Singapour, ce dragon asiatique qui veut développer ses griffes africaines (1/2)

Les 28 et 29 août prochains se tient l'Africa Singapour Business Forum (ASFB) à Singapour. En amont, un voyage de presse a été organisé par le ministère singapourien du Commerce et de l'industrie, avec l'appui de l'agence gouvernementale Singapore Entreprise, au profit des journalistes africains afin de découvrir les points forts de ce qui est qualifié de «dragon économique», de s'enquérir des projets de coopération en cours avec l'Afrique et de défricher les pistes de collaboration pour les années à venir. Première partie d'un récit inspiré d'une visite aussi riche qu'édifiante.
(Crédits : LTA)

Singapour 1960

En 1964, Singapour est littéralement mise à la porte de la fédération des Etats de Malaisie. Territoire trop pauvre, exigu et insalubre pour être digne d'intérêt aux yeux des Malais de la péninsule qui l'abandonnèrent à son triste sort, pensaient-ils. C'était sans compter avec la pugnacité des Singapouriens.

Aujourd'hui, le pays peut se targuer d'avoir sensiblement le même PIB que son voisin malais pourtant 460 fois plus vaste ! C'est dire le chemin parcouru depuis et qui plus est sans ressources naturelles...

Singapour1

Lee Kuan Yew en figure tutélaire

Mais comment un si petit pays, si peu doté à son indépendance, a-t-il pu opérer ce véritable miracle économique au point d'être érigé en exemple même au sein des pays occidentaux les plus développés ? Cette question résume à elle seule tout l'intérêt que peut porter une visite d'un journaliste a fortiori Africain à Singapour. Or, une fois sur place, force est de constater qu'une bonne partie de la réponse tient dans la vision et la poigne qui animaient le premier chef de gouvernement de Singapour.

Lee Kuan Yew

Le charismatique Lee Kuan Yew fait d'ailleurs toujours office de figure tutélaire et les officiels qui nous ont reçus (Maliki Osman, Senior Ministre des Affaires étrangères et de la Défense, et Koh Poh Koon, Senior Ministre du Commerce et de l'Industrie) n'hésitent d'ailleurs pas à faire référence à lui avant d'étayer leurs propos. C'est que le défunt leader a laissé une trace indélébile à travers une mentalité tournée vers l'efficacité et le pragmatisme qu'il a su inculquer à ses concitoyens, mais aussi à travers des choix audacieux qui se sont avérés payants à terme.

Ainsi, là où ses voisins avaient opté pour des économies portées par leur importante main-d'œuvre, Singapour a très tôt misé sur l'économie du savoir en cherchant à se hisser au plus vite dans la chaîne de valeur. Aussi, là où certains voisins étaient tentés par le protectionnisme afin de défendre leurs tissus économiques locaux, Singapour a adopté sans retenue le libre-échange à travers une multitude d'accords commerciaux.

La stabilité d'abord !

«Et la démocratie ?», me diriez-vous. «Les libertés publiques ont beaucoup évolué», argue Maliki Osman avant d'ajouter : «Nous avons par exemple mis en place des Speakers Corners où chacun peut s'exprimer librement». De là à tolérer des manifestations au pied des gratte-ciel du quartier d'affaires, il n'y a qu'un pas que les autorités singapouriennes ne sont pas prêtes de franchir. Du côté de Koh Poh Koor la réponse se fait plus rhétorique en prenant la forme d'une question : «Qui peut définir ce qu'est une vraie démocratie ?», avant qu'il ne s'épanche sur les vertus de la stabilité avec un argument imparable dans ce pays géré telle une entreprise : «Sans stabilité, il ne peut y avoir d'investissements».

Singapour SA

Que Singapour adopte un mode de gestion propre aux entreprises est loin d'être un simple effet de langage. En effet, ici les responsables des départements et organismes publics sont jugés à l'aune de leur rendement et question rémunération, ils n'ont rien à envier aux patrons du privé. «En plus des contrôles minutieux et de la fermeté face aux actes délictueux, l'un des secrets de la réussite de la lutte anti-corruption réside dans le fait que les responsables du public sont très bien rémunérés», nous affirme d'ailleurs Maliki Osman qui pour se faire plus précis ajoute que cette rémunération peut se compter en million(s) de dollars singapouriens par an.

Singapour

Toutefois, pas d'autres avantages. Ils doivent à l'image de leurs homologues du privé payer de leurs deniers tous leurs frais y compris la résidence et les déplacements. Une manière de faire efficace à l'image du pays qui donne lieu à une véritable émulation entre les secteurs public et privé où l'on peut voir les profils les plus pointus aller de l'un vers l'autre et vice versa.

Plus encore, comment ne pas parler de Singapour SA quand on sait que même les bénéfices des investissements publics sont régis par la Constitution qui stipule que la moitié de ceux-ci doivent être réinvestis. Autre originalité locale, une fiscalité des plus avantageuses. Et c'est peu dire, car seuls 80% de la base fiscale sont assujettis à l'impôt. Mieux encore, seuls 6 produits dont notamment le tabac, l'alcool et les voitures sont taxés et pour des raisons qui respectent une vision ou ligne directrice tracée à l'aube des années 60.

Lee Kuan Yew Africa

Horizon africain

D'ailleurs, il faut encore remonter aux années 60 pour retrouver le premier bout du fil de laine reliant Singapour au Continent africain. Du 21 janvier au 27 février 1964, Lee Kuan Yew, encore lui, faisait partie d'un voyage officiel de représentants de la fédération de Malaisie en Afrique. Un périple qui a laissé des traces dans l'imaginaire collectif. Les singapouriens voient d'ailleurs dans les photos de leur défunt leader notamment à Accra la matérialisation de l'intérêt précoce qu'a porté la Cité-Etat envers le Continent.

Depuis le business a bien pris le relais et certains des champions singapouriens sont désormais des acteurs majeurs dans le tissu économique africain. Mais cela est une autre histoire qui ne manquera pas de vous être narrée dans la seconde partie de ce récit...

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