L'off-grid ou la ruée vers l'or vert des majors de la mondialisation [Tribune]

Comme elle a su le faire avec les télécommunications, l'Afrique s'affranchit des contraintes du réseau électrique centralisé. L'essor des technologies off-grid assurent donc de nouvelles opportunités pour les 600 millions d'Africains qui n'ont pas accès à l'électricité, trop éloignés du réseau central. Du fait du coût prohibitif de son extension (entre 7000 et 15000 € le kilomètre), ceci devient inenvisageable pour la majorité des pays d'Afrique subsaharienne. Cette solution d'avenir est encensée par les acteurs du business de l'énergie ainsi que le monde académique et institutionnel.
(Crédits : DR)

L'off-grid, engouement du secteur privé et solution pour l'Afrique

Le terme off-grid ou électricité hors réseau, désigne le fait de ne pas être connecté au réseau principal et donc de constituer un réseau autonome d'ampleur limitée.

Ces solutions adoptent de nombreuses formes. Les Solar Home Systems (SHS) fournissent des services d'éclairage minimal et rencontrent un fort succès grâce à des solutions de paiement via le mobile, comme le «pay-as-you-go» (PAYGO). Cela permet aux populations rurales une autorégulation de leur consommation et l'énergie devient ainsi peu coûteuse.

Cette souplesse est désormais possible grâce à la téléphonie mobile massive en Afrique. Il existe aussi un système «off-grid» à l'échelle communautaire que l'on nomme «mini-grid». Plus onéreux, le mini-grid offre de l'électricité pour un village grâce à l'interconnexion entre les logements et les commerces (Shared System).

Moins chers que les combustibles fossiles, ces systèmes produisent une dynamique de marché très positive. Avec un taux de croissance annuel de 5%, son application aisée pour l'énergie solaire, la modification attractive du cadre réglementaire et la baisse des coûts de production, l'off-grid s'impose désormais comme une réussite.

 Diplomatie de l'off-grid

Plus rentable et moins contraignant, l'off-grid se substitue petit à petit aux réseaux centralisés, en particulier dans les régions enclavées, sans accès à l'électricité.

De ce fait, l'off-grid, en particulier l'off-grid PV (solaire) domine le marché et s'adapte aux marchés subsahariens à faibles revenus. Ces nouvelles technologies s'introduisent de façon rapide et sont peu coûteuses. Elles répondent aux besoins croissants en énergie sur le continent sans inertie administrative. Nous sommes là dans un nouveau paradigme du marché de l'électricité en Afrique où le consommateur devient producteur.

La diplomatie de l'off-grid se profile en partant d'un constat fort : avec des petites installations renouvelables, simples et peu chers, la transition énergétique du continent s'accélère. Elle autorise des investissements directs, au plus près des besoins des populations africaines.

Pour les pays occidentaux, cette technologie offre un retour sur investissement rapide en matière de notoriété. C'est aussi un moyen pour les entreprises extra-africaines de bénéficier de l'avantage comparatif permis par leur avance dans la technologie de l'off-grid.

L'intérêt pour ce marché a bien été compris par les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni. L'institution de financement du développement britannique (DFID) en a fait un axe prioritaire sous couleurs de l'accès à une énergie propre et abordable en Afrique. Son programme d'électrification UK's Energy Africa Access Campaign focalise uniquement sur les projets «off-grid» solaires. L'objectif déclaré est l'accélération du développement du marché solaire d'ici 2030, combinant l'engagement politique, l'assistance technique et le financement. En collaboration avec l'ensemble des parties prenantes de l'échiquier africain, le DFID investit dans les entreprises innovantes.

Télécoms et énergéticiens, le nouveau couple gagnant

Les entreprises de l'énergie et des télécoms lorgnent de près ce marché en plein essor. Selon le REN21, 276 millions de dollars ont été investis dans les entreprises «off-grid» solaires en 2015. En tant que principales solutions utilisées, le service mobile PAYGO a concentré 87% des investissements du secteur en 2014 et 2015.

Quelques leaders se taillent la part du lion dans ce nouveau marché et reproduisent les traditionnelles luttes d'influence dans le financement des énergies vertes africaines.

L'Afrique de l'Est représente l'épicentre de cette lutte acharnée entre entreprises africaines, véritables champions du sud (M-Kopa, MTN), européens (Mobisol, BBOXX) ou encore nord-américains (Off-Grid Electric, SolarCity, GreenLight Planet). On constate la montée en puissance des entreprises françaises du secteur. Total et EDF ont mis en œuvre, dès le début des années 2000, un modèle spécifique pour l'électrification rurale. Schneider Electric a lancé en 2009 un programme appelé « BipBop » pour développer des technologies adaptées à l'électrification rurale. Enfin, Engie et Orange avaient signé en 2015 un partenariat centré sur l'électrification des zones rurales via les SHS. Un service qui devait être commercialisé par Orange via une facturation sur mobile, grâce au PAYGO.

L'interopérabilité entre acteurs de l'énergie et des télécoms se développera dans les prochaines années. Ces groupes positionnés sur les offres financées par des prépaiements, s'intéressent au rachat ou à l'investissement dans des startups.

Les entreprises de l'énergie se focalisent donc sur l'installation et la maintenance de solutions décentralisées. Le plaidoyer d'Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie, pour un accès généralisé à l'énergie en Afrique est parlant à ce sujet. Selon elle, «le développement des technologies hors réseau (off-grid) et mini-réseaux (mini-grid) pourraient bouleverser la situation et être un facteur d'accélération de l'électrification des zones rurales».

L'Off-grid, étape pour l'électrification rurale ou finalité ?

Pour conclure, le « hors réseau » jouera un rôle majeur comme relais de l'électrification des campagnes d'Afrique subsaharienne. Son impact socio-économique est certain mais son déploiement à grande échelle demeure une gageure. Car l'électrification décentralisée est complexe. Ce marché doit répondre à une demande disparate, d'accès variable, en fonction de l'enclavement, de l'éloignement des lieux et de la découverte des compétences à financer.

L'approche au cas par cas est nécessaire. Elle nécessite des politiques et des réglementations idoines ainsi que des technologies personnalisées pour l'accès au capital. Le grand nombre de parties prenantes pour la résolution de ces problèmes exige une coordination active pour toucher des collectivités structurées.

Le rôle social des organismes de financement, des donateurs et des interventions gouvernementales sur le marché de «l'off-grid» est donc primordial.

En effet, si il parvient à pallier à l'urgence d'une infrastructure de réseaux centralisée, l'off-grid ne constitue qu'une étape répondant aux aspirations des ménages et des entreprises rurales qui, à terme, ont vocation à se raccorder à leur réseau national. Ce raccordement induira d'autres enjeux économiques entre compagnies rurales (IPP) et les sociétés d'électricité nationales, fers de lance de l'économie.

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Commentaires 2
à écrit le 20/04/2018 à 13:14
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Bonjour je vous remercie pour cet écrit. Quels conseils avez vous pour une entreprise qui veut se lancer dans le système de PayGo dans son pays où ce système n'existe pas et l'accès à l'energie est faible avec une population pauvre

à écrit le 18/04/2018 à 10:39
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Bonjour Une différence très importante cependant entre les SHS et les mini-grids : les SHS apportent la lumière et la recharge des portables, parfois la télévision les mini-grids eux permettent l'usage de tout matériel électrique standard, que ce ...

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