Les flammes du franc CFA

Faut-il brûler le franc CFA ? En tout cas, le polémiste Kémi Séba l'a fait au sens propre et il a été suivi par un grand nombre de jeunes africains qui en ont fait étalage sur les réseaux sociaux. Plus qu'un enjeu monétaire, la lutte anti-CFA représente désormais pour nombre d'Africains un symbole de la lutte pour la souveraineté de leurs pays et l'ultime étape de leur affranchissement de la tutelle de la France. Toutefois, faute d'alternative crédible et viable, le fait de brûler le CFA trop vite peut occasionner un retour de flamme socio-économique ravageur.

Le geste est loin d'être anodin et touche un symbole de souveraineté. Le 19 août dernier, l'activiste panafricain Kémi Séba -de son vrai nom Stellio Capo Chichi- brûle un billet de 5 000 Francs CFA devant une poignée de journalistes et une foule dakaroise acquise à sa cause. Il lui en coûtera un bref passage à la prison de Rebeuss. L'élan de solidarité et de mimétisme est à son paroxysme. Sur les réseaux sociaux, les images de billets CFA en flammes font florès. Adepte du battage médiatique, le Franco-béninois n'est pas à son coup d'essai. «Afro-clown», populiste, raciste,.. Les adjectifs de ses détracteurs sont légion et ne font pas dans la dentelle. Pourtant, au-delà de son pedigree décrié (Nation of Islam, New Black Panther party,...) et de ses fréquentations sulfureuses, avec sa lutte anti-CFA, l'homme semble avoir enfin trouvé un écho considérable au sein de larges pans de la jeunesse africaine. Des jeunes qui voient dans ce nouveau combat pour la souveraineté monétaire, un prolongement naturel de la lutte anti-coloniale menée par leurs aînés. Rien que cela !

Souveraineté monétaire

C'est donc avant tout au symbole CFA que l'on s'attaque, plus qu'à ses enjeux monétaire et économique. Pourtant, en visant le symbole, le reste est forcément atteint par ricochet. En effet, nombre d'économistes d'Afrique et d'ailleurs s'engouffrent dans la brèche ouverte par le front anti-CFA de Kémi Séba pour à la fois charger le personnage pour sa faible maîtrise technique du sujet et pointer du doigt le carcan dans lequel le CFA enferme les pays où il est en usage. Là où ces pays doivent avoir une politique portée sur la stimulation de la croissance, la politique monétaire imposée par la Banque centrale européenne est centrée sur la lutte contre l'inflation. Plus encore, l'arrimage inconditionnel à l'euro peut représenter un vrai risque pour la compétitivité de ces économies.

Sortir par le haut

Toutefois, il ne faut pas se leurrer. Le franc CFA a des vertus bien réelles, notamment en termes de stabilité monétaire et d'intégration régionale. Alors, s'il faut sortir du franc CFA, il faut le faire par le haut en mettant en place une monnaie commune qui en garde les vertus tout en hissant le niveau de gouvernance pour qu'il épouse les besoins et aspirations des pays de la région. Ce projet existe bel et bien et depuis longtemps. En Afrique de l'Ouest, il a pour intitulé l'Eco. Une monnaie commune aux membres de la CEDEAO dont on tarde à voir les contours et dont l'horizon vient d'être encore une fois repoussé au-delà de 2020, à en croire les récents propos tenus à Niamey par Marcel De Souza. Le président de la commission de la CEDEAO estime, en effet, que le travail préalable d'harmonisation est encore à ses balbutiements... Quelques jours plus tard, cette fois à Rabat, il annonçait l'engagement du Maroc à adhérer à cette nouvelle monnaie ouest-africaine. Cette dernière se verrait ainsi confortée par ce renfort de poids qu'est le Royaume chérifien, tout comme par ceux du Nigéria et du Ghana qui sont en dehors de la zone CFA. Mais en attendant que ce projet prometteur voie le jour, il serait illusoire de vouloir trop vite brûler le franc CFA au risque de subir des dégâts socio-économiques ravageurs en retour de flamme.

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Commentaire 1
à écrit le 08/09/2017 à 9:59
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Il est temps que nous africains, surtout qu sud du Sahara murissons. Bruler un billet de banque en signe de protestation est un acte irresponsable et criminel Et pire, cela n'attirera que des ennuis aux auteurs. Lorsqu'ils ont fini de bruler et que ...

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