Léonce Yacé : «Les banques se tiennent aux côtés des entreprises en cette période d’incertitude »

En plein contexte pandémique, la NSIA Banque Côte d’Ivoire décide de coter à la Bourse régionale son fonds de titrisation lancé en février dernier. Dans cet entretien avec La Tribune Afrique, Léonce Yacé, directeur général de NSIA Banque CI, explique les raisons de cette orientation stratégique visant à soutenir les PME, renseigne sur l’engagement du secteur bancaire dans le contexte présent et partage, entre autres, son analyse de la situation dans la première économie de l’UEMOA.
Léonce Yacé, directeur général de NSIA Banque Côte d'Ivoire.
Léonce Yacé, directeur général de NSIA Banque Côte d'Ivoire. (Crédits : DR)

La Tribune Afrique - Stagnation de l'activité économique du continent, recul des recettes touristiques, baisse des transferts de la diaspora et des investissements, ... En ces temps de pandémie, comment se porte le tissu bancaire et notamment NSIA en Côte d'Ivoire ?

Léonce Yacé - La crise sanitaire a quelque peu déstabilisé le fonctionnement de nos entités. Il faut reconnaitre qu'en Afrique de l'Ouest, la Banque centrale régionale (BCEAO) a pris de bonnes décisions. Un certain nombre de mesures visant à favoriser l'accompagnement des PME par les banques ont été mises en place, permettant d'éviter une crise de liquidité généralisée.

Sur le terrain, il a fallu s'adapter et le numérique y a joué un rôle clé. D'autant que la crise de Covid-19 a véritablement été un accélérateur de la transformation digitale en Afrique. Bien avant, le milieu bancaire affichait des réticences liées à la maitrise de certains outils par les populations, la disponibilité des liaisons numériques, la crainte générée par la cybersécurité... Mais ces réticences ont disparu avec la survenance de la Covid-19, parce que tout le monde a compris qu'il fallait s'orienter vers la dématérialisation et s'y engager fortement. D'abord en interne, en termes de méthode de travail, puis dans la distribution de nos services. Chez NSIA Banque à titre d'exemple, nous ne tenons plus nos comités de direction et nos conseils d'administration en présentiel depuis le mois de mars. Nous utilisons l'outil numérique. Nous avons recouru au télétravail pour certaines fonctions et capitalisé sur « NSIA Banque Direct », notre solution de banque à distance lancée en 2019. Nous avons donc été heureux, durant cette crise, de disposer de solutions acquises au cours des années 2018-2019, qui étaient en cours de déploiement et qui nous ont fortement aidés à faire face à la situation.

Le partenariat avec Orange Bank s'inscrit-il également dans ce cadre ?

En effet, il s'agit d'un partenariat entre le groupe NSIA et le groupe Orange pour développer une offre de banque numérique s'adressant à une cible différente de notre clientèle traditionnelle. C'est-à-dire les acteurs du secteur informel et les consommateurs de micro-crédits dont Orange a une parfaite connaissance des habitudes de consommation, puisqu'ils étaient précédemment utilisateurs de leur service Orange Money.

L'intérêt de ce partenariat pour NSIA est de prendre connaissance des solutions et expertises développées par Orange et qui peuvent nous servir dans le cadre de nos activités classiques. C'est également d'utiliser ce canal pour la distribution des produits d'assurances conçus par notre groupe.

Le Fonds commun de titrisation de créances (FCTC) de 40 milliards de Fcfa (environ 60 millions de dollars) de votre groupe bancaire est depuis septembre dernier coté à la BVRM. Une opération jugée « historique ». Le timing de cette IPO répond-il à une orientation stratégique particulière ?

Nous avons commencé à travailler sur ce projet en 2019. Lorsque nous finalisions l'opération de titrisation en février, la Covid n'était pas encore une réalité en Côte d'Ivoire et nous devions la boucler début 2020, puisque l'accord donné par le conseil d'administration de la SFI [Société financière internationale, ndlr] pour leur participation en qualité d'investisseur de référence arrivait à expiration en mars.

En outre, 2020 marque le lancement du nouveau plan stratégique quinquennal de NSIA Banque CI dont l'accompagnement des PME est au cœur des priorités. Il y a donc une forme de cohérence entre la réflexion menée pour l'élaboration du plan stratégique quinquennal, la mise en place de l'opération de titrisation et l'introduction en bourse de notre FCTC. Tout cela vise à mieux accompagner les PME et de faire de NSIA Banque Côte d'Ivoire la banque des PME.

Comme partout ailleurs en Afrique, les PME représentent l'essentiel du tissu entrepreneurial. Dans le contexte économique actuel, comment un fonds tel que le FCTC pourrait jouer en faveur des PME et plus particulièrement que fait aujourd'hui NSIA Côte d'Ivoire pour soutenir ces entreprises ?

Tout d'abord, le FCTC est arrivé en temps opportun, puisque les besoins des PME, déjà importants auparavant, ont été exacerbés par la pandémie. Disposer de cette liquidité nous a donc permis de mieux les accompagner. Mais il faut savoir que l'accompagnement que nous réalisons repose sur plusieurs piliers. En plus de la nécessaire disponibilité des ressources à laquelle répond l'opération de titrisation, le pilier relatif au mécanisme de garantie de sécurité de financement est très important. Les PME sont très actives, mais souffrent généralement de problèmes de gouvernance, notamment en termes de qualité de l'information financière, en termes de disponibilité de sureté réelle (hypothèque, lotissement, gage, ...). Nous avons donc - avec un certain nombre de partenaires dont la SFI et d'autres organismes délivrant des garanties de portefeuille- mis en place des mécanismes nous permettant de sécuriser le risque en finançant les PME.

Tout le monde parle de financement des PME, mais tous ne disposent pas d'un plan structuré qui assure la liquidité, le mécanisme de garantie et la qualité de l'information financière. Pour ce faire, nous travaillons étroitement avec l'Ordre des experts-comptables de Côte d'Ivoire, afin de nous assurer que nos clients PME disposent d'une information financière de qualité, qui puisse nous servir d'instrument pour l'examen de demandes de financement. L'Etat est également engagé dans ces initiatives, puisque nous avons travaillé avec le ministère en charge des PME et nous sommes en train de finaliser un projet de convention pour ces entreprises.

Alors que vous faites allusion à l'Etat, la Côte d'Ivoire connait actuellement une certaine incertitude qui inquiète les acteurs économiques. Comment les banques -et NSIA en particulier- entendent-elles aider les entreprises à traverser cette période ?

Je crois que vous faites référence aux échéances électorales à venir et aux inquiétudes qui peuvent survenir chez les chefs d'entreprises et les acteurs bancaires. Je vais peut-être vous surprendre, mais j'ai bon espoir que tout se passe bien en Côte d'Ivoire, tout simplement parce que les Ivoiriens ont la particularité de savoir se retrouver lorsque l'essentiel est en jeu. Je n'ai pas de doute qu'en 2020, fidèles à la tradition de dialogue en Côte d'Ivoire, nous saurons trouver en interne des solutions pour régler les problèmes actuels.

Les chefs d'entreprises ont la volonté de poursuivre leurs activités. Ils prennent des initiatives dans ce sens et le font savoir. Les banques à leur tour, particulièrement NSIA Banque, se tiennent aux côtés des patrons pendant cette période. Nous n'avons pas pris de dispositions particulières en vue de ralentir notre activité. Nous considérons que nous devons garantir la continuité de l'activité afin d'accompagner les entreprises et particulièrement les PME qui affichent un important besoin d'investissement. A mon avis, l'échéance électorale de fin octobre sera gérée de façon sereine, comme cela a été le cas en 2015.

Aujourd'hui, tous les opérateurs, décideurs, entrepreneurs, ... Et toutes les stratégies, les politiques publiques, etc. convergent vers quasiment une seule question : comment assurer la relance économique ? Que propose NSIA Banque dans le contexte actuel en Côte d'Ivoire pour soutenir le processus de reprise ?

Je crois qu'il est important de veiller à ce que le cadre réglementaire qui s'applique aux banques ne tue pas leur capacité à accompagner efficacement et durablement les PME. Nous avons tous le souci d'améliorer le taux de bancarisation et d'intégrer le secteur informel dans le secteur bancarisé. Cela suppose d'avoir un cadre réglementaire adapté, qui ne soit pas uniquement une transposition des normes internationales. Il faut des initiatives favorisant l'accès à la ressource financière pour les banques à coût raisonnable pour être à même de faire face aux demandes de financement des PME. Nous devons également arriver à mettre en place un climat de stabilité, générateur de sérénité et de confiance pour l'ensemble des acteurs, parce qu'il est clair que sans cela, on ne peut pas avoir d'initiative majeure en termes d'investissement. La responsabilité est donc partagée entre les acteurs politiques et les populations parmi lesquelles les chefs d'entreprises.

La zone de libre-échange continentale (Zlecaf), dont la mise en œuvre est prévue en janvier 2021, devrait changer la donne en Afrique, sur tous les plans : économique, juridique, mobilité des personnes et des produits... Etes-vous déjà prêts pour cette reconfiguration du marché ?

Nous suivons la mise en place progressive de cette zone de libre-échange. Pour l'instant, les informations disponibles ne nous permettent pas de nous projeter suffisamment. Mais en tant groupe panafricain présent dans douze pays du continent, le groupe NSIA considère que la Zlecaf converge avec notre projet dont l'horizon va au-delà de la Côte d'Ivoire. Ainsi, toutes les initiatives visant à favoriser les échanges, assouplir les mesures fiscales ou douanières sont à accompagner.

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