L'Allemagne prépare la réorientation de ses industries EnR, destination l'Afrique

Dans les énergies renouvelables comme dans de nombreux dossiers, le couple franco-allemand est au cœur des enjeux de l'influence européenne. Concurrentes, parfois partenaires, la France et l'Allemagne sont des acteurs incontournables de l'énergie verte en Afrique. Opérant un renouvellement de leurs stratégies africaines, ces pays contribuent à une nouvelle approche européenne des relations commerciales avec le continent. Résolument engagés dans la confirmation du rôle du secteur privé, ces changements de paradigmes orientent et facilitent la projection de leurs acteurs business. En lançant son plan Marshall pour l'Afrique, l'Allemagne marque les esprits en matière d'influence financière. Les nouvelles énergies, au cœur de cette stratégie, seront le futur levier pour les partenariats bilatéraux allemands.
Quentin Voutier, analyste en relations internationales et expert en intelligence économique

Le plan Marshall lancé en juillet dernier et l'initiative « Compact with Africa », fers de lance de l'influence financière bilatérale de Berlin, ouvrent la voie à une modification rapide des stratégies de financement des partenaires européens. Par ces plans, l'Allemagne clame son souhait de dépasser la traditionnelle aide publique au développement (APD) pour affirmer qu'un nouveau partenariat eurafricain est possible, plus orienté vers des investissements directs. Avec plus de 400 000 entreprises présentes à l'international, le pays est représenté en Afrique uniquement par 1 000 d'entre elles. Ces plans visent donc à les réorienter.

En allouant différemment son soutien financier, Berlin cherche à garantir un climat des affaires favorable aux partenariats privés en injectant l'appui financier public. L'APD doit devenir un vecteur pour lever les investissements privés et répondre plus rapidement aux enjeux énergétiques continentaux.

La force allemande dans le financement des énergies vertes réside dans l'hybridité de son action. Elle est à la fois bilatérale à travers la GIZ et le groupe KfW (DB, DEG et IPEX-Bank), mais aussi multilatérale grâce aux initiatives européennes comme l'European Union Energy Initiative Partnership Dialogue Facility (EUEI-PDF).

En se présentant comme le précurseur de la transition verte, l'Allemagne entend démontrer aux Africains qu'elle dispose de la légitimité nécessaire pour les accompagner dans la recomposition de leur mix énergétique.

La GIZ, plaque tournante de la projection des capitaux et du savoir-faire allemand en Afrique

C'est dans cette perspective que l'agence de coopération allemande (GIZ) coordonne l'influence financière dans les EnR (énergies renouvelables, ndlr). La GIZ intervient notamment bilatéralement au Sénégal grâce au Project Development Programme (PDP) et au travers du renewables — made in Germany. Elle intervient également de manière multilatérale par le biais des organes européens comme l'Energising Development (EnDev) dans la réalisation de projets de micro hydroélectricité.

Pour mettre en avant son savoir-faire, Berlin privilégie les modèles de financement par les développeurs ou par le projet. Cela lui assure de soutenir ses entreprises en diluant les risques, de maximiser la rentabilité économique par des prêts à taux préférentiels, de réduire les délais de livraison des projets, mais aussi en contenant le nombre de parties prenantes.

Le groupe KfW et ses trois entités sont le bras armé de la vision allemande dans les énergies renouvelables. Le groupe y a consacré 4,8 milliards de dollars entre 2011 et 2015. Finançant des projets ou octroyant des prêts aux développeurs partenaires, les filiales de la KfW agissent sur tout le continent dans l'ensemble du secteur, tant dans l'énergie solaire (Sénégal) que celle hydraulique (Namibie).

Pour Berlin, l'aide financière pour l'Afrique doit être repensée

Si l'Allemagne inscrit sa politique étrangère africaine dans le prisme européen, il n'en demeure pas moins que son initiative de Plan Marshall pour l'Afrique entend opérer à une véritable réorientation de sa stratégie de financement vert. En l'espèce, l'APD allouée ne doit plus être vue comme une finalité, mais comme un support.

Par l'entremise de cette politique, Berlin appelle indirectement ses partenaires du vieux continent à apporter un regard neuf sur l'Afrique et transmet le message suivant : les objectifs du développement durable onusiens (ODD) ne pourront être atteints que si l'on donne à l'Afrique les moyens de se développer, par et pour elle, en dynamisant les relations entre les secteurs privés des deux rives de la Méditerranée. Néanmoins, certains observateurs africains questionnent déjà l'efficacité réelle d'un tel plan et restent dans l'expectative, notamment en matière d'offset (conditionnement de l'obtention d'un marché à diverses formes de compensation industrielle).

À l'aune de cet engagement germanique, la nouvelle vision de l'Afrique de l'Agence française de développement « Tout Afrique » semble être une réponse à la fois convergente, complémentaire, mais aussi concurrente.

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