À quand une force africaine pour faire face aux défis sécuritaires du Sahel ?

La situation sécuritaire au Sahel est alarmante au plus haut point. Accroissement de la menace terroriste, prolifération du trafic d'armes, intensification des attaques contre les armées nationales, unification des groupes terroristes, nuisance des factions rebelles, voilà toute une région qui vit dans le tumulte d'une crise sécuritaire, laissant présager un avenir relativement sombre. Longtemps cloisonnée au Nord du Mali - zone de repli des groupes extrémistes-, la menace terroriste s'est diffusée vers le centre du Sahel, exacerbant les défis auxquels font face les forces en place.

L'armée malienne autant que la MINUSMA - Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali- et l'opération Barkhane -mission française de contre terrorisme au Sahel - sont loin de tenir la dragée haute face à la déferlante terroriste. Quoique très utile pour ses efforts liés au rétablissement de l'autorité de l'État dans le Nord du Mali, la mission onusienne reste avant tout une opération de paix, relativement « inadaptée » au contexte d'une guerre asymétrique contre un ennemi au visage mouvant. Pire encore, l'opération Barkhane cumule des critiques sévères. Des pans entiers des sociétés sahéliennes questionnent, à juste titre, ses résultats sur le terrain, surtout que des zones immenses restent sans contrôle et que les armées malienne, burkinabé et nigérienne continuent d'être l'objet d'attaques sanglantes. Ce constat préoccupant soulève donc des interrogations sur la capacité des opérations étrangères à sécuriser la région, et le rôle des armées nationales dans l'architecture sécuritaire.

Aujourd'hui, il est plus que jamais temps d'envisager de nouvelles perspectives. Des solutions efficientes, encrées dans la durée, sous l'égide d'une force armée régionale cent pour cent sahélienne. Dans une zone où les frontières sont poreuses, il est nécessaire d'opter pour une mutualisation des efforts sécuritaires en vue de concrétiser une réponse transnationale. Et c'est en partie ce que les pays du G5 Sahel - institution composée du Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad qui promeut la sécurité et le développement de la région - ont mis sur papier en novembre 2015; réaliser le projet d'une force armée conjointe capable de garantir la stabilité et la paix. Sa première mission serait de pacifier les zones limitrophes entre les pays du Sahel, avec pour objectifs ultimes l'élimination des sanctuaires terroristes et la surveillance des couloirs de transit dans la bande sahélo-saharienne. Ce projet complémenterait ainsi les missions étrangères qui, tôt ou tard, devront se retirer.

Selon le G5 Sahel, la force conjointe serait composée de plusieurs unités régionales, agrémentée par des projets parallèles de défense, tels que la réalisation d'une plateforme d'échanges de renseignements. Dans cette configuration, les soldats de la force conjointe ont l'avantage de connaitre le terrain beaucoup mieux que les combattants des missions étrangères, et surtout, de pouvoir communiquer dans les langues locales avec les populations de la région. Deux critères importants dans le contexte d'une guerre asymétrique.

L'idée est ambitieuse et mérite le détour, car cette force armée n'est plus une option. Elle est une solution pressante. Or, pour l'instant, le projet tarde à être mis en place même si des formes de coopération militaire existent déjà entre les États de la région. Aujourd'hui, la force conjointe fait face à des obstacles politiques, logistiques et budgétaires assez importants. Des interrogations profondes demeurent sur son opérationnalisation, telle que la composition des effectifs ou l'architecture du commandement. Les moyens financiers et matériels sont un autre enjeu au cœur des défis de l'instance régionale, qui réclame un plus grand soutien international. Pour cela, une rencontre avec des bailleurs de fonds est prévue en 2017, car sans l'appui financier de la communauté internationale, le projet militaire régional ne peut voir le jour. Il est attendu également qu'une résolution des Nations Unies dont le but serait d'appuyer la mise en place d'une force conjointe pour lutter contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne soit adoptée prochainement.

Mais entre-temps, chaque mois qui passe apporte son lot de morts. Chaque semaine résonne la clameur d'Al-Qaida au Maghreb Islamique. Entre les attaques visant les postes de l'armée au Niger, les incursions meurtrières dans les marchés au Nord du Mali ou les centaines d'écoles fermées ou brûlées au Burkina Faso, chaque jour est une lutte acharnée contre les exactions des hordes terroristes. Par conséquent, la force conjointe doit se concrétiser dans les plus brefs. Il est plus que jamais fondamental de lancer aux pourfendeurs de ces ignominies un message fort, étampé du sceau de l'unité sahélienne, la solidarité africaine et l'action efficiente, surtout que la récente fusion de plusieurs groupes extrémistes dans la région sous la bannière de Jama'at Nusrat al-Islam wal-Muslimin consacre une volonté d'enraciner le terrorisme dans la durée, et désagréger une région meurtrie par le sous-développement.

Mais mettre en place la force conjointe n'est pas la panacée de la sécurité, tant celle-ci demeure, particulièrement dans le contexte africain, intrinsèquement liée aux rapports de confiance tissés avec les communautés locales. La mission de la force G5 doit donc s'accomplir en parfaite symbiose avec les populations de la région. Et il y a toute une réflexion à mener sur la mobilisation des jeunes, des enseignants, et des parents afin qu'ils aient une place de choix dans la pacification et la stabilisation de la région. Certes, la coordination d'une force armée commune, munie d'effectifs rigoureusement formés et bien équipés, est plus que nécessaire, mais son succès ne peut être garanti d'avance et ne serait guère suffisant. Il nécessite une stratégie globale et intégrée qui initie le cercle vertueux de la sécurité et du développement. Et c'est seulement ainsi que se concrétisera l'espoir d'une sécurité par et pour les africains.

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