L’impossible transversalité verticale

Un faisceau d’éléments concordants laisse présager que l’humanité est à l’aube d’une phase de grands changements, voire d’un bouleversement complet, tel une sorte de «changement de paradigme» imminent. Pris en étau entre une technologie qui s’autonomise de plus en plus de l’humain et de peuples qui veulent s’affranchir de leurs dirigeants, le monde cherche une nouvelle manière de construire le consensus entre gouvernants et gouvernés, sans pour autant réussir à résoudre la quadrature du cercle : celle de la «transversalité verticale».
Abdelmalek Alaoui
Abdelmalek Alaoui, CEO La Tribune Afrique

A première vue, estimer que la transversalité peut être combinée à la verticalité semble relever de l'oxymore. De fait, les évolutions récentes des opinions publiques requièrent des dirigeants qu'ils soient capables de faire montre à la fois de Leadership rapide- et donc de capacité décisionnaire immédiate - tout en construisant le consensus, ce qui demande... du temps. Impossible ? sans doute. Mais telles sont les nouvelles règles du jeu.

Il y a déjà quelques années, l'essayiste Thomas Friedman théorisait dans son ouvrage à succès La Terre est plate le mouvement de globalisation irrésistible qui a déferlé sur la planète au tournant du siècle. L'Américain estimait dans cet opus de référence que les jours à venir seraient nécessairement meilleurs, du fait d'une meilleure disponibilité des biens et du capital, d'une meilleure circulation des marchandises et des hommes, le tout rendu possible par une technologie émancipatrice et égalisatrice. En bref, cette planète où les distances se raccourcissent allait donner naissance à une humanité plus généreuse. Avant lui, un autre penseur américain, Francis Fukuyama, prédisait quant à lui la «fin de l'histoire» pour signifier la prééminence de la démocratie libérale sur les autres formes de gouvernement suite à la fin de la Guerre froide. Si l'on savait déjà que la prospective est un exercice risqué, l'Histoire contemporaine vient de démentir les deux assertions précédentes.

 Un affrontement entre dirigés et dirigeants

Jusque-là, la montée des nationalismes et des extrêmes a toujours été expliquée par des crises économiques majeures. Le Nazisme a trouvé un terreau fertile en Allemagne avec la crise économique du début des années 1920. Idem pour le fascisme italien, ainsi qu'un certain nombre d'autoritarismes et de dictatures. Mais dans le cas d'espèce, l'on constate que les économies où les nationalismes et la contestation progressent se portent majoritairement bien. Bien qu'aux prises avec un chômage structurel qui frise les 10% depuis 30 ans, la France reste l'un des pays les plus égalitaristes d'Europe et une grande puissance industrielle et militaire dans laquelle il fait -encore- bon vivre. En Italie, le plus gros de la crise économique est déjà derrière la péninsule malgré des risques de rechute. Quant aux États-Unis, l'économie se portait plutôt bien lorsque Donald Trump a été élu. Que s'est-il donc passé qui a changé majoritairement la donne pour que les peuples crient une telle colère, aux relents parfois  violents ?

Un changement de civilisation

Peut-être que le plus grand changement est quasiment imperceptible pour ceux qui d'habitude analysent l'économie. Il est plus que sociétal, il est civilisationnel. Avec le culte du moi et du surmoi, l'ère des selfies, la montée de l'égoïsme et de l'individualisme ont réussi -paradoxalement- à générer un mouvement de masse. Si nombre de penseurs, d'économistes, ou de chercheurs se sont déjà exprimés sur les manifestations du problème, reste que personne n'a encore trouvé la clef qui permettrait de diriger et de conduire des politiques publiques efficaces avec cette pression désormais lancinante des «opinions publiques numériques» qui interdisent, de facto, réformes de fond et long-termisme.

Le risque a en effet désormais changé de nature. Avant, l'on craignait que les extrêmes n'arrivent au pouvoir du fait de leur potentiel autocratique. Maintenant, l'on peut craindre que des aventuriers qui maîtrisent les codes de la «transversalité verticale» ne puissent accéder au «top jobs». Si cela advenait, nul ne sait dans quoi le monde basculerait...

Abdelmalek Alaoui

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