Avi Hasson : «Il existe en Afrique d'importantes opportunités de croissance autour de l'innovation»

Avi Hasson, PDG de Start-Up Nation Central (SNC) et ancien expert scientifique en chef du ministère de l'Economie et des finances israélien décrypte, dans cet entretien les enjeux de l'innovation en Afrique et revient sur les relations de coopération et les opportunités de partenariats entre le Maroc et Israël pour développer un écosystème de startups régional capable de relever les défis de demain.
Mounir El Figuigui
(Crédits : Miri Davidovitz))

La Tribune Afrique : Depuis la signature des Accords d'Abraham en décembre 2020 et au-delà de leurs objectifs diplomatiques, comment se présente aujourd'hui la coopération entre le Maroc et Israël dans le domaine de l'innovation ?

Avi Hasson : La signature des Accords d'Abraham a été un succès pour les dirigeants des deux pays. Elle l'est encore plus aujourd'hui parce que les citoyens des pays signataires ont pris le relais pour les concrétiser. C'est le pouvoir des relations entre les peuples qui a fait le succès de ces accords. Le Maroc, en particulier, occupe une place privilégiée dans nos cœurs, puisque près d'un Israélien sur neuf est d'origine marocaine. Nous nous sentons donc chez nous ici au Maroc et nous espérons que les Marocains qui visitent Israël ressentent la même chose.

Le Maroc, en particulier, occupe une place privilégiée dans nos cœurs, puisque près d'un Israélien sur neuf est d'origine marocaine.

Pour l'anecdote, l'ambassade du Royaume du Maroc en Israël a organisé récemment une cérémonie pour célébrer la fête de la Mimouna (fête populaire observée par les communautés juives originaires d'Afrique du Nord, ndlr). L'événement a attiré tellement de monde qu'il a fallu changer de lieu pour accueillir les nombreux invités.

Outre cet aspect humain, il y existe également un fort potentiel commercial entre nos deux pays et je pense que l'innovation y joue un rôle important. Le Maroc a un écosystème de startups en pleine croissance qui s'efforce de relever les défis et de saisir les opportunités qu'offre la région. Israël est une plaque tournante de l'innovation depuis des décennies et ce partenariat donne déjà de grands résultats pour les deux pays. Des collaborations sont en cours dans tous les secteurs, de l'université aux questions liées au climat, en passant par la fintech.

Israël et le Maroc sont désormais des partenaires naturels dans la construction d'un écosystème d'innovation dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.

Juste pour rappel, en mai 2022, Start-Up Nation Central, en partenariat avec l'entreprise marocaine CPR, a organisé sa première conférence "Connect to Innovate" à Casablanca. 250 chefs d'entreprise des deux pays se sont joints à nous pour des débats, des panels et des présentations axés sur les moyens de collaborer dans les secteurs de l'agroalimentaire, des technologies de l'eau, de l'énergie, de la logistique et du capital humain. Ces domaines sont au cœur de la feuille de route économique et sociale pluriannuelle de S.M. le roi Mohammed VI, intitulée "Le nouveau modèle de développement", et ils sont également prioritaires pour Israël.

Quels sont les secteurs prioritaires de cette coopération ?

L'accent est surtout mis sur les technologies agroalimentaires, les technologies de l'eau, l'énergie, la logistique et le capital humain. Beaucoup de choses sont également réalisées en matière de transfert de technologies pour l'innovation et qui répondent à des défis communs.

L'année dernière, Start-Up Nation Central (SNC) a conclu un partenariat avec l'Université polytechnique Mohammed VI dans le domaine de l'innovation. Un accord similaire est-il possible avec d'autres institutions universitaires et de recherche sur le continent africain ?

Oui et je suis particulièrement enthousiaste quant aux opportunités dans ce domaine. Notre partenariat avec l'Université polytechnique Mohammed VI vise à mettre en relation l'expertise et les talents universitaires marocains avec les opportunités commerciales en Israël. Le capital humain dans le secteur technologique est un défi pour Israël et il y a beaucoup de talents en Afrique. La possibilité de travailler ensemble dans ce domaine serait bénéfique pour les deux pays. Ce partenariat s'est développé au cours de l'année écoulée en termes de partage de connaissances, de connexions et d'opportunités commerciales, et nous considérons l'UM6P comme un partenaire privilégié de Start-Up Nation Central au Maroc.

Israël reste un modèle universel d'innovation, de recherche et de développement de nouvelles technologies. Comment le Maroc et l'Afrique en général peuvent-ils bénéficier de ce modèle pour améliorer leur écosystème d'innovation ?

Israël compte plus de 7 300 entreprises innovantes et startups. L'écosystème est soutenu par plus de 500 entreprises multinationales, des accélérateurs, des incubateurs, des universités, des centres de transfert de technologies et des réglementations et incitations gouvernementales. Israël est bien avancé dans le parcours que suivent la plupart des pays pour passer d'une économie fondée sur les ressources à une économie fondée sur la connaissance et les pays de la région sont en train de se transformer, investissant des milliards de dollars dans le développement d'économies fondées sur la connaissance avec leurs propres écosystèmes entrepreneuriaux.

L'écosystème des startups en Israël est dans une approche de partage des best practices pour bâtir un écosystème technologique régional plus avancé et plus connecté qui bénéficie à toutes les parties. À SNC, nous avons développé le Start-Up Nation Finder, la base de données la plus complète répertoriant toutes les startups israéliennes.

À SNC, nous avons développé le Start-Up Nation Finder, la base de données la plus complète répertoriant toutes les startups israéliennes.

Nous invitons tout le monde, y compris le Maroc et l'Afrique plus largement, à utiliser le Finder pour identifier les start-ups en Israël dans des espaces similaires aux leurs et qui pourraient servir de partenaires potentiels. La connectivité, les connaissances et les opportunités offertes par le Finder peuvent faire avancer la collaboration entre l'écosystème technologique du Maroc et celui d'Israël.

À l'ère de l'accélération numérique en Afrique, comment voyez-vous l'avenir de l'économie numérique sur le continent ?

Les pays africains ne sont pas différents des pays du reste du monde qui souhaitent investir et développer une économie basée sur l'innovation. Il existe en Afrique d'importantes opportunités de croissance autour de l'innovation dans des domaines pertinents pour le monde entier : les technologies liées à l'eau, l'agriculture, le climat,... Tous ces domaines peuvent être source de connaissances et un moteur de croissance économique important.

La crise du Covid-19 a permis aux organisations, aux entreprises et aux pays de faire un bond en avant dans la digitalisation et prendre conscience que la mise en œuvre de services technologiques et de l'économie numérique est une partie intégrante qui doit être investie et développée de manière continue et significative. L'économie numérique ne disparaîtra pas et les besoins du marché et des consommateurs deviendront de plus en plus importants. C'est pourquoi investir dans les technologies et le numérique est une nécessité pour l'avenir des économies en phase de croissance.

Comment les gouvernements et le secteur privé peuvent-ils coordonner leurs efforts pour encourager l'émergence d'un écosystème d'innovation solide sur le continent africain ?

Pour créer un écosystème d'innovation solide, les secteurs public et privé doivent travailler en étroite collaboration. Le rôle des gouvernements est de créer des politiques de soutien et des initiatives de financement pour encourager l'innovation et l'esprit d'entreprise dans des secteurs potentiels à forte valeur ajoutée. En encourageant le développement et la mise en œuvre de nouvelles technologies, les solutions innovantes ont de meilleures chances d'arriver sur le marché plutôt que de rester " coincées " dans la phase de recherche.  

Le secteur privé peut également jouer un rôle clé en stimulant la croissance d'un écosystème d'innovation et en explorant différents modèles d'innovation organique et de l'open innovation. En s'associant à des startups et en investissant dans leurs technologies, les entreprises peuvent promouvoir l'écosystème local et potentiellement acquérir un avantage concurrentiel sur le marché. C'est d'ailleurs une excellente opportunité pour développer des collaborations régionales en matière d'innovation.

En s'associant à des startups et en investissant dans leurs technologies, les entreprises peuvent promouvoir l'écosystème local et potentiellement acquérir un avantage concurrentiel sur le marché.

Start-Up Nation Central a co-organisé la semaine dernière à Marrakech le Women Connect to Innovate. Quels sont les principaux objectifs de l'organisation de ce forum ?

Start-Up Nation Central a en effet réuni début mai à Marrakech près de 100 femmes chefs d'entreprise venues de quatre continents pour nouer de nouvelles collaborations commerciales et explorer le rôle de l'innovation dans l'autonomisation des femmes pour générer de la prospérité dans la région.

Quel rôle les femmes africaines peuvent-elles jouer dans l'accélération de l'innovation en Afrique ?

L'écosystème de l'innovation en Afrique, comme dans le reste du monde, est davantage meilleur lorsqu'il est diversifié et inclusif. La diversité est nécessaire et constitue un élément important de la croissance et de l'évolution des entreprises. Les femmes sont naturellement des spécialistes de la résolution de problèmes et jouent un rôle de premier plan dans l'écosystème de l'innovation.

Les femmes sont naturellement des spécialistes de la résolution de problèmes et jouent un rôle de premier plan dans l'écosystème de l'innovation.

Elles peuvent modifier positivement les structures et les processus grâce à leur capacité inhérente à nouer des relations de travail. Ces talents naturels doivent être mis à profit si nous voulons être prêts pour l'avenir incertain qui nous attend face au changement climatique, à la réduction des ressources naturelles et à la révolution technologique.

Mounir El Figuigui

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Commentaire 1
à écrit le 10/05/2023 à 21:34
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Super !! On veut imposer a l'Afrique ce qui ne marche pas en Europe ; le dogme de l'innovation sans le moindre progrès ! ;-)

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