Pas d'émergence sans confiance

Pendant 50 ans, les « spécialistes du développement » ont largement régné sur les orientations et choix socio-économiques de l'Afrique Subsaharienne. Egalement originaires du secteur public (national et international), et du privé (généralement étranger), ces « spécialistes » ont créé et entretenu, souvent de bonne foi, un schéma de développement « hors sol ». Modèle que l'on a pu parfois assimiler à... une culture de rente pour des armées d'experts et d'intérêts économiques spécifiques. Force a été de constater, depuis une vingtaine d'années, l'inefficacité d'une démarche considérant ingénument que le développement pouvait avoir une origine exogène.

Au concept de développement, s'est alors substitué celui de l'émergence, d'une nouvelle compréhension, non seulement des enjeux et de la réalité des forces en présence, mais aussi et surtout, des possibles.

Ce constat d'un développement devant nécessairement être endogène, s'est naturellement fait conjointement avec l'apparition de nouvelles générations d'acteurs politiques et économiques décomplexés et visionnaires.

 Les nouveaux acteurs de l'émergence

Le secteur de la banque illustre remarquablement ces nouveaux acteurs de l'émergence. Tant par le rôle essentiel qu'il joue dans tout développement économique, que par les transformations remarquables et profondes qu'il connait en Afrique.

Parallèlement à un désengagement progressif, voire à la disparition de certains acteurs historique (principalement européens), nous avons en effet assisté à la création de nouvelles banques, groupes bancaires à capitaux africains. La réalité du secteur, longtemps circonscrite aux poids lourds du Maghreb et du Sud, se retrouve maintenant sur l'ensemble du continent avec trois constats importants : une exploitation efficace, une rentabilité significative et une vocation régionale, voire internationale.

Une autre observation remarquable, et particulièrement significative de l'engagement du processus d'émergence, est l'existence de managements et de ressources humaines quasi exclusivement africains.

Ces nouveaux établissements sont proches du terrain qu'ils connaissent bien pour en être issus. lls ont des circuits de décisions courts et exercent les métiers fondamentaux de la banque, sans les dérives spéculatives de leurs grands confrères du Nord. Leurs dirigeants sont de véritables entrepreneurs, actionnaires généralement majoritaires et ayant un projet pour leur entreprise.

Un cadre légal et réglementaire renouvelé

Le cadre réglementaire des établissements bancaires s'est considérablement renforcé au cours des 15 dernières années, y compris pour les zones de l'UEMOA et de la CEMAC qui bénéficient depuis toujours de banques centrales expérimentées et indépendantes. Avec pour conséquences principales, la professionnalisation et la décrédibilisation du secteur (augmentation massive des fonds propres réglementaires, introduction de ratios exigeants, contrôles internes renforcés, suivi de la gouvernance, politique de lutte anti blanchiment et KYC,...), une productivité accrue (ouverture à la concurrence entraînant une réduction régulière des taux d'intérêt, cadre et contrôle strict des systèmes d'informations,...), une meilleure sécurisation des opérations et de la protection de la clientèle.

Une contribution perfectible à une croissance pérenne

L'accès à des ressources suffisantes et stables étant difficile et rare, les capacités d'engagement des banques africaines sont souvent limitées

Par ailleurs, les taux d'intérêt restent très élevés (jusqu'à 7 fois plus élevé que dans les pays développés). Ces taux, générés autant par l'absence de ressources suffisantes et bon marché, que par un état de droit souvent aléatoire, constituent un obstacle majeur au financement de l'économie en général, et des PME en particulier. Ils expliquent la faiblesse des emplois à moyen terme et la quasi absence d'emplois à long terme. Les opérations de commerce à court terme représentant souvent l'essentiel des emplois car supportant mieux des frais financiers élevés.

Le financement des Etats, via des bons du trésor, reste un emploi important en raison de leur sécurité et de taux attractifs (pouvant atteindre 15% /an dans certains pays), impactant d'autant les ressources disponibles. La récente évolution des conditions réglementaires de leur mobilisation, si elle se confirme, est de nature à modifier significativement ce type de financement dans lUEMOA.

Compte tenu de tensions régulières sur les devises, et en l'absence de mécanisme de couverture à terme, les contraintes de change (contrôle, taux, fluctuations) contribuent à freiner les projections financières à moyen et long terme associant des devises, y compris sur des lignes mises à disposition par les bailleurs internationaux (principalement en devises). Cet état de fait contraignant les établissements bancaires à privilégier une clientèle, non seulement très sûre, mais disposant aussi de ressources en devises.

L'exception africaine

A l'image de tous les secteurs économiques, le système financier africain a du mal à attirer des capitaux suffisants. Compte tenu de la sur-liquidité mondiale, entraînant des taux historiquement bas, voire négatifs, le différentiel avec les taux africains devrait naturellement, et théoriquement, s'atténuer, voire disparaître. Il n'en est rien, ou très faiblement.

Compte tenu des perspectives remarquables du continent, et d'une rentabilité habituelle des investissements dans nombre de ses Etats, le continent ne devrait avoir aucun mal à financer son émergence. Il n'en est rien, et nous retrouvons, dans la banque, comme dans tous les autres secteurs, la constante du doute sur la gouvernance, le climat des affaires et l'état de droit.

De ce fait, l'Afrique reste, dans sa globalité et en matière d'attraction des investissements, une exception continentale.

Instaurer une nouvelle confiance est un impératif vital pour tous les Etats qui veulent inscrire leurs économies dans le processus de développement accéléré qu'imposent les besoins actuels et futurs de leurs populations.

Cette confiance est la clé de l'immense chantier qui doit faire passer l'Afrique de « continent des possibles », à celui de « nouveau moteur de la croissance mondiale ».

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