Sani Yaya : «Le Togo est déjà un hub logistique et financier et entend juste se développer»

Le lancement ce lundi 4 mars à Lomé du Plan national de développement (PND) du Togo a jeté les projecteurs sur ce pays d’Afrique de l’Ouest dont l’ambition d’être une référence sous-régionale en matière d’affaires se veut prometteuse. A la tête d’un département clé du gouvernement, Sani Yaya, ministre de l’Economie et des finances, a répondu aux questions de La Tribune Afrique. Entretien.
Ristel Tchounand
Sani Yaya, ministre de l'Economie et des finances du Togo, a cumulé plusieurs années d'expérience au sein de différents organismes financiers internationaux et régionaux, notamment des responsabilités de haut niveau au sein de la BCEAO et du groupe Ecobank.
Sani Yaya, ministre de l'Economie et des finances du Togo, a cumulé plusieurs années d'expérience au sein de différents organismes financiers internationaux et régionaux, notamment des responsabilités de haut niveau au sein de la BCEAO et du groupe Ecobank. (Crédits : Sophie MAZARD/Republicoftogo.com)

La Tribune Afrique : Avec son Plan national de développement (PND), le Togo ambitionne notamment de devenir un hub logistique pour ainsi impacter l'économie de transport des marchandises en Afrique de l'Ouest. Outre la rénovation du port de Lomé, devrait-on s'attendre à d'autres projets d'envergure qui permettront au pays d'atteindre cet objectif ?

Sani Yaya - J'aimerais d'entrée de jeu préciser quelque chose à propos du hub logistique que le Togo ambitionne de devenir. En réalité, nous le sommes déjà et ce que nous voulons à présent c'est le développer, le consolider. Nous avons cet avantage comparatif depuis longtemps. Nous avons ce positionnement dans la sous-région qu'aucun autre pays n'a. Nous avons une stabilité qui est à envier ; nous avons un climat des affaires qui est envié par plusieurs pays. Les points que nous gagnons récemment dans le Doing Business sont connus. Le résultat est là et il est éloquent. Donc, nous sommes un hub financier ; nous sommes un hub logistique. Nous sommes le seul pays de la sous-région à avoir un port naturel en eau profonde.

Ce que nous disons dans le PND, c'est de développer un ensemble de projets structurés autour de cet avantage comparatif. En réalité, c'est cela les axes du PND. Nous avons fait le benchmarking et pensons que nous avons cet avantage comparatif d'être un hub de services logistiques et de services financiers et allons travailler pour consolider cela et réaffirmer cela en développant au mieux les projets qui sont les nôtres.

Quels sont-ils ?

En dehors de l'investissement réalisé au port de Lomé, nous avons bien entendu d'autres projets. Les services logistiques impliquent aussi bien les parcs industriels et manufacturiers que d'autres types d'investissements. En ce moment, les discussions sont en cours et assez avancées avec des partenaires pour la construction de parcs industriels qui vont alimenter le port, parce que lorsqu'un pays dispose de produits manufacturiers, ceux-ci contribuent énormément à booster pour l'exportation. Notre pays a un petit marché, donc nous voulons développer les produits manufacturiers pour alimenter la sous-région. Et avec le TEC [Tarif extérieur commun, NDLR] de l'UEMAO, étant dans une zone de libre-échange au sein de la CEDEAO, nous voulons en tirer avantage.

Ce programme de développement sera financé à hauteur de 65% par le secteur privé. Au-delà de l'attractivité de l'investissement étranger, que propose l'Etat pour favoriser l'investissement du secteur privé local ?

Le secteur privé a toujours une place de choix dans la politique du gouvernement. Nous [l'Etat togolais, NDLR] avons été accusés d'avoir un endettement trop élevé, mais les investissements que nous avons menés étaient tout de même qualitatifs. Les panélistes lors de la cérémonie de lancement l'ont bien souligné. Nous avons investi dans le port, dans les infrastructures aéroportuaires, dans les routes... Mais nous avons tout de même engagé aujourd'hui une stratégie de réduction de notre niveau d'endettement et pour cela, nous pensons que pendant que l'Etat fait l'effort de maitriser son niveau d'endettement, le secteur privé devrait monter en puissance et l'Etat fait tout pour encourager et stimuler cela.

Il y a un cadre de concertation entre l'Etat et le secteur privé, créé par le Premier ministre et dont je préside le comité technique. Nous faisons tout pour être à l'écoute de ces opérateurs privés. Dans ce sens, le code des investissements est en cours de revue et nous allons très prochainement aussi opérationnaliser l'API-ZF [Agence nationale de la promotion des investissements et de la zone franche, NDLR], la structure chargée de faire la promotion des investissements.

Quelle sera sa place dans la mise en œuvre du PND ?

C'est le secteur privé national qui va, en premier, aux côtés de l'Etat, porter le PND pour donner l'exemple et nous accompagner à rechercher justement des partenaires à l'extérieur. Car, si le secteur privé national y croit, si les investisseurs étrangers voient que les privés nationaux y croient et y investissent, ils seront confiants et viendront investir.

Vous évoquiez plus tôt la réduction de l'endettement du pays. Justement, cela constitue un des gros défis de l'Etat togolais actuellement. Le pays est certes sur la bonne voie, la dette publique étant passée à 72% du PIB en 2018, contre 82% en 2016. L'objectif est de descendre à 52,58% d'ici 2022. Quelles sont les mesures concrètement mises en œuvre pour rationaliser les dépenses publiques ?

Nous préférons parler de l'efficience des dépenses publiques et l'efficacité recherchée dans la démarche, plutôt que de rationalisation. Car, parler de rationalisation peut donner l'impression que nous allons faire des coupes. Or, nous ne ferons pas de coupes.

Au niveau des charges de fonctionnement, les besoins sont là et nous allons y faire face. Seulement, nous travaillons à l'amélioration de la qualité de la dépense publique. Dans cette démarche, nous sommes aujourd'hui appuyés par un cabinet international de renom, McKinsey, via une approche très méthodique basée sur l'analyse de l'ensemble des dépenses. Ces experts ont des instruments adéquats, ils font du benchmarking et nous proposent ensuite des recommandations que nous mettons en œuvre. Cela nous permet de réaliser des économies et de faire de meilleures négociations.

A titre d'exemple, nous allons changer les approches en ce qui concerne les billets d'avion. Nous avons négocié avec un certain nombre de compagnies aériennes pour des tarifs bien précis. Concernant l'entretien des routes, nous avons signé des contrats pluriannuels, notamment sur trois ans, avec des références bien précises et des réévaluations chaque année.

Au lieu d'y aller de façon moins coordonnée, ce qui nous empêche d'avoir une force de négociation, nous coordonnons désormais toutes nos actions afin d'être efficaces. Ce sont des idées que nous avions en tête depuis longtemps et que nous avions commencé à mettre en place, mais avec le soutien du chef de l'Etat, nous avons depuis obtenu l'appui d'un cabinet international pour nous appuyer dans la mise en œuvre cette stratégie visant à améliorer l'efficacité de la dépense publique. C'est ce que je peux dire concernant les charges de fonctionnement.

Mais au niveau des investissements aussi, nous améliorons leur qualité, en faisant du benchmarking, en procédant à des analyses et des études beaucoup plus approfondies. Cela nous aide à faire de meilleurs investissements aux moindres coûts possibles.

Propos recueillis à Lomé par Ristel Tchounand.

Ristel Tchounand

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