Pourquoi l'Afrique doit gagner la « bataille des perceptions »

Depuis une décennie, de plus en plus de voix se font jour pour déplorer la manière dont l'Afrique est perçue par le reste du monde, et plus particulièrement par les médias internationaux, malgré une vague d'afro-optimisme qu'il convient d'appréhender avec prudence.
Abdelmalek Alaoui
L'Afrique partagée entre "afro-optimistes" et "afro-pessimistes"

Un avatar  emblématique de la distorsion de perception dont pâtit l'Afrique a été très largement repris et commenté par les médias et les conférenciers qui s'intéressent au continent.

Il y a quatorze ans, le vénérable journal économique britannique « The Economist » titrait, en décembre 2000 : « Africa : The Hopeless continent »  (le continent ou l'espoir n'est plus permis). Treize ans plus tard, en décembre 2011, ce même magazine faisait sa « une » sur « Africa Rising » (« L'Afrique monte »).

 Sur la dizaine d'ouvrage publié récemment sur la trajectoire économique africaine, près de la moitié d'entre eux citent ces deux « Unes » comme une preuve que l'image de l'Afrique aurait profondément changé au cours de la décennie écoulée et serait de plus en plus positive.

Pour séduisante qu'elle soit, cette affirmation doit être mise à l'épreuve d'une analyse beaucoup plus globale afin de déterminer les marqueurs qui façonnent l'image africaine.

Pour cela, j'ai effectué un travail de recherche au sein des bases de données médias internationales qui agrègent plus de 15 000 sources d'information* pour déterminer quels sont les concepts, mots clés, institutions et personnalités (physiques ou morales) les plus souvent associées à l'Afrique au cours des cinq dernières années.

 Les résultats de ces travaux de recherche, pour la plupart d'entre eux, sont totalement contre-intuitifs par rapport aux conclusions que l'on pourrait tirer de l'évolution de la « Une » de The Economist de ce fameux 3 décembre 2011.

De manière globale, au cours de la période allant du 3 décembre 2011 au 20 avril 2016, ce sont près de 4 727 564 articles qui ont été produits autour de l'Afrique par les médias internationaux, selon la recherche effectuée sur la base de données presse spécialisée Factiva.

A l'issue de cette recherche, il apparaît que les organismes qui occupent le top 10 des institutions les plus citées en relation avec l'Afrique sont, dans l'ordre : Les Nations Unies, L'Union Européenne, l'Organisation Mondiale de la Santé, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, la FIFA, l'Union Africaine, La Banque Mondiale, l'organisation terroriste « Etat Islamique », le Fond Monétaire International, et enfin la Commission Européenne. Ces dix institutions ont été citées au total près de 300 000 fois au cours de la période examinée lorsqu'un article traitant de l'Afrique est publié.

Sociétés avec le plus de mensions

Au niveau de ces institutions les plus citées, un premier constat est évident : l'image de l'Afrique n'est pas portée par ses instances - à l'exception de l'Union Africaine-  mais par des organismes étrangers, souvent multilatéraux,  dont la majorité des sièges sont situés aux Etats-Unis ou en Europe.

Autre constat d'évidence, la plupart des institutions citées par la presse internationale en relation avec l'Afrique portent en elles des thématiques liées à des sujets « anxiogènes », hormis le football. Maintien de la paix pour l'ONU et son conseil de sécurité, terrorisme avec l'Etat Islamique, ou aide au développement à travers la Banque Mondiale, le FMI ou la commission européenne.

En bref, le top dix des institutions les plus citées en relation avec l'Afrique au cours des cinq dernières années ne comporte quasiment aucune thématique « positive » pour le continent, prenant à rebrousse-poil cette Une de « The Economist », que beaucoup considèrent comme la preuve d'une image renouvelée.

 Cette analyse nous pousse donc à nous poser la questions suivante : est-il justifié que le champ sémantique des médias mondiaux autour de l'Afrique soit concentré autour de sujets sécuritaires ? Le continent serait-il la poche de cristallisation de la violence du monde ?

Ce constat nous oblige, collectivement, à œuvrer pour gagner aussi « la bataille des perceptions ». La manière dont l'Afrique est vue par le monde impacte en effet l'économie du continent dans son ensemble, et plus particulièrement les Investissements Directs Etrangers, que les gouvernements africains souhaitent voir s'intensifier pour porter leur développement au niveau supérieur.

* Factiva (filiale du groupe dow Jones), et Lexis Nexis. Note : Mes travaux ont exclu des champs de recherche les médias qui diffusent des communiqués de presse, l'information financière ou encore les nécrologies ou les nouvelles republiées par les moteurs de recherches.

Abdelmalek Alaoui

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.