Lantosoa Rakotomalala  : «La pandémie a bousculé les schémas traditionnels à la faveur des circuits courts»

La Banque mondiale table sur une chute du PIB malgache à 1,2 % en 2020, bien en dessous des 5,2% escomptés avant l'arrivée de la crise sanitaire de SARS-CoV-2. Selon Lantosoa Rakotomalala, ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat, la pandémie a révélé la nécessité profonde de revenir aux circuits courts dans ce pays qui importe encore près de 70% de ses biens de consommation courante.
(Crédits : DR.)

La Tribune Afrique - Quels sont les principaux secteurs qui soutiennent aujourd'hui le commerce et l'industrie malagasy ?

Lantosoa Rakotomalala- Ils sont divers et variés. Nous avons mis l'accent sur les industries spécialisées dans les produits de première nécessité (huilerie, minoterie, sucrerie, usine de pâtes alimentaires ou même cimenterie) qui bénéficient d'un programme spécifique afin d'augmenter leurs capacités de production. L'industrie textile est également au cœur de notre économie. Elle est le premier pourvoyeur d'emplois du secteur privé et représente un tiers de l'emploi formel. Nous sommes le troisième exportateur textile au sein de l'African Growth Opportunities Act (AGOA) [loi américaine sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique promulguée par le Congrès en mai 2000, nldr]. Par ailleurs, Madagascar est le 1er producteur mondial de vanille avec plus de 70% des parts de marché.

C'est notre 2e recette d'exportation après le secteur minier, avec une valeur moyenne de 600 millions de dollars par an. Au niveau des industries stratégiques, la production pharmaceutique et l'assemblage automobile seront bientôt mis en place à Madagascar ainsi que des projets d'assemblage de panneaux solaires et de cimenterie [...] Pour accompagner notre stratégie d'industrialisation, nous avons fait de la promotion des zones d'émergence industrielles (ZEI), de la zone agro-industielle, de la zone industrielle textile City à Moramanga et des zones d'investissement industrielles (ZII), une priorité.

La vanille de Madagascar attire toujours plus d'investisseurs à l'instar de Bolloré Transport & Logistics qui a ouvert en juillet, un nouveau bureau à Tananarive pour supporter sa présence sur le marché (BAL a augmenté de 60% ses parts de marché en 3 ans). Qu'est-ce que cela va apporter à la grande île?

Un acteur comme Bolloré, reconnu internationalement pour son expertise logistique, représente un facteur d'attractivité pour de nouveaux partenaires [...] La compétitivité logistique est clé pour soutenir nos exportations. Madagascar reste le leader mondial en matière de vanille. Nous exportons en moyenne 1 500 tonnes de gousses chaque année et 150 tonnes d'extraits de vanille. Toutefois, nous la transformons encore trop peu. A ce jour, nous disposons de 5 sites d'extraction de vanille dans la région nord de Madagascar. Les producteurs et exportateurs de vanille sont majoritairement des acteurs locaux à l'instar du groupe Ramanandraibe, de la Société malgache de vanille, de Sahanala, de Trimeta Food...

Concernant la production de sucre à Madagascar, le gouvernement entend faire « renaître l'industrie sucrière », mais selon quelle stratégie ?

Nous souhaitons augmenter nos capacités de production, car il existe un différentiel important entre notre consommation et notre production. Début septembre, nous avons assisté avec satisfaction à la réouverture du site de production de la Société Agricole Sucrière Malgache [SASM, ex SIRAMA, ndlr] qui a relancé ses activités à Brickaville (ndr : après sa fermeture en 2007). Aujourd'hui, notre pays importe 100 000 tonnes de sucre par an pour une consommation globale de 195 000 tonnes aussi, la reprise de cette industrie après 13 ans de fermeture représente une sorte de renaissance pour cette industrie. Cette usine permettra de maintenir et de créer quelques 1 600 emplois directs et indirects dans la région, de faire vivre 800 planteurs de canne à sucre et d'assurer une production de 15 000 tonnes de sucre bio en forte demande sur le marché international. Par ailleurs, d'autres usines sucrières sont attendues dans les prochains mois dans 3 régions malgaches, afin de combler le gap de production et d'exporter à terme, le sucre malgache sur le marché international.

Quels sont les principaux impacts de la Covid-19 recensés au niveau de votre ministère ?

La Covid-19 a révélé l'importance de soutenir la consommation locale suite aux confinements observés dans le reste du monde, car nous redoutions une pénurie alimentaire. Cette crise sanitaire nous a conduits à soutenir les initiatives locales et à promouvoir le « made in » Madagascar en s'appuyant sur les circuits courts [...] Globalement, le taux de croissance de l'ordre de 5,2% prévu en 2020 ne sera pas atteint [le PIB devrait chuter à 1,2% selon la Banque mondiale, ndlr]. Le manque à gagner s'élève aujourd'hui à plus de 750 millions d'euros pour le secteur touristique, avec plus de 40 000 pertes d'emplois. Le tourisme représente 7% du PIB de Madagascar et cette situation s'est répercutée sur d'autres secteurs comme la restauration, l'artisanat local ou sur les petits producteurs agricoles. Tous les fournisseurs ont été frappés par la pandémie. Le secteur textile a lui aussi, enregistré une forte baisse de l'ordre de 40% de chiffre d'affaires entraînant la disparition de près de 150 000 emplois.

Fin juillet, la GEM (groupement des entreprises de Madagascar) alertait d'une possible asphyxie suite au confinement et à la fermeture des sites de production/ Quels ont été les programmes de soutien aux entreprises ?

Le Gouvernement a mis en place un plan multisectoriel d'urgence (PMDU) pour contenir l'impact de la Covid-19 aux niveaux social, sanitaire et économique.

Sur le plan économique, nous avons instauré toute une série de dispositions comme le report d'échéances, l'appui à l'accès au financement et la promotion de la consommation locale. Nous avons notamment mis des lignes de crédit à disposition des banques et des institutions de microfinance à taux concessionnel afin de leur permettre d'octroyer un crédit à taux bonifié [20 000 PME-PMI, TPE et auto-entrepreneurs concernés, ndlr]. Nous avons également mis en place des cofinancements sectoriels pour 5 000 startups, mais aussi pour des sociétés en difficulté. Nous avons lancé un programme d'infrastructures publiques ayant pour objectif de soutenir la résilience économique, de créer et de sauvegarder l'emploi et de développer le marché du BTP pour les PME malagasy. Enfin, nous avons créé un programme pour soutenir 200 000 employés affectés par la crise de la Covid-19 afin qu'ils acquièrent de nouvelles compétences et ce, en partenariat avec le secteur privé, le Fonds malgache de formation professionnelle [FMFP] et les partenaires techniques et financiers.

Le Plan pour l'Emergence de Madagascar a fait de l'industrie pharmaceutique une priorité du président Rajoelina : Où en est-on aujourd'hui ?

Effectivement. L'actualité sanitaire et les découvertes liées aux propriétés de l'artémisia ont soutenu cette ambition de développer une industrie pharmaceutique à Madagascar. Dans les tout prochains jours, nous allons d'ailleurs inaugurer l'usine Pharmalagasy à Tanjombato, destinée notamment à la production des gélules de Covid-Organics. N'oublions pas que nous importons toujours 100% de nos médicaments. L'ouverture prochaine de ce site de production représente donc un virage stratégique important.

Propos recueillis par Marie-France Réveillard

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