STOA entre au capital d’Equator Energy, le leader du solaire C&I en Afrique de l’Est

Par Marie-France Réveillard  |   |  1222  mots
Marie-Laure Mazaud, directrice exécutive de STOA. (Crédits : STOA)
La holding d'investissement STOA dédiée aux secteurs de l'énergie et des infrastructures renouvelables a rejoint, le 21 mars dernier, l'actionnariat d'Equator Energy, le principal opérateur solaire C&I d'Afrique de l'Est. Entre renforcement et diversification de ses investissements. Quelle feuille de route africaine pour le fonds à impact français ?

La Tribune Afrique : Quels sont à date, les principaux investissements de STOA en Afrique ?

Marie-Laure Mazaud : A ce jour, STOA a engagé 430 millions d'euros sur les 600 millions alloués par nos actionnaires en 2017 (l'Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations), date de création du fonds. Cela représente 14 investissements au total, dont 54 % dirigés vers le continent africain (soit 230 millions d'euros, ndlr). Nous avons actuellement une douzaine d'opérations au portefeuille. Nos projets d'énergie renouvelables (EnR) représentent 65 % de nos investissements. Nous avons notamment investi dans le grand barrage de Nachtigal d'une capacité de 420 MW au Cameroun, qui est actuellement en phase de construction et qui permettra à terme d'alimenter près de 30 % des besoins énergétiques du pays.

A ce jour, plus de 82 % du projet sont d'ores et déjà réalisés. Le barrage devrait entrer en service en octobre 2024. Cette année, des étapes importantes seront franchies, comme la mise en eaux du canal sur plus de 3 km et l'énergisation du 1er groupe électromécanique qui est en cours d'installation.

Quels sont les derniers projets dans lesquels STOA a investi sur le continent ?

Nous avons investi dans le MetroFibre Networx (Fiber To The Home « FTTH », Fiber To The Office « FTTO) qui s'adresse au déploiement de la fibre pour les particuliers et les entreprises sud-africaines. Plus de 120 000 foyers sont déjà connectés. Un nouveau branding « The Home of Fast » vient tout juste d'être réalisé sur cette opération. Par ailleurs, nous avons développé une offre destinée aux classes moyennes qui vivent dans les townships sud-africains, du côté de Port Elizabeth et de Johannesburg.

En 2022, STOA a également investi 35 millions de dollars dans Serengeti Energy, un producteur d'électricité indépendant (IPP) dont les équipes sont pour partie basées au Kenya, et qui développe, construit, exploite et possède des centrales électriques à énergie renouvelable de petite et moyenne taille de 5 MW à 30 MW. Serengeti Energy intervient de l'identification du projet à la mise en service et à l'exploitation, en passant par la réalisation des études de faisabilité et par la construction. Elle est aujourd'hui présente au Kenya, en Ouganda, au Rwanda, en Sierra Leone et en Afrique du Sud et entend poursuivre son développement en Afrique de l'Ouest.

Enfin, STOA a investi également dans Candi Solar AG qui s'intéresse spécifiquement aux PME et PMI. Cette entreprise est très présente en Inde, mais aussi en Afrique du Sud qui connaît actuellement des ruptures d'électricité pouvant aller jusqu'à 6 heures par jour...

Le 21 mars dernier, STOA est entré au capital d'Equator Energy. En substance, que recouvre cet investissement ?

Equator Energy est aujourd'hui le leader de solutions solaires pour les entreprises commerciales et industrielles (C&I) en Afrique de l'Est. Nous avons commencé nos due diligences en juillet 2022, approchés par notre partenaire mauricien IBL Energy Holdings qui avait déjà analysé la cible. Equator Energy exploite le plus grand portefeuille de centrales solaires pour les clients C&I en Afrique de l'Est, en particulier au Kenya et en Ouganda, et dans une moindre mesure au Zimbabwe, en Somalie, en Gambie et au Sud-Soudan. Elle fournit des systèmes de production d'énergie renouvelable intégrés, avec des solutions allant des simples systèmes reliés au réseau à des systèmes hybrides.

En forte croissance, le portefeuille d'Equator Energy s'élève à 35 MW de capacité de production d'électricité solaire en fonctionnement (et plus de 50 MW signés), avec l'objectif d'atteindre 300 MW d'ici 2030. Nous possédons désormais 51 % du capital de la société via la holding commune (Energy Pulse) que nous détenons avec IBL, avec l'objectif de monter à 90 % du capital d'ici 2025.

Comparativement aux autres fonds à impact qui opèrent en Afrique, quels sont les facteurs de différenciation de STOA ?

Nous avons mis en place un certain nombre d'outils en interne, tout en développant des prestations d'accompagnement pour nos partenaires en matière de procédures ESG. Du suivi des indicateurs aux compétences des collaborateurs, en passant par les formations que nous proposons, STOA s'est imposé en quelques années, par la qualité de ses expertises. Nous avons particulièrement mis l'accent sur les volets santé et sécurité au travail. Nous accompagnons également nos partenaires dans leur mise aux normes. Notre apport est protéiforme, il concerne aussi bien la sécurité, la gestion des déchets que les sujets liés à la diversité et à la défense des droits des femmes.

En dehors des investissements dans les EnR, STOA nourrit-il des projets de diversification ?

Nous sommes donc présents dans la fibre en Afrique du Sud et nous regardons un certain nombre d'autres sujets dans les télécommunications, qu'il s'agisse de data centers, de tours ou de connectivité internationale. Néanmoins, nous n'avons pas pour vocation d'entrer en concurrence directe avec les grands opérateurs mobiles du marché. Nous nous orienterons plutôt vers des segments périphériques liés aux infrastructures. Il existe aujourd'hui un mouvement d'acteurs qui cherchent à partager leurs infrastructures avec des fonds d'investissement, à travers l'externalisation des tours ou la délégation des data centers, par exemple. Il y a également de nombreux sujets de téléphonie relatifs aux métro rings et à la connectivité du dernier kilomètre, dans les zones moins denses. Nous regardons aussi les opportunités du côté des ports. Nous sommes déjà présents dans le terminal d'Owendo au Gabon, aux côtés d'Arise Ports & Logistics.

Parallèlement, nous nous penchons activement sur la question de la biodiversité afin qu'elle s'intègre davantage dans nos projets. Nous travaillons en particulier sur les habitats critiques et sur les espaces endémiques. Nous étudions actuellement la possibilité d'intégrer un ou deux projets pilotes dès cette année, en ce qui concerne les solutions basées sur la nature. En Afrique, la reforestation est un sujet majeur et la biodiversité est particulièrement fragile. À titre d'exemple, la Côte d'Ivoire a perdu l'essentiel de son couvert forestier en quelques années (80 % des forêts ivoiriennes ont disparu en un demi-siècle, selon le ministère ivoirien de l'Environnement, ndlr) et cette situation s'est répercutée sur la biodiversité... Enfin, nous nous intéressons à la résilience des infrastructures face aux changements climatiques, dans les transports et dans l'énergie en particulier.

STOA a investi 70 % des fonds qui lui ont été alloués fin 2017 lors de sa création. Un nouveau tour de table est-il déjà programmé ?

Nous sommes actuellement en pleine discussion avec nos actionnaires. L'AFD détient 17 % du capital et la Caisse des dépôts 83 %. Ces deux entités partagent une vision commune en matière de transitions territoriales, énergétiques et sociales, mais aussi sur les questions de souveraineté économiques (...) A l'origine, STOA est venu combler un écueil sur le segment de l'accompagnement des infrastructures énergétiques en equity et, après cinq ans d'existence, nous avons trouvé notre place en Afrique, en dépit d'un profil assez atypique, car nous sommes une holding d'investissement avec des capitaux publics qui agit comme un opérateur privé. Nous ne sommes pas dans l'aide, car nous recherchons à la fois l'impact et la rentabilité.