« Cashless Economy » : pourquoi l’Afrique ne peut y échapper

Parmi les maux qui entravent le décollage économique de l’Afrique, il en est un particulièrement peu évoqué par les économistes et les spécialistes du développement : la prédominance du cash dans les transactions effectuées sur le continent. Pourtant, l’avènement d’une société sans cash ne présente que des avantages pour l’Afrique, bien au delà de l’intérêt immédiat qu’elle peut représenter en termes de stimulation du secteur bancaire.
Abdelmalek Alaoui

Disons le d'emblée, un certain nombre d'entreprises multinationales  évangélisent depuis plusieurs années en Afrique pour une diminution des transactions en espèces et leur remplacement progressif par des échanges numériques. Au premier rang de ces dernières, l'on retrouve bien entendu les banques et les opérateurs mondiaux de cartes de paiements, et plus récemment, les nouveaux entrants que sont les entreprises de Fintech.

Bien que ce trio pousse vers cette transformation pour des raisons à priori mercantiles, il n'est pas inutile d'examiner les bénéfices à priori substantiels que pourrait retirer le continent d'une politique de « Cashless Economy » généralisée, à l'instar du chemin emprunté par l'Inde depuis deux ans, qui commence à enregistrer des résultats impressionnants.

L'avantage principal est bien entendu lié aux prérogatives de l'Etat en matière de sécurité, qu'elle soit physique ou économique. En limitant drastiquement la possibilité de payer en monnaie fiduciaire, les pouvoirs publics diminuent d'autant les risques de vol d'instruments de paiements- baissant la criminalité- et rendent plus difficile le financement d'activités terroristes.

De même, l'obligation de régler ses achats ou d'effectuer les transactions à travers des moyens numériques permet une meilleure traçabilité des flux d'argent, ainsi que d'insérer dans le circuit formel les fruits d'une activité économique exercée auparavant de manière informelle. Pour les entreprises, et notamment les PME africaines,  cela constitue un défi car cela implique une mise en corrélation de leur activité réelle avec des bilans reflétant véritablement leur activité...

A terme, cela signifie la possibilité pour l'Etat d'élargir la fameuse « assiette fiscale », objet de nombreux fantasmes de la part des directions des impôts du continent, mais dont personne aujourd'hui ne peut véritablement chiffrer l'impact en termes de recettes pour l'Etat. De même, l'insertion des populations et micro-entreprises dans le circuit formel en leur interdisant le cash permettrait de mettre en place une couverture sociale adaptée, voire de cibler les aides directes pour les plus démunis.

 Amélioration de la gouvernance

Mais peut-être que le plus grand bénéfice d'une « Cashless Economy » en Afrique réside dans un autre aspect autrement plus essentiel : la contribution à l'amélioration de la bonne gouvernance et l'apaisement des relations entre le corps social et les gouvernants.

En supprimant le cash, l'on coupe corrupteurs comme corrompus de la denrée essentielle à leurs transactions délictueuses, et l'on crée de facto un cercle vertueux. Bien sûr, les mauvais esprits argueront qu'il sera toujours possible de corrompre et d'être corrompu à travers d'autres moyens, mais le fait est que la suppression progressive des transactions en cash rendra beaucoup plus difficile la rémunération d'un dirigeant public pour services revenus, puisque ce dernier ne pourra pas jouir de manière « instantanée » des fruits de la prévarication.

 3 préalables indispensables

Reste que plusieurs préalables doivent impérativement être remplis avant de pouvoir mettre en place cette généralisation de la démonétisation. En premier lieu,  à l'instar de l'Inde, il est nécessaire de procéder à un recensement débouchant sur une généralisation des cartes d'identité biométriques, qui deviendraient un véritable passeport personnel des citoyens africains, où seraient stockées toutes les informations nécessaires à leurs interactions principales avec les institutions.

La seconde condition consiste à renforcer davantage la confiance des citoyens en leurs institutions, et notamment en la justice. En effet, il n'est pas imaginable de procéder à une transformation aussi radicale sans que les citoyens africains n'acquièrent la certitude que leurs biens sont à l'abri et qu'ils ne risquent pas une confiscation arbitraire.

Enfin, la question de la sécurité des échanges et de l'investissement dans les réseaux mérite également d'être adressée, afin de s'assurer d'un taux de couverture satisfaisant ainsi que d'une fiabilité des transactions qui soit aux normes internationales.

Abdelmalek Alaoui

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Commentaire 1
à écrit le 17/04/2017 à 11:39
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1- ce qui se passe en Inde est un fiasco total avec une baisse sans precedent du PIB. L'idée était belle sur les cahiers des fonctionnaires mais s'est révélée une complete catastrophe. Pire, l'objectif annoncé de réduire la corruption m'a en rien été...

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