Abdellatif Maâzouz : « Nous avons réalisé près de 80 % du plan de développement du Grand Casablanca »

Depuis septembre 2021, Abdellatif Maâzouz a pris la tête de la région Casablanca-Settat qui concentre à elle seule près du tiers du PIB du Maroc. Entre réhabilitation urbaine, renforcement des infrastructures et riposte face au stress hydrique, l'ancien ministre du Commerce extérieur puis des Marocains résidants à l'étranger revient pour La Tribune Afrique sur les priorités de la métropole.
Abdellatif Maâzouz, président de la région Casablanca-Settat (Maroc).
Abdellatif Maâzouz, président de la région Casablanca-Settat (Maroc). (Crédits : LTA)

En chiffres, que recouvre aujourd'hui la région de Casablanca-Settat ?

Abdellatif Maâzouz, président de la région Casablanca-Settat : La région regroupe près 7,7 millions d'habitants et concentre 154 communes, dont 29 urbaines et 125 rurales. D'un point de vue économique, elle représente pratiquement le tiers du produit intérieur brut du Maroc, c'est le poumon économique du pays. On y trouve notamment Casablanca Finance City, un centre d'affaires moderne qui abrite les grandes enseignes de la finance, de l'industrie et du commerce. L'objectif de Casablanca Finance City est d'attaquer le marché du continent à partir de ce hub qui offre aux entreprises qui y sont installées, des avantages aussi bien sur le plan national qu'à l'international.

Quels sont les grands travaux infrastructurels en cours dans la métropole ?

Nous développons toute une série de projets relatifs à la mobilité, car les freins à la mobilité représentent un problème majeur qui se répercute sur la productivité. A ce jour, des femmes ne vont pas travailler pour des raisons liées à la mobilité et des jeunes renoncent à assister à des cours en raison de ces mêmes problèmes de déplacement. La ville s'étend désormais sur des périmètres qui étaient récemment non occupés et les infrastructures n'ont pas suivi le même rythme. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a lancé en 2014, un vaste projet appelé le Plan de développement du Grand Casablanca (PDGC, ndlr), qui a déjà permis de réaliser deux lignes de tramway et des bus à haut niveau de service (BHNS, ndlr) pour assurer une forme de multimodalité des transports. Ces dernières années, le Maroc a également fait un bond en matière de réseau autoroutier. Par ailleurs, de nouveaux parkings ont vu le jour pour favoriser l'utilisation des transports publics. Enfin, les espaces verts ont reconfiguré le visage de Casablanca, pour la rendre plus agréable à vivre. A ce jour, près de 80 % du plan de développement du Grand Casablanca ont été réalisés.

De quelle façon le Maroc entend-il rentabiliser l'ensemble de ces infrastructures ?

Nous avons implanté des zones d'activité économique autour des nouveaux réseaux routiers pour générer de la valeur. Si les routes permettent la circulation des particuliers, elles permettent aussi des usages industriels et commerciaux plus intenses. Par ailleurs, la création de ces zones d'activité réduit la pression sur Casablanca et sur sa métropole, car les populations disposent de nouvelles opportunités d'emploi, tout en ayant accès à des commerces et des services. Nous avons placé la formation de la jeunesse et l'emploi au cœur de la création de valeur de ces zones d'activité.

Le stress hydrique fait peser la menace d'une pénurie d'eau sur le royaume. Au niveau national, le taux de remplissage des barrages est passé de 62% en 2018 à 32,7% aujourd'hui. Quelle est la stratégie de la région de Casablanca-Settat pour faire face à ce phénomène ?

Une grande partie de la région est rurale. Or, la ruralité est synonyme d'irrigation et de bétail. Casablanca-Settat dispose de l'un des principaux greniers du Maroc à Chaouia, de provinces riches en bétail bovin et de tout un écosystème d'agribusiness. La région est dotée de trois ports : le port de Casablanca (commerce, pêche, réparation navale et plaisance, ndlr), le port pétrolier de Mohammadia et enfin le port de Jorf Lasfar à vocation minéralière et conventionnelle. Toutes ces activités génèrent une pression sur l'eau or aujourd'hui, les réserves sont insuffisantes en raison du changement climatique. Les sept grands barrages et les autres barrages secondaires affichent un taux de remplissage parfois inférieur à 10% cette année. Un programme d'urgence a été mis en place depuis deux mois. Il englobe des mesures immédiates en termes de rationnement ou de rendement du réseau de distribution d'eau pour éviter des pertes qui s'élèvent jusqu'à 30%. Dans l'urgence, il est possible de procéder au raccordement du réseau qui alimente Casablanca avec des réseaux du nord où il reste un peu d'excédent d'eau. Sur du plus long terme, tout un travail de recyclage des eaux usées a été mis en place en parallèle à la construction de stations de dessalement des eaux de mer. Nous avons la chance de disposer de près de 3.000 kilomètres de littoral au Maroc dont il ne faut pas se priver.

La place des énergies renouvelables dans le Plan de développement du Grand Casablanca permettra-t-elle de relever le défi du mix énergétique ?

Nous sommes sur la bonne voie. Le Maroc a été l'un des premiers pays à se lancer dans les parcs solaires et éoliens et à soutenir une stratégie de développement durable. Noor Ouarzazate (projet réalisé par MASEN, composé de quatre centrales solaires sur plus de 3.000 hectares, pour une puissance installée de 580MW, ndlr) est le premier projet solaire de la stratégie énergétique marocaine pour porter la part des énergies renouvelables dans le mix national à plus de 52% d'ici 2030 et pour exporter une partie d'énergie propre vers les pays voisins. Ce parc a est d'ailleurs l'un des plus grands au monde. Le Royaume du Maroc s'est engagé à coller aux normes mondiales en matière d'empreinte carbone, tout en accompagnant des partenaires régionaux dans cette dynamique. J'ai eu la chance de participer à la COP26 de Glasgow et j'ai constaté que le Maroc avait été cité à plusieurs reprises comme un exemple en termes d'atteinte des objectifs inscrits dans l'Accord de Paris.

Vous évoquez la COP 26 qui a permis des avancées sur le terrain des énergies fossiles, tout en laissant un goût amer à nombre d'Africains qui demandaient plus d'engagements financiers pour accompagner leur transition climatique. Quel regard portez-vous sur cette COP de Glasgow ?

La COP est toujours le moment de faire des bilans. Nous ne pouvons pas prétendre que nous avons été surpris par les résultats, mais il est sûr que la COP 26 a révélé que nous étions encore loin des objectifs fixés lors de la COP 21 à Paris. Parallèlement, les engagements n'ont pas été très clairs et il est normal que des pays africains qui comptent parmi les moins émetteurs de gaz à effet de serre (GES, ndlr) (l'Afrique est responsable de moins de 4% des GES à l'échelle mondiale, ndlr) et auxquels on demande de faire les mêmes efforts que les principaux émetteurs de GES, manifestent une certaine résistance. A titre personnel, il me semble que le processus des COP doit être quelque peu recadré et doit afficher davantage de volontarisme des principaux pays émetteurs de GES.

Où en sont les projets de gestion des déchets dont le conseil de la ville de Casablanca a fait une priorité ?

Nous menons un grand chantier sur la question du recyclage des déchets en tous genres, qui s'inscrit dans une stratégie globale. Tout doit être étudié, à commencer par les ordures ménagères afin, qu'au lieu d'être synonyme de coûts, elles deviennent des sources d'énergie ou des fertilisants par exemple. La région de Casablanca-Settat produit d'énormes quantités de déchets et cela représente une opportunité pour les usines de retraitement. L'optimisation des  déchets peut notamment se faire via des partenariats publics-privés, y compris avec des entreprises étrangères qui disposent d'un savoir-faire reconnu.

Comment s'organise la réhabilitation des quartiers informels ?

Le Maroc a déployé des efforts considérables dans ce domaine, qui ont permis d'éradiquer les bidonvilles dans plusieurs villes du royaume, grâce au programme « Villes sans bidonvilles » (PVSB). La lutte contre les habitats insalubres reste un défi permanent qui fait l'objet de plusieurs programmes spécifiques, car la pression urbaine augmente d'année en année, et notamment à Casablanca.

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