L'Afrique, priorité de la stratégie de défense de la France

L'Afrique constitue le théâtre d'opérations le plus important pour Paris dans la mesure où le continent africain se trouve au confluent des menaces terroristes et migratoires tout en maintenant une proximité géographique, culturelle et politique, et encore économique, avec la France.
Des éléments de la force Barkhane déployée par l'Armée française dans le Sahel.

La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale présentée à la mi-octobre au président Macron est d'une lecture intéressante à plus d'un point. D'abord, il ne s'agit pas d'un document lénifiant de plus, énonçant des évidences sans hiérarchiser les problèmes, comme il y en a eu tant dans ce domaine.

Au terme d'un travail de seulement quelques mois, sous la conduite du député européen spécialiste des questions de défense Arnaud Danjean, c'est la doctrine du nouveau chef de l'état français qui est ainsi ébauchée dans un document de quatre-vingts pages aisément accessible, qui servira de fondement aux décisions budgétaires à prendre dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2019-2025, au début de l'an prochain.

Le fléau du terrorisme

Il y a, bien sûr, beaucoup d'éléments de continuité. Mais la phraséologie creuse et idéaliste qui s'était imposée au cours des dernières années a été abandonnée. Le constat surprend par sa sévérité. Il ne masque en rien la dégradation rapide du contexte international, qu'il s'agisse du fléau du terrorisme islamiste, de l'activisme déstabilisateur de la Russie ou bien de la montée en puissance de la Chine qui dispose, à Djibouti, d'une première base militaire sur le pourtour africain. Les nouveaux défis, comme ceux des cyberattaques, du réchauffement climatique ou des crises migratoires, sont également abordés.

La lutte contre le terrorisme islamiste constitue clairement la priorité pour la France, compte tenu des attaques sanglantes subies sur le territoire national. L'ennemi est enfin clairement nommé par le président Macron et évoqué sans ambiguïté sous le vocable de « djihadiste » dans le corps du document, qui relève en particulier la progression inquiétante de la radicalisation islamiste en Afrique, notamment dans la région sahélienne.

S'il est pris acte du décollage économique de l'Afrique subsaharienne, présenté comme « une réalité porteuse d'espoir », la réponse à apporter au défi migratoire ne fournit rien de nouveau. Signe de l'absence de toute ébauche de stratégie à cet égard, alors que les risques à moyen et long termes sont considérables, la langue de bois revient en force : les auteurs se bornent à reconnaître que « les modalités de réponse à la crise migratoire ont ouvert des tensions fortes » au sein de l'Union européenne.

Sur le plan général et d'un point de vue opérationnel, la France aspire à acquérir, dans un cadre européen, une autonomie d'autant plus nécessaire que la solidité des alliances traditionnelles est remise en question par le feuilleton navrant qui se déroule à Washington. C'est là sans doute l'élément le plus novateur de cette Revue stratégique, qui parvient à énoncer une telle ambition en évitant le piège de la forfanterie et de l'arrogance, travers si souvent reprochés à la France.

Même si cela n'est pas dit explicitement, il ressort que l'Afrique constitue le théâtre d'opérations le plus important pour Paris dans la mesure où le continent africain se trouve au confluent des menaces terroristes et migratoires tout en maintenant une proximité géographique, culturelle et politique, et encore économique, avec la France.

« La consolidation des points d'appui militaires est indispensable » sur le Continent, relève la Revue stratégique. La France maintiendra donc ses forces prépositionnées. Les bases opérationnelles d'Abidjan et de Djibouti, ainsi que celle d'Abu Dhabi, seront préservées, ainsi que les pôles de coopération de Dakar et de Libreville, ce dispositif, parfois remis en cause, étant jugé comme « dimensionné au plus juste ».

Un recentrage cohérent

Cependant, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, il est clair que la France ne peut assumer seule les missions de sécurisation en cours et souhaite que les pays de la région prennent en charge leur propre sécurité. L'opération Barkhane, qui mobilise quatre mille militaires français, est vouée à se fondre dans une force du G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Tchad) lorsque celle-ci sera en mesure de se constituer et d'être financée.

L'annonce, fin octobre, par Washington d'une contribution de soixante millions de dollars, à la suite de la polémique suscitée aux états-Unis par la mort de quatre membres des Forces spéciales américaines au Niger, montre que les efforts de la France pour mobiliser la communauté internationale finissent par porter leurs fruits, même si l'on est encore loin du compte.

L'effondrement de l'« état islamique » en Syrie et en Irak, où la France participe à l'opération alliée, devrait libérer des moyens susceptibles d'être redéployés dans le Sahel, où la Libye demeure un foyer d'instabilité et d'agitation djihadiste. Ce recentrage des moyens opérationnels sur le Sud méditerranéen et l'Afrique, zones d'intérêt immédiat pour la sécurité de la France elle-même, est d'autant plus cohérent qu'il s'accompagne d'un effort diplomatique délicat pour la stabilisation de la Libye dans la foulée de la rencontre en juillet à la Celle- Saint-Cloud entre l'homme fort de l'Est libyen, le maréchal Haftar et le Premier ministre Fayez al-Sarraj.

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