L'avenir des entreprises françaises en Afrique passe de plus en plus par la Chine... [Tribune]

Dans cette tribune, Frédéric Bouzigues défend une coopération plus poussée entre les entreprises françaises et chinoises en Afrique, notamment francophone. Les complémentarités et les alignements d'intérêts entre les trois parties permettent un véritable partenariat gagnant-gagnant.
(Crédits : DR)

L'agenda présidentiel français de la fin 2017 a donné la part belle à l'Afrique : Emmanuel Macron a clos l'année diplomatique en fêtant Noël avec les troupes engagées dans l'opération Barkane, au Niger. Ce voyage suivait de près un déplacement à tonalité très économique au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et au Ghana. Quant à 2018, elle s'ouvre sur la première visite présidentielle en Chine. Il est intéressant de noter qu'Emmanuel Macron enchaîne les deux destinations à quelques semaines d'écart. Car il ne fait pas de doute que l'Afrique est l'une des grandes thématiques sur laquelle les deux pays ont un intérêt prioritaire à coopérer.

Pourtant, c'est peu dire que, sur la dernière décennie, la percée chinoise en Afrique est devenue source d'inquiétude et de fantasmes pour les autorités françaises, qu'ils soient stratèges au Quai d'Orsay ou patrons d'entreprises actives sur le continent. Perte de marchés, transferts technologiques inégaux, difficulté de concurrencer une offensive supposément fondée sur le mépris de la bonne gouvernance et le dumping social, sans oublier les dégradations environnementales en tout genre... On a entendu le pire sur la présence chinoise en Afrique.

Une coopération bénéfique pour le continent

S'il convient bien entendu de rester attentif au déploiement de la Chine en Afrique, la réalité évolue plus vite que notre perception. Ainsi, la France et la Chine sont déjà engagées dans de multiples formes de coopération bénéfiques pour le continent. Ce sont d'abord les crises qui ont rapproché les trois régions. Français et Chinois ont très récemment coopéré - et continuent de coopérer - pour combattre Ebola et la Chine a apporté un soutien stratégique à l'intervention française au Mali. Ensuite, la France et la Chine ont créé un fonds de 300 millions d'euros pour investir en Afrique et en Asie - avec un objectif d'atteindre une puissance de feu de deux milliards d'euros.

Sur le plan économique, la Chine et la France ont également signé en 2015 une déclaration conjointe « d'investissement sur les marchés tiers », une première pour la Chine. Le meilleur signe que la greffe franco-chinoise est en train de prendre en terre africaine, c'est que cette capacité des deux États à travailler ensemble prend peu à peu forme dans le secteur privé. On constate la convergence croissante entre les entreprises françaises et chinoises. C'est le cas dans le secteur minier en Guinée avec une entreprise comme la Société Minière de Boké (SMB), un consortium spécialisé dans la bauxite qui rassemble un géant de l'aluminium chinois, un armateur singapourien et une société de logistique locale à capitaux français, devenu en quelques années premier producteur du pays. La SMB porte aujourd'hui un investissement de trois milliards de dollars dans un projet de transformation locale de la bauxite en alumine, un projet synonyme de diversification industrielle pour la Guinée.

Ce type d'alliance permet de tirer profit de l'expertise de chacun : le géant minier qui s'engage à acheter la production, l'armateur qui a à charge de l'exporter et l'opérateur local qui gère la mine. Les partenaires asiatiques profitent de la bonne connaissance de terrain des professionnels français qui apportent des compétences précieuses pour l'exploitation durable du site. La Guinée met en valeur ses ressources et jouit de rentrées fiscales considérables, estimées à plusieurs centaines de millions d'euros, tandis que les communautés locales bénéficient d'une dizaine de milliers de créations d'emplois grâce aux projets de transformation locale.

De nombreux domaines de coopération

Aujourd'hui, la Chine en Afrique est une réalité incontournable. Et, de même qu'on ne peut réduire l'Afrique et ses 54 pays à une réalité homogène, on ne peut résumer l'action de la Chine en Afrique à certaines de ses entreprises. D'autant que les domaines de coopération franco-chinoise abondent. Dans l'énergie, par exemple, la Chine et la France peuvent apporter des solutions alternatives (solaire, éolien, nucléaire) au défi énergétique africain. Que dire des pistes de synergie dans le secteur médico-sanitaire avec un leadership mondial des entreprises pharmaceutiques françaises alors que l'Afrique importe massivement des médicaments en provenance de Chine ?

L'avenir de la présence des entreprises françaises en Afrique réside dans une coopération accrue avec la Chine, de même que la pérennité de la présence chinoise en Afrique dépend de leur capacité à apprendre de l'expertise occidentale et française, tout particulièrement en Afrique francophone. L'essentiel dans cette équation consiste à maintenir un haut niveau de dialogue et de strictes exigences de transparence dans les relations entre les trois partenaires. C'est à cette condition que ce partenariat permettra une croissance plus inclusive. Espérons que ce message sera véhiculé par le président Macron durant ce déplacement hautement stratégique.

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