Le cinquième sommet Union africaine-Union Européenne (UA-UE) se tient ces 29 et 30 novembre à Abidjan. Une première en Afrique noire qui se déroule à un moment charnière pour les deux continents, alors que chacune des parties prend conscience de la nécessaire mutation des relations euro-africaines. Les dirigeants africains sont unanimes : leur continent, prometteur à souhait, doit être traité sans condescendance par leurs homologues européens. Ni «Françafrique», ni «Eurafrique» : l'heure est à un dialogue équilibré.

L'Europe doit prendre conscience qu'elle a perdu ces dernières années beaucoup de terrain au profit d'autres puissances, la Chine en tête. Il est plus que temps pour elle de rompre avec un modus operandi périmé dont l'obsolescence se confirme chaque jour un peu plus.

Le rendez-vous d'Abidjan vient donc à point nommé pour redonner du souffle aux relations euro-africaines et jeter les bases d'un nouveau partenariat profitable aux deux parties, qui tienne compte de l'évolution du contexte aussi bien africain qu'européen. Et le moins que l'on puisse dire est que celui-ci est marqué par de profondes mutations sur les deux continents.

Volontarisme politique

La crise migratoire qui s'est exacerbée depuis 2015 a eu des répercussions sur les deux rives de la Méditerranée. Côté européen, elle a nourri la montée des populismes, contribuant au « Brexit» britannique et faisant même vaciller l'inamovible chancelière allemande, Angela Merkel, dans l'incapacité de former un gouvernement avec sa bancale coalition « jamaïquaine » (noir, jaune, vert). Côté africain, l'émoi est immense depuis les récentes révélations sur les pratiques d'esclavage subies par les migrants en Libye. Au-delà des discours convenus lors des réunions officielles, la réunion d'Abidjan doit être décisionnelle et portée par un volontarisme politique.

L'Europe, et ses entreprises, ont plus que jamais besoin de l'Afrique pour continuer
à prospérer. Tout comme l'Afrique ne peut se passer de son voisin du Nord pour trouver le chemin d'un développement inclusif. L'intérêt bien compris, des deux côtés de la Méditerranée, est de s'affranchir du passé colonial pour se projeter vers une destinée qui ne peut être que commune.

Bénéfices partagés

C'est par le commerce, les échanges et l'ouverture que l'on dépassera l'impasse actuelle, d'une Europe qui craint l'invasion et d'une Afrique condamnée à l'instabilité.
Chacun des partenaires doit faire sa part du chemin. L'Afrique, terre d'entrepreneurs et source d'innovations sociales, doit s'attaquer de front à la corruption et à la mauvaise gouvernance, lutter contre les inégalités et développer sa classe moyenne. L'Europe doit croire en l'Afrique et y investir massivement, notamment en l'aidant à réussir sa transition énergétique, maîtriser son urbanisation et assurer un développement durable. Faute de quoi demain, aux migrations économiques et politiques succéderont des migrations climatiques bien plus spectaculaires et dramatiques.

Fruit d'une coopération euro-africaine lucide et ambitieuse, La Tribune Afrique ne peut que faire sien ce plaidoyer pour poser dès aujourd'hui les jalons d'un futur aux bénéfices partagés... À Abidjan, l'Afrique attend une Europe consciente que son avenir se joue aussi en terre africaine. Emmanuel Macron, le président français, qui a pris aujourd'hui une forme de nouveau leadership européen, peut être le porteur de cette nouvelle ère. Tout comme au sud de la Méditerranée, Mohammed VI, Alpha Condé, Paul Kagamé ou encore l'hôte du sommet, Alassane Ouattara, veulent incarner une rupture portée par leur leadership africain. Que la raison et le cœur épousent les horizons croisés du «vieux Continent» et du «berceau de l'Humanité» !