La République centrafricaine  : enjeux politiques et stratégiques [Tribune]

L'ancienne colonie française baptisée «Oubangui-Chari» du nom des deux grands fleuves qui prennent leurs sources dans ses deux bassins versants, a été rebaptisée République centrafricaine par le père de son indépendance, l'ex- prêtre Barthélemy Boganda, qui vainement rêvait d'une république centrafricaine englobant les anciennes colonies de l'Afrique Equatoriale Française (Congo français, Gabon et Tchad) et le Cameroun dans un premier temps. Ensuite, cette république centrafricaine devait se fondre dans un vaste ensemble dénommé « Etats Unis de l'Afrique latine », et comprenant en sus du Congo belge, le Rwanda, le Burundi et l'Angola. Déjà, il avait compris que seule l'union ferait notre force.
Martin Ziguélé, ancien Premier Ministre de Centrafrique.
Martin Ziguélé, ancien Premier Ministre de Centrafrique. (Crédits : DR)

Malheureusement, non seulement son rêve ne se réalisera pas, mais lui-même disparaîtra dans un accident d'avion une année avant l'indépendance de notre pays, réduit désormais à son périmètre colonial de 622 000 km2, sans accès à la mer, enclavé au cœur de l'Afrique centrale, et entouré par le Tchad au nord, les deux Soudan à l'est, les deux Congo au sud, et le Cameroun à l'ouest.

Tombé dans l'oubli postcolonial, la RCA défrayera la chronique sous la présidence de Jean-Bedel Bokassa qui, après avoir pris le pouvoir par les armes en janvier 1966, s'autoproclamera Empereur en décembre 1976 puis transformera la République en Empire, après un sacre haut en couleurs. Cet Empire centrafricain prendra brutalement fin avec la chute de Bokassa 1er suite à l'opération militaire française « Barracuda » organisée par le Président Valéry Giscard d'Estaing que Bokassa aimait à appeler « mon cher parent».

Le retour à la République en septembre 1979 sera encore un rendez-vous raté avec l'histoire, après le drame de la disparition de Barthélemy Boganda. La prospérité à laquelle la population centrafricaine aspire légitimement du fait d'importantes potentialités du pays laissera la place à un long chemin de croix, pour des raisons structurelles : une instabilité politique chronique ponctuée de crises cycliques, et doublée d'une mauvaise gouvernance endémique. Pourtant ce pays peut offrir à ses habitants un standard de vie élevé. En effet sur ce vaste territoire plus étendu que ceux de la France, de la Belgique et du Luxembourg réunis, vivent seulement cinq millions d'habitants, soit moins d'un habitant au km2. Le pays constitue la château d'eau de l'Afrique centrale, avec plus de 25 millions d'hectares de terres arables - dont moins de 0,5 % cultivées - et généreusement arrosées par plus de 6 mois de pluies par an. La forêt du Bassin du Congo couvre son flanc sud tandis que la savane boisée occupe sa moitié nord. La RCA est à même de produire toutes les variétés culturales vivrières et de rente ( coton, café, manioc, cacao, palmier à huile, hévéas, arachides, riz, etc.), et devenir le grenier de pays voisins voire au-delà.

Sur le plan minier, le Bureau français des ressources géologiques et minières (BRGM) a recensé plus de 400 indices miniers sur le territoire centrafricain, prolongement géologique de la République Démocratique du Congo, généralement considérée comme un scandale minier. La RCA a déjà mis en évidence des réserves de pétrole, de fer, de cuivre, de coltan et d'uranium, et exploite déjà l'or et le diamant alluvionnaires.

En 2013, le pays est revenu aux devants de la scène médiatique internationale par un drame humain de grande ampleur, le déclenchement d'une guerre civile suite à la prise de pouvoir par les armes de groupes armés venant du nord-est du pays.

Malgré les efforts conjoints de la MINUSCA et du gouvernement, et le retour à l'ordre constitutionnel consacré par les élections générales de mars 2016, cette situation de crise persiste, et maintient le pays dans une situation préoccupante. De ce fait le grand paradoxe centrafricain est celui d'un pays richement doté d'actifs immédiatement exploitables, mais qui reste l'un des plus pauvres au monde.

Cette situation est non seulement inacceptable pour la population, mais constitue un facteur réel de risque pour toute l'Afrique centrale, et bien au-delà. En effet, stratégiquement situé au cœur géographique de l'Afrique, le retour rapide à la paix évitera de faire de la RCA un creuset d'instabilité et une terre de refuge de groupes armés comme la LRA de Joseph Kony. La paix et la stabilité en RCA produira des dividendes régionaux, et cela passe par un renforcement des forces de défense et de sécurité nationale, appuyées par la communauté internationale. Cela passe aussi par une plus saine et plus juste appréciation de la dimension sous-régionale de cette crise afin qu'il y soit mis fin

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