Autriche, Pays-Bas, Suède, outsiders de la "green diplomacy" : tirer profit des organes européens et privilégier un soutien ciblé

À première vue, le financement des énergies renouvelables semble être un cercle fermé où se regroupent régulièrement les mêmes acteurs : Banque Mondiale, BAD, EximBank of China, AFD ou encore Japan International Cooperation Agency. Ils monopolisent pour partie la couverture médiatique des secteurs verts. Il en va de même lorsque l'on étudie les porteurs de projets comme Gigawatt Global, Sinohydro ou Eskom. Pourtant, en s'y intéressant plus en détail, d'autres pays émergent et se singularisent par leurs stratégies de projection économique. Parmi eux, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède. Ces pays adoptent une approche similaire qui maximise leurs présences au plus près des intérêts énergétiques africains et s'érigent en véritables outsiders de la "green economic diplomacy" africaine.
Quentin Voutier, analyste en relations internationales et expert en intelligence économique

Conjuguer bilatéralisme et multilatéralisme : une marque de fabrique de l'influence financière européenne dans les EnR africaines

Si chaque pays européen a des objectifs et des moyens d'influence différentiables, il n'en demeure pas moins que tous partagent une double facette : initiatives bilatérales et multilatérales se conjuguent au gré des intérêts communs et particuliers.

Ceci est d'autant plus vrai pour le financement de projets verts sur le continent africain. Si le bilatéralisme réduit le nombre de parties prenantes et les délais tout en augmentant la rentabilité des investissements, le multilatéralisme permet aux Européens de s'affranchir de leurs propres limites. Les pays nord-européens et l'Autriche misent ainsi sur un multilatéralisme actif pour amplifier leur influence et diversifier leurs investissements.

En substance, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède sont les principaux tenants de ce multilatéralisme à l'européenne. En effet, en se regroupant ils peuvent prétendre à plus de poids dans les négociations et ainsi concurrencer les méga projets chinois et l'influence « business-centric » américaine.

Grâce à cette approche, ces pays concurrencent ensemble leurs principaux partenaires européens allemands, français et britanniques. En effet, la somme cumulée des aides publiques au développement (APD) des pays cibles atteignait en 2016 11,44 Mds $, dépassant de plus de 1,9 Mds $ l'aide française. Cependant, des différences de degré et de nature subsistent dans leur approche.

L'influence normative et réglementaire autrichienne et suédoise : jouer un rôle d'intermédiaire et d'expert tout en supportant les fleurons nationaux


L'Autriche adopte pour sa part une approche d'aide publique ciblée en visant un support technique aux institutions et à des pays spécifiques. Le reste des flux de financement est porté par des institutions privées, comme celles du secteur bancaire. Ceci s'exprime entre autres par la nature privée de la banque autrichienne de développement (OeEB) et de son agence de crédit export (OeKB). Vienne s'intéresse davantage au cadre réglementaire des énergies renouvelables qu'au financement de nouvelles capacités. Cela transparaît par le soutien direct de l'Austrian Development Agency (ADA) au centre pour les énergies renouvelables de la CEDEAO (CEREEC-ECREEE) et la présence d'Autrichiens dans les groupes d'experts du centre. Elle se repose régulièrement pour les projets de capacités sur les initiatives européennes comme l'European Union Energy Initiative Partnership Dialogue Facility (EUEI-PDF). Elle supporte néanmoins directement l'exportation de son savoir-faire industriel comme celui d'Andritz Hydro, son fleuron de l'industrie hydroélectrique. À l'Ouest et à l'Est du continent, les autorités de Vienne déploient leur stratégie du « joining forces » en valorisant leur expertise en matière de ressources propres.

L'approche suédoise semble similaire. La Swedish International Development Cooperation Agency (SIDA) mobilise des ressources publiques et privées pour intervenir dans le financement des énergies propres. Elle développe des Public Private Development Partnerships (PPDP) pour mettre en avant ses entreprises sur le continent. Elle ne soutient que les projets conformes à la législation internationale et aux normes de performance de la Société financière internationale. Contrairement à la Chine, le pays s'attache à la création d'un environnement favorable sur le plan réglementaire et sociopolitique. À l'instar de l'Autriche, elle dispose d'un véritable pouvoir normatif en Afrique. Le Royaume est d'ailleurs le premier pays à avoir travaillé en étroite collaboration avec l'USAID et Power Africa, principaux acteurs du soft power normatif dans le secteur des EnR, en apportant un engagement financier bilatéral à la plateforme américaine.

Les Pays-Bas investissent pour promouvoir leurs entreprises nationales

Le gouvernement néerlandais fait la promotion de ses entreprises privées dans le développement d'une énergie propre en Afrique. Il s'appuie sur la Netherlands Development Finance Company (FMO), une institution publique-privée de financement du développement. C'est l'une des plus importantes banques bilatérales de développement. Elle destine 32 % de son capital total (10,9 milliards de dollars) à l'Afrique, majoritairement sous forme de prêts commerciaux ou d'une assistance technique directe, comme cela peut-être le cas dans la mise en valeur du fleuve Sénégal. Une partie des investissements néerlandais vise spécifiquement des solutions énergétiques hors réseau abordable (off-grid).

Par ailleurs, la particularité des Pays-Bas réside dans son agence de crédit à l'export Atradius, un groupe privé détenu depuis 2008 par des capitaux espagnols. Enfin, dans le but d'attirer plus de financements privés, la FMO noue de nombreux partenariats avec des gestionnaires d'actifs néerlandais, afin de créer des fonds d'investissement performants sur les marchés émergents de l'énergie.

En optant pour un syncrétisme entre bilatéralisme et multilatéralisme, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède s'affirment comme des outsiders du financement des énergies renouvelables. Leur soutien plus ciblé laisse une part importante à l'initiative du secteur privé. L'aide publique au développement qu'ils allouent à l'Afrique n'est donc pas une finalité en soi, elle sert de tremplin aux développements de relations entre deux écosystèmes : celui des experts et des entreprises européennes et celui des affaires du continent africain.

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