« Énergies renouvelables en Afrique  : rechercher un équilibre entre exploration et exploitation »

Andrea Masini est Professeur associé à HEC Paris. il animera la masterclass : « Du pétrole aux énergies renouvelables : défis et opportunités de la révolution énergétique » le 26 juin à Douala (Cameroun).

Le retrait américain de l'Accord de Paris replace à nouveau les énergies renouvelables au cœur de l'actualité. Amélioration de la sécurité énergétique, lutte contre les migrations climatiques, réduction de la pauvreté, accès aux infrastructures de base ou encore création d'emplois... le secteur est l'un des moteurs de la croissance du continent.

Certains pays africains l'ont bien compris et présentent une part majoritaire des énergies non-émettrice de gaz à effet de serre dans leur mix énergétique. Sept pays du continent se trouvent parmi les 10 premiers pays dans le monde comptant le plus d'énergies dites alternatives ! L'Afrique fait figure de bon élève, rendant d'autant plus légitimes les demandes portées par Seyni Nafo, le représentant du continent lors des précédentes Conférences des parties, à Paris et Marrakech.

Ces bons indicateurs ne peuvent faire oublier une réalité : alors que le potentiel de production en énergies renouvelables en Afrique subsaharienne est estimé à 26,35 TWh, l'atteinte de ce chiffre, dans les conditions actuelles, reste encore une utopie.

Le continent africain ne peut se permettre le loisir de l'erreur en matière d'énergies renouvelables

Alors que selon l'Africa Progress Panel (APP), 55 milliards de dollars par an devraient être dépensés pour réduire la fracture énergétique en Afrique, le continent n'en investit actuellement que huit milliards chaque année. À ces investissements s'ajoute la question de la typologie de l'énergie ainsi que celle de d'un engagement politique pérenne et fiable des États. Si, dans les pays dits « développés » on observe des soutiens politiques et des progrès récents, il est toujours question de savoir comment les politiques publiques peuvent accélérer l'adoption des énergies renouvelables par les marchés en Afrique. Le risque est sérieux : en mettant en place le mauvais type d'incitation ou en proposant un généreux soutien que l'on retire finalement de manière brutale, le développement de cette industrie peut être ralenti, et le progrès technologique se voir étouffé.

Stimuler l'innovation technologique et favoriser la diffusion

Les recherches réalisées par les experts en énergies renouvelables de HEC PARIS démontrent que le curseur doit être positionné à la fois autant au niveau de l'innovation technologique et qu'au niveau de la diffusion. Le soutien aux énergies renouvelables à travers des subventions publiques reste une solution centrale qui concerne tous les acteurs du secteur. Mais ces politiques d'appuis doivent être couplées avec d'autres mesures visant à stimuler la croissance économique, qui elle-même pourra augmenter la demande en énergies renouvelables. S'il faudra probablement attendre quelques décennies avant de voir la production de turbines éoliennes et de systèmes photovoltaïques africains à une échelle industrielle, le continent est en revanche bien adapté à la diffusion des énergies renouvelables et au développement d'un écosystème de services annexes. Quand bien même n'étaient-ils pas produits en Afrique, le recours à l'existant permettra d'ores et déjà de faire face aux besoins de la population et de créer un environnement favorable au développement d'une industrie locale. C'est pourquoi il est nécessaire de mettre en place des conditions propices à l'adoption : en stimulant la demande, en améliorant la distribution et en accompagnant le financement par des modèles « pay-as-you-go ». En effet, les politiques de soutien à la demande comme les subventions stimulent à la fois l'innovation et la diffusion dans l'industrie des énergies renouvelables. L'action du gouvernement doit ainsi être orientée non seulement vers la protection de la compétition avec les énergies fossiles, mais aussi par la stimulation d'une demande agrégée. Le Kenya avait par exemple mis en place un mécanisme de tarifs de rachats subventionnés en 2008, malheureusement sans que le niveau soit suffisamment incitatif.

Ainsi, seule la combinaison d'une politique de soutien technologique (visant à stimuler la R&D fondamentale) et des mesures de soutien à la demande (visant à créer des marchés compétitifs de niche à court terme) peut favoriser le rôle majeur que joueront les énergies renouvelables dans les futurs scénarios énergétiques. À ce titre, l'exemple du « plan Sénégal émergent » est pertinent. Ce dernier instaure un grand nombre de réformes favorables avec un volet consacré à l'énergie dont l'objectif est de porter à 20% la part du renouvelable dans son mix énergétique.

La « révolution verte» prédit l'émergence de nouveaux services, de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles économiques à l'échelle locale. Dans ce contexte, les énergies renouvelables permettent des investissements rentables à la fois pour les investisseurs en capital-risque et les bailleurs de fonds. Sur le continent africain, la croissance de la filière solaire répond ainsi à des besoins décentralisés comme l'électrification domestique et les télécommunications. Le moment de développer un modèle fondé sur la compétitivité des énergies renouvelables et la participation financière des capitaux locaux est donc venu. Au confluent de l'ensemble de ces besoins se trouve un champion africain.

Et en suivant la prédiction selon laquelle les compagnies énergétiques de demain ressembleront aux géants de la Silicon Valley, le prochain Google, pourrait être africain.

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Commentaires 3
à écrit le 24/06/2017 à 9:44
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C est donc HEC Paris qui va sauver l Afrique! Trop drôle...

à écrit le 24/06/2017 à 9:43
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C est donc HEC Paris qui va sauver l Afrique! Trop drôle...

à écrit le 24/06/2017 à 9:43
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C est donc HEC Paris qui va sauver l Afrique! Trop drôle...

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