon de développement et d'émergence. Aujourd'hui, des projets pensés il y a plus de vingt ans, et sans cesse repoussés, commencent à se réaliser. Le corridor de Lamu se concrétise, les ports se modernisent, de nouvelles routes sont tracées et complétées, des hôpitaux, des projets agricoles, des parcs solaires... contribuent à forger l'image d'une Afrique en plein essor économique.

Envie d'Afrique

La route est encore longue, mais il est certain que l'intérêt porté par la Chine à l'Afrique a durablement modifié les règles du jeu, et attiré la lumière sur un continent qui, en quelques années, a fait mentir l'afro-pessimisme en retrouvant une dynamique qu'il avait perdue depuis plusieurs décennies. Espérons que cette coopération fructueuse continue à susciter cette envie d'Afrique qui est le fait géostratégique le plus marquant de ce début de XXIe siècle.

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