Le développement passe par le combat climatique

À l'heure où l'universalisme occidental est de plus en plus remis en question, la lutte contre le réchauffement climatique est l'un des très rares sujets qu'il est impossible d'aborder sans une gouvernance réellement mondiale, seule capable de gérer un phénomène aussi planétaire. Encore faut-il que la mobilisation des gouvernements et celle des opinions publiques ne retombe pas entre chaque grande conférence climatique.

Depuis le succès de la Cop21, en décembre, et la signature, en avril, de l'accord de Paris, le climat a disparu des feux de l'actualité et des priorités des Etats, mobilisés par une multitude de problèmes bien plus immédiats.

 La Cop22 a permis de tourner la page des congratulations et de s'atteler à mettre en œuvre les engagements souscrits il y a quelques mois à Paris. C'est tout l'objet de ces réunions successives sur le climat que d'obliger chacun à sortir de sa routine et de son obsession pour le court terme.

 Après s'être mis d'accord sur les grands principes, il s'agit de passer à l'action si l'on veut afin assurer la crédibilité du pari ambitieux qui a été fait. Si, au nom du respect de la souveraineté nationale, le choix avait été retenu à Paris de ne pas trop insister sur les contraintes individuelles pesant sur chaque Etat, l'on ne pourra pas limiter le réchauffement d'ici la fin du siècle à +2°C sans que chaque pays assume sa part de responsabilité.

Il était crucial que cette réunion de la COP22 se tienne sur le continent africain, particulièrement victime du réchauffement d'une façon qui risque fort de s'aggraver plutôt que de s'améliorer. Alors qu'elle ne représente actuellement que 4 % des émissions globales, l'Afrique doit, selon un rapport récent de l'Ifri (*),  supporter des coûts d'adaptation de l'ordre de 7 à 15 milliards de dollars par an d'ici 2020. La désertification est manifeste dans toute la zone sahélienne, tandis que les inondations récurrentes et la montée graduelle du niveau des océans sont d'autres fléaux avec lesquels il va falloir compter de plus en plus.

L'effet du climat sur les conflits armés et les migrations est difficile à quantifier, en raison de la multitude de facteurs qui entrent en jeu. Mais il serait absurde de le nier. La guerre du Biafra, puis celle du Darfour et l'impact indirect des années de sécheresse comme facteur déclencheur des printemps arabes sont là pour nous le rappeler. Dans un contexte d'explosion démographique incontrôlée, que se passera-t-il lorsqu'aux vagues actuelles de migrants économiques s'ajouteront ceux que des catastrophes naturelles obligeront à quitter en masse leurs pays ?

Si la prospective est, par définition, aléatoire, la réalité passée et présente suffit à donner une idée de l'ampleur du problème. En Chine, c'est d'ores et déjà par centaines de milliers de personnes que le gouvernement doit reloger chaque année les « migrants climatiques ».  Jugeant qu'ils ne peuvent plus survivre dans les conditions de dégradation de l'environnement actuelles, Pékin a entrepris de déplacer près d'un million et demi d'habitants de la région autonome du Ningxia. La sécheresse et la désertification de ces montagnes situées dans le nord du pays, sur l'ancienne route de la soie, sont telles qu'aucune alternative à l'exode n'a été trouvée.

L'Afrique fait face à un défi du même ordre et s'inspire de la Chine pour combattre la désertification. Sur le modèle de l'action menée par a par Pékin pour arrêter la progression du désert de Gobi, une « grande barrière verte » est en train d'être érigée dans la région sahélienne. À la différence de la Chine, ce sont onze pays qui sont appelés à participer à ce projet pharaonique auquel les financements internationaux doivent accorder toute leur attention.  C'est en effet en termes concrets que l'on retrouve ici le caractère international et unificateur de la lutte contre le changement climatique.

Alors que le monde traverse une révolution technologique sans précédents, l'Afrique est bien placée pour tirer profit des innovations. En adoptant directement les outils les plus avancés, comme c'est le cas dans les télécommunications et le numérique, le développement du continent peut faire l'économie d'un stade technologique dépassé. Le potentiel des énergies vertes, éolienne et photovoltaïque, est considérable, à un coût désormais moins élevé.

Il est important que l'Afrique reprenne le flambeau de la lutte contre le réchauffement au moment où le camp des climato-sceptiques se réveille, comme on l'a vu avec l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis ou bien le peu d'intérêt consacré aux questions écologiques dans le débat politique en France.

La Cop22 de Marrakech a pu remobiliser les énergies et démontrer que pour l'Afrique, comme pour le reste de la planète, le développement économique et le combat pour le climat ne sont plus du tout antinomiques, comme certains le prétendent encore, mais vont désormais de pair.

(*) De la Cop21 à la Cop22. Comment gagner le combat climatique. Carole Mathieu. Octobre 2016.

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