Edward Matsiko Isingoma : « Nous orientons les investisseurs internationaux vers les entreprises agricoles régionales »

Edward Matsiko Isingoma, associé de Pearl Capital Partners (PCP), revient pour La Tribune Afrique sur les principaux investissements de la société financière spécialisée dans l'agribusiness pour soutenir les exportations ougandaises à l'international, notamment en matière d'agro-écologie.
Edward Matsiko Isingoma, associé Pearl Capital Partners (PCP), une société financière spécialisée dans l'agribusiness.
Edward Matsiko Isingoma, associé Pearl Capital Partners (PCP), une société financière spécialisée dans l'agribusiness. (Crédits : Maxime Dufour Photographies)

LA TRIBUNE AFRIQUE - Quelle est l'évolution de Pearl Capital Partners (PCP) en termes de résultats sociaux, mais aussi financiers ?

Edward Matsiko Isingoma - Depuis quinze ans, nous cherchons à imposer le concept de private equity et de capital-risque en Afrique de l'Est, car les PME à fort potentiel peinent à lever des fonds dans le secteur agricole qui représente pourtant plus de 70 % des emplois en Ouganda, 50 % au Kenya et 60 % en Tanzanie. L'agriculture est à ce titre un secteur à fort impact.

Nous disposons aujourd'hui de plusieurs fonds d'investissement qui nous permettent de mobiliser d'importants investisseurs internationaux pour les orienter vers les entreprises agricoles régionales. Par exemple, notre fonds AACF a investi dans 8 entreprises agricoles respectant nos critères ESG, avec un taux de croissance annuel de +15%. Nous avons donc réussi à démontrer au secteur privé que de tels investissements pouvaient être rentables. Il a toujours été primordial pour nous, d'accorder la même importance aux résultats financiers qu'aux impacts sociaux.

De quelle manière se décomposent les activités de Pearl Capital Partners ?

PCP est aujourd'hui composée d'une équipe internationale de 16 personnes dont 4 sont basées à Nairobi et le reste à Kampala. Tous nos fonds sont orientés vers l'investissement d'impact dans l'agriculture. Nous sommes en charge de la gestion des portefeuilles de l'African Agriculture Capital Fund (AACF) doté de 25 millions de dollars et domicilié à Maurice qui nous a permis d'investir dans 8 sociétés d'agribusiness basées au Malawi, en Ouganda et au Kenya, mais aussi du fonds africain d'investissement dans les semences (ASIF) créé en 2010 et doté de 12 millions de dollars que nous avons orientés vers 13 projets. Nous gérons également la société d'investissement African Agricultural Capital Ltd (AAC) depuis 2005, qui est dotée de 9 millions de dollars déployés sur 16 projets en Afrique de l'Est et enfin, de Yield Uganda Investment Fund doté de 12 millions de dollars qui est entièrement consacré à l'Ouganda et qui devrait toucher une quinzaine d'entreprises.

Avez-vous des projets concernant l'Afrique centrale ou occidentale ?

A ce jour, nous sommes uniquement présents en Afrique de l'Est : en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie, au Rwanda et en Ethiopie. Nous restons là où nous maîtrisons l'environnement, car en matière d'investissement d'impact, il nous faut connaître précisément les marchés sur lesquels nous sommes impliqués et rester proches des projets où nous investissons. Comme nous sommes basés à l'Est de l'Afrique, nous y restons. Nous n'avons donc pas de projets en direction de l'Afrique centrale ou occidentale.

A travers Raimtree Farms, vous avez récemment réalisé votre cinquième engagement en Ouganda. De quoi s'agit-il ?

Raintree Farms  est l'une des principales entreprises de production et de transformation de moringa en Ouganda [le moringa est une plante à croissance rapide et à multiples usages, dotée de vertus médicinales, ndlr].

Elle est constituée d'un réseau de petits fermiers ougandais qui n'utilisent aucun produit chimique sur toute la chaîne de production. PCP a réalisé un investissement d'environ 1 million de dollars dans Raimtree Farms, à travers le fonds Yield Uganda Investment Fund qui cible les PME agroalimentaires.

Du point de vue impact, ce programme permet aux agriculteurs d'être salariés de leurs propres terrains. Parmi eux, on trouve notamment de jeunes étudiants qui disposent d'exploitations dont ils s'occupent le weekend ou pendant leurs congés.

En dehors de Raimtree, comment sont principalement répartis vos investissements ?

Nous accompagnons Cecofa qui réunit 3 600 petits fermiers dans une coopérative consacrée à la production de café équitable et certains producteurs passent maintenant au café bio. C'est un virage pour l'Ouganda qui s'oriente de plus en plus vers le commerce équitable et les productions bio.

Nous soutenons aussi Sesaco Limited qui propose des formations aux fermiers en matière l'exploitation responsable et nous sommes engagés par ailleurs, dans la production automatisée d'œufs pasteurisés pour éviter toute contamination, pour citer quelques exemples.

Enfin, je citerais Chemiphar, qui a reçu un financement de 1 million de dollars pour stimuler les exportations agricoles ougandaises. Le financement a été facilité par l'Union européenne (UE), grâce au fonds international de développement agricole (FIDA) et au fonds national de sécurité sociale ougandais (NSSF). Chemiphar permet aux entreprises de l'agrobusiness de se conformer aux normes internationales en matière de certification.

Chemiphar permettra-t-il d'éviter un nouveau boycott des exportations agricoles ougandaises vers l'Union européenne (UE) ?

Effectivement, il y a environ trois ans, l'UE avait posé son veto pendant six mois sur l'importation des fruits et légumes venant d'Ouganda en raison de résidus de produits chimiques dangereux pour la santé, qui avaient été détectés par les inspecteurs européens.

Nous disposons d'un seul laboratoire certifié à l'international en Ouganda et il s'agit de Chemiphar dans lequel nous avons décidé d'investir depuis 9 mois, pour renforcer ses capacités dans la réalisation de tests avant d'exporter, en lieu et place des inspecteurs européens. Cela permettra aux agriculteurs ougandais de faire les bons dosages et de ne pas être « hors limite » avant que les commandes n'arrivent en Europe et en fin de compte, d'exporter à perte en cas de mauvais dosages...

Qui sont vos principaux investisseurs ?

Nous avons eu de nombreux investisseurs internationaux comme la Fondation Rockefeller, The Gatsby Charitable Foundation, la Fondation Bill & Melinda Gates, l'Open Society Foundations, le Finn Church Aid, FCA Investments (FCAI), l'Union Européenne (UE), l'International Fund for Agricultural Development (IFAD), le National Social Security Fund (NSSF), l'United States Agency for International Development (USAID) ou encore The Alliance for a Green Revolution in Africa (AGRA).

Certains d'entre eux soutiennent le développement des OGM en Afrique. N'est-ce pas en contradiction avec votre positionnement initial ?

Tout ce que je sais, c'est qu'ils investissent tous dans des initiatives à impact. Pour le reste, je n'en sais rien.

Propos recueillis par Marie-France Réveillard

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