La mondialisation en quête de légitimité

La mondialisation qu'Alain Minc qualifiait naguère d'« heureuse » n'est plus ce qu'elle était. L'actualité nous le rappelle tous les jours : le vaste mouvement d'ouverture des frontières et des marchés qui a tant fait pour disséminer une prospérité jadis concentrée dans les pays développés est confronté à des résistances de plus en plus difficile à surmonter.

Il y a d'abord eu le Brexit. Le résultat du référendum de la fin juin a montré qu'un peuple pourtant à priori aussi pragmatique et ouvert sur le monde que les Britanniques pouvait aller contre ses propres intérêts et s'enfermer dans une logique de repli sur soi. Qu'en sera-t-il d'autres Européens culturellement moins acquis aux mérites du libre-échange ? L'Allemagne et la France votent en 2017. Rien ne dit que la politique européenne ne subira pas un choc profond.

 L'autre pilier de ce monde anglo-saxon, qui, avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan, nous avait apporté dans les années 1980 le libéralisme dans lequel nous avons si longtemps baigné, ne se porte pas mieux.

 L'incroyable performance du candidat Donald Trump est un signe que les temps changent. Depuis sa remontée dans les sondages en septembre, une victoire du Républicain dans la course à la Maison Blanche n'est plus impossible et chacun doit s'y préparer. Même s'il n'est pas élu le 8 novembre, les idées qu'il porte ne disparaîtront pas et l'on peut parier qu'elles reviendraient sous une autre forme avec tout autant de vigueur dans quatre ans.

 Déjà les grands accords de libération des échanges en gestation dans les zones du Pacifique et de l'Atlantique (TPP et TTIP) sont menacés et remis en question par les deux candidats à l'élection présidentielle américaine.

 La mondialisation, cette vague de fond qui, en seulement vingt-cinq ans, a ramené de 40 % à 10 % la part de la population de la planète vivant dans l'extrême pauvreté, est-elle condamnée ? Il faut espérer que non. Mais ce n'est pas en ignorant les problèmes ou en qualifiant de « populistes » tous ceux qui osent dénoncer les excès de l'ultra-libéralisme que l'on va sauver ce qui peut l'être.

 Depuis la crise financière de 2008, la doctrine qui voulait que tout ira mieux tant qu'on laissera faire les marchés ne va plus de soi. Entre le laisser-faire d'une part, et l'étatisme et le protectionnisme d'autre part, le monde titube sans savoir où aller.

 Aveuglés par les chimères d'un ultra-libéralisme triomphant, les dirigeants internationaux n'ont pas su anticiper le rejet croissant de leurs politiques, rejet qui transcende les traditionnels clivages gauche-droite et donne des ailes aux mouvements nationalistes et anti-libéraux. Leur incapacité à distribuer à peu près équitablement les énormes profits nés de l'ouverture des frontières a détruit le pacte social sur lequel reposait la stabilité politique dans les pays développés depuis l'après-guerre.

 Si un pays comme le Royaume-Uni peut quitter l'Union européenne, c'est tout l'édifice de la mondialisation, telle que nous l'avons vécue depuis des décennies, qui est ébranlé. Qu'un personnage comme Donald Trump puisse accéder à la Maison Blanche souligne la gravité de la situation et le manque de solutions alternatives crédibles.

 L'absence de réponse aux problèmes posés depuis la crise financière d'il y a huit ans favorise les réactions excessives d'aujourd'hui. Une croissance en berne et l'obsession sécuritaire née de la menace terroriste compliquent la recherche de solutions. Restent les avancées technologiques, l'innovation et les promesses de l'économie verte pour espérer retrouver une croissance durable.

 L'Afrique a mis du temps mais a largement bénéficié de la mondialisation depuis le tournant du siècle. Comme les autres acteurs, elle devra s'adapter à la nouvelle donne. Désormais, le libre échange n'ira peut-être pas de soi. Il faudra tenir compte des effets induits. Chacun devra compter d'abord sur lui-même. Dans ce contexte, les échanges Sud-Sud et le commerce régional ne peuvent qu'être favorisés.

 Le sommet du G-20 de septembre à Hangzou, en Chine, a marqué un début de prise de conscience de l'urgence à redonner une légitimité à la mondialisation. À l'issue de la rencontre, le président Obama et la patronne du FMI, Christine Lagarde, relevaient que chacun avait reconnu que  «  l'économie internationale doit apporter des bénéfices à tout le monde et pas seulement à quelques uns ».

 Des comportements comme celui de Juan Manuel Barroso, passé de la présidence de la Commission européenne à la firme Goldman Sachs pour faire du lobbying en faveur du Brexit ne sont plus de saison. Ils ne font qu'apporter de l'eau au moulin des « populistes ».

Si le constat est très tardivement posé, la réponse n'est pas simple. Elle se situe au niveau des politiques nationales comme de la gouvernance et des institutions internationales. Puisqu'il s'agit de légitimer la mondialisation aux yeux des opinions publiques, la lutte contre l'évasion fiscale, notamment de la part des multinationales, une meilleure redistribution des bénéfices du commerce et une moindre financiarisation de l'économie sont prioritaires.

 Le pire n'est jamais sûr. Mais, aux Etats-Unis ou en Europe, une nouvelle mauvaise « surprise » de l'ampleur du Brexit nous pend au nez. Ne pas s'y préparer serait faire preuve du pire aveuglement.

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Commentaire 1
à écrit le 21/10/2016 à 15:35
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