Les majors bientôt réunies à Abidjan pour le premier Salon des industries musicales d'Afrique francophone

Potentiel inexploité pour les majors et relais stratégique de la francophonie, l'industrie musicale en Afrique subsaharienne a vu ses revenus progresser de 9,6 % en 2021, selon la fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI). Pour Mamby Diomande d'Universal Music Africa, à l'origine du salon des industries musicales d'Afrique francophone (SIMA) qui se déroulera les 17 et 18 novembre à Abidjan, l'enjeu repose désormais sur la monétisation et sur le renforcement des compétences locales.
Mamby Diomande, directeur Live & Brand Afrique francophone Universal Music Africa et co-fondateur et commissaire général du Salon des industries musicales d'Afrique francophone (SIMA).
Mamby Diomande, directeur Live & Brand Afrique francophone Universal Music Africa et co-fondateur et commissaire général du Salon des industries musicales d'Afrique francophone (SIMA). (Crédits : SIMA)

La Tribune Afrique : De quelle façon votre parcours  vous a-t-il conduit à organiser le Salon des industries musicales d'Afrique francophone (SIMA) ?

Mamby Diomande : Mon parcours est assez atypique. Je suis diplômé en ingénierie électrique et électronique. J'ai d'abord exercé comme ingénieur pour l'entreprise ABB. En 2015, poussé par la passion, je me suis orienté dans le secteur de la musique. J'avais la chance d'avoir un réseau qui m'a rapidement permis d'organiser le premier concert de MHD en Afrique, alors qu'il était au sommet de son art. J'ai également participé à l'organisation du concert des 20 ans du groupe Magic System, puis j'ai fondé Tim Event, une société de production de spectacles et de management d'artistes. C'est dans ce cadre que j'ai pu organiser des concerts pour de grands noms de la musique africaine comme Niska, MHD, Kaaris ou encore Naza, en Côte d'Ivoire. En 2019, j'ai rejoint Universal Music Africa en tant que Head of Event et un an plus tard, j'étais nommé Directeur Live et Brand pour l'Afrique francophone.

Comment est né le Salon des industries musicales d'Afrique francophone qui se tiendra les 17 et 18 novembre prochains à Abidjan ?

En Afrique francophone et plus spécifiquement en Côte d'Ivoire, il y a encore un manque de compréhension des logiques business de nos marchés, mais aussi de structuration et d'autonomisation des acteurs de l'industrie musicale. Ma volonté est de permettre à tous ces acteurs de devenir autonomes et d'être rétribués à leur juste valeur. C'est dans cette logique qu'est né le SIMA. C'est un projet sur lequel je travaille depuis deux ans avec Pit Bacardi, directeur du label et du publishing auprès d'Universal Music Africa.

La primature de Côte d'Ivoire est associée à l'événement, tout comme les ministères de la Culture et de la Francophonie, de l'Emploi, mais aussi le Conseil national de la musique, l'UNICEF, Universal Music Africa, Sony Music ou encore ANIM, l'Alliance nationale de l'industrie musicale canadienne.

Comment se déroulera cet événement et quelles sont les têtes d'affiche attendues ?

« À l'ère de la digitalisation, quels sont les enjeux pour l'industrie musicale africaine ? » sera le fil rouge de cette première édition qui vise à promouvoir la musique africaine, former les acteurs du monde de la musique et offrir une plateforme d'affaires entre acteurs africains et internationaux. Pendant 48 heures, six thématiques seront abordées dans le cadre de séances plénières, de keynotes et de masterclasses orientées « transfert de compétences » et animées par des professionnels du secteur. Nous attendons 2 500 personnes venues de trois continents, dont des personnalités comme Antonio Dahouindji, directeur Dream Maker ; Franck Kacou, directeur général Universal Music Africa ; Olivier Laouchez, PDG Trace ; Clotilde Heibing, directrice générale ANIM ; Benjamin Ifrah, responsable distribution musiques urbaines Believe ; Olivier Nusse,  PDG Universal Music France ; Michel Duval, CEO Because Editions ; Elvis Adidiema, directeur Sony Music Africa ; et Alexandre Kirchoff, directeur Capitol France.

Notre objectif est avant tout de révéler des acteurs de la scène musicale underground. Un plateau « découverte » permettra d'ailleurs de révéler de nouveaux talents, en clôture du SIMA. C'est eux qui seront à l'honneur ! L'objectif principal du SIMA repose sur la réalisation in fine, d'un partenariat public-privé entre l'Etat de Côte d'Ivoire et les principaux acteurs des industries musicales : labels, promoteurs de spectacles, artistes, sociétés de droits d'auteurs...

Existe-t-il des spécificités propres au continent africain à l'heure du streaming et de la dématérialisation musicale ?

Premièrement, les habitudes de consommation sont spécifiques en Afrique, car le taux de bancarisation reste faible et le mobile banking est très répandu. Nous avons intégré un panel sur la digitalisation et la bancarisation dans le programme du SIMA. Ensuite, la consommation du live est différente de celle que l'on peut observer sous d'autres latitudes. En Afrique, il faut trouver des alternatives à la billetterie qui reste particulièrement risquée, en s'orientant vers des solutions de pay-per-view (payer pour voir, ndlr).

Précisément, que pèsent les  plateformes africaines comme WAW Musik (Côte d'Ivoire) ou Deedo (Sénégal) face aux géants comme Deezer ou Spotify qui s'intéressent de plus en plus au marché africain ?

Ces plateformes ont l'avantage de s'adapter aux habitudes de consommation. WAW Music propose une solution d'abonnements via le mobile banking et Deedo propose d'écouter de la musique via un opérateur de téléphonie mobile à travers un puddle data (...) L'Afrique ne doit pas seulement affronter la concurrence des géants du secteur, elle doit surtout permettre la monétisation de la musique.

Jusqu'à présent, Youtube n'est pas monétisé en Afrique francophone, à l'exception du Sénégal, car sur les autres territoires, il reste encore de nombreuses problématiques liées aux droits d'auteurs. De façon générale, en dehors du Kenya, de l'Afrique du Sud, du Cap-Vert et du Sénégal, rares sont les pays d'Afrique subsaharienne à s'être dotés d'un cadre protégeant les droits d'auteurs.

La ministre de la Culture et de la francophonie, Françoise Remark, sera la marraine du SIMA. Quels partenariats attendez-vous de la France qui recentre aujourd'hui son engagement en Afrique autour des industries créatives et culturelles ?

Les acteurs français des industries musicales disposent d'une expérience dont l'Afrique a besoin. La France pourrait notamment participer au renforcement des capacités locales. Nous pourrions ensuite travailler ensemble sur le rayonnement de la francophonie. Nous cherchons aujourd'hui à construire des ponts vers le Canada francophone par exemple et Clotilde Heibing, la directrice de l'Alliance nationale de l'industrie musicale canadienne sera présente au SIMA. Enfin, la France pourrait s'intéresser de façon plus précise, aux logiques business de nos marchés africains, pour proposer des solutions idoines et faire évoluer la production musicale sur nos territoires.

Parallèlement au soft power porté par une stratégie axée sur la culture, la francophonie économique représente un axe majeur de la diplomatie française en Afrique. Que pèse la francophonie musicale dans le monde 2.0 face à l'anglais ou au chinois ?

En 2018, l'Afrique ne représentait que 2 % du revenu mondial des industries musicales, selon MBSC Africa. Dans ces 2 %, l'Afrique francophone ne représentait que 0,3 %, c'est dire qu'à l'échelle mondiale, le marché de la musique en Afrique pèse peu de chose... On observe en Afrique, ce qu'il se passe dans le reste du monde, c'est-à-dire, une consommation majoritaire de musique anglo-saxonne (...) Il faudrait encourager davantage les productions locales, car à partir du moment où nous n'avons pas la main sur les manettes qui sont dans celles des Américains ou des Chinois, il est difficile d'intervenir.

Nous devons aller vers une multiplication des plateformes francophones afin de peser davantage dans le marché musical 2.0, d'autant que la démographie nous est favorable pour atténuer cette hyper-domination des Anglo-saxons. Il faudrait aussi créer un cadre de coopération global. Se déplacer d'un pays francophone à un autre pour créer des synergies reste compliqué au regard des procédures demandées pour l'obtention d'un simple visa par exemple.

Il faudrait donc faciliter les déplacements des acteurs de l'industrie musicale dans tout l'espace francophone. Cela permettrait de faire connaître les productions à l'international, mais aussi d'enrichir les productions à travers de nouvelles collaborations.

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