De quoi la crise autour du Franc CFA est-elle le nom ?

A sa création il y a plus de sept décennies, elle désignait le « Franc des Colonies Françaises en Afrique ». Elle a depuis troqué cette appellation pour «Franc de la communauté financière d’Afrique» en zone UEMOA ou «franc de la coopération financière en Afrique centrale» au sein de la CEMAC. Peu importe la signification réelle de l’acronyme FCFA, cette monnaie commune à 14 pays d’Afrique Francophone est devenue le symbole d’une ligne de fracture vivace entre ceux qui souhaitent la conserver au nom de la stabilité, et ceux qui veulent s’en affranchir, y voyant l’ultime avatar d’un néocolonialisme économique. Mais de quoi la crise grandissante autour du Franc CFA est-elle véritablement le nom ?
Abdelmalek Alaoui

Il n'aura pas échappé à l'observateur que le débat autour du FCFA est en train de cristalliser. Pas une conversation sur l'avenir de l'Afrique Francophone sans que soutiens et détracteurs de la monnaie ne s'écharpent, brandissant tour à tour arguments techniques ou plaidoyers vibrants pour que le continent « mette à la retraite » le CFA, 60 ans après la vague d'indépendances africaines.

 Faut-il « mettre à la retraite » le CFA soixante ans après les indépendances africaines ?

 Et depuis trois mois, le débat s'est même internationalisé, un « front anti CFA » trouvant de plus en plus d'écho dans de grandes villes européennes telles Lausanne, Londres ou Paris. La pression est telle que même l'austère patronne du FMI, Christine Lagarde, a du effectuer une rarissime opération de communication de crise en décembre dernier, après que certains de ses propos relatifs à une possible dévaluation de la monnaie en Afrique centrale aient mis le feu aux poudres.

Il faut dire que le sujet a tout pour déchainer les passions. Les détracteurs de la monnaie unique y voient en effet un instrument qui favorise les multinationales européennes et un frein à l'ajustement par les pays de leurs politiques monétaires en fonction de la situation de leurs économies. De même, ils fustigent la gestion d'une part importante des réserves en devises du CFA par la Banque de France, afin de garantir la convertibilité de la monnaie. Pour eux, à l'instar du sénégalais Felwine Sarr, un régime de change flottant adossé à un panier de monnaies serait plus judicieux et plus efficace pour les économies de la zone.

Les partisans du maintien du CFA avancent quant à eux la crainte de voir certains dirigeants africains être tentés par l'utilisation de la « planche à billet »- argument paternaliste selon certains- entraînant inflation et dévaluation massive. Ils mettent également en avant  le fait que le CFA a été un moteur de l'intégration régionale en Afrique de l'Ouest et Centrale, favorisant les échanges et garantissant la stabilité macro-économique.

Les deux camps ont en partie raison. Mais là n'est pas l'essentiel

Les deux camps ont en partie raison, mais aucun des deux ne raconte l'histoire en entier. En effet, la crise autour du FCFA doit d'abord être examinée à l'aune des acteurs qui la composent, et appréhendée comme le signe d'une vitalité intellectuelle du continent.

En effet, à la faveur de cette polémique, l'on constate l'émergence d'une génération d'économistes africains qui mettent de côté le traditionnel discours anticolonial parfois mâtiné de théories conspirationnistes pour avancer un réel argumentaire technique. Gage de cette montée en puissance d'une production de connaissance africaine, la parution récente d'un ouvrage dédiée spécifiquement à ce sujet, intitulé « Sortir l'Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le franc CFA? » rédigé par un collectif d'économistes dirigés par Kako Nubukpo.

Il faut supprimer le mot « Franc » du FCFA

Quel que soit le sort réservé au FCFA par les gouvernements concernés, une chose au moins devrait faire consensus et serait très simple à mettre en pratique : la suppression du mot « Franc » du CFA.

Dans un continent où les symboles sont extrêmement importants, faute d'indépendance monétaire, cela permettrait au moins l'indépendance lexicale et la réappropriation du nom de cette monnaie par les nations qui en ont l'usage. De fait, cela permettrait aussi de centrer le débat sur le terrain économique et d'en évacuer les discussions autour de la prévalence d'une post-colonisation économique, sujet qui mérite un débat séparé et à part entière.

En ce domaine, il est utile de méditer les propos d'un ancien président français, Jacques Chirac, lequel indiquait dans une interview télévisée après son départ du pouvoir qu'une « grande partie  de l'argent qui est dans notre porte-monnaie vient de l'exploitation pendant des siècles de l'Afrique (...) il faut avoir un peu de bon sens, de justice pour rendre aux africains ce qu'on leur a pris, d'autant plus que c'est nécessaire si l'on veut éviter les pires convulsions ». Reste donc à ouvrir sans attendre et dans la sérénité cette conversation cruciale pour l'avenir du continent et de ses partenaires.

Abdelmalek Alaoui

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Commentaires 22
à écrit le 20/02/2017 à 12:41
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Il n'y a pas plus d'or avant ou après le changement de monnaie. Au départ, la photographie de la richesse détenue reste la même. Par contre l'or sera distribué différemment dans le futur : S'il y a plus d'inflation les gagnants seront : - les jeu...

à écrit le 19/02/2017 à 20:23
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>>> 07 janvier 2011 Annonce du MIR Monnaie Ivoirienne de Résistance http://www.ivoirebusiness.net/articles/la-monnaie-ivoirienne-de-r%C3%A9sistance-mir-ble-goude-d%E2%80%99accord-%E2%80%93-la-france-dispose-sans >>> 11 avril 2011 à 07:04 Le jour...

à écrit le 16/02/2017 à 11:54
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engageons les signatures à travers les 14 pays et on verra que c'est plus que important pour nous de se débarrasser de cette monnaie coloniale.

le 19/02/2017 à 20:11
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g eu cette idee, je crois k la France a eu suffisament de benefice dans la traite negriere. Maintenant, on veux se reposer librement.

à écrit le 15/02/2017 à 15:33
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Tout les français savent que sans l'Afrique, la France n'est rien.Ils nous ont ce que l'Allemagne leur a fait. Nous traitent de pays pauvres très endettés. (Ptte) Et pourtant....

le 17/02/2017 à 20:36
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La France a fait une énorme erreur d'accepter l'extension de l'Europe vers l'Est elle n'a plus les moyens d'aider les pays qui en ont vraiment besoin.

à écrit le 15/02/2017 à 14:54
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La monnaie est un fait social et comme tout fait social, vous ne pouvez pas dire que vous faites une analyse deconnectée des élements sociaux qui sous-tendent sa raison d'être. Comment expliquer cette politique d'infentilisation des africains qui ser...

à écrit le 15/02/2017 à 14:29
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Que reproche-t-on au FCFA? Demandons à l'Afrique de trouver un nom de monnaie que cela lèvera des boucliers. Chacun voudra que ce soit son emblème. Nous serons divisés et chacun voudra avoir une menue-monnaie sans valeur internationale. Certains pays...

à écrit le 15/02/2017 à 10:11
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c'est bien pour eux ils n'ont qu'a continuer avec xa. jusqu'en 2017 ils sont sous la colonisation. viva la guinee, viva sekou toure

à écrit le 15/02/2017 à 7:57
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Le franc CFA, depuis une grosse trentaine d’années, ce sont quatorze (14) monnaies désolidarisables, dissemblables mais d’une parfaite unicité. Tout pays peut sortir à tout moment sans jouer à l’hypocrite ni attendre une décision de groupe : l’adhés...

à écrit le 14/02/2017 à 16:43
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"...le signe d'une vitalité intellectuelle du continent". on doit jubiler de ce constat?? C't bien maigre comme observation dans ce débat!! depuis des siècle que les connaissances en économie sont diffusées et qu'elles sont, tous comme dans d'autres...

à écrit le 14/02/2017 à 11:09
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Changer de monaie c'est vital, mais la monaie unique ne doit pas être à l'ordre du jour, chaque pays doit faire sa monaie et ensuite les États qui souhaitent coopérer pour atteindre un espace monétaire peuvent en etudier les possibilités.....

à écrit le 14/02/2017 à 9:22
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les africains doivent avoir leur propre monay si non ns serons toujours sous la domination de la france

à écrit le 14/02/2017 à 8:58
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Oui, enlevons le mot "Franc", ce sera plus édulcoré, à l'exemple du suppositoire auquel on enlève la coque pour faire moins mal. Nous accepterons plus facilement la suite; quelle est-elle? Eh bien c'est la banque de France qui continuera de gérer cet...

à écrit le 13/02/2017 à 23:08
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Ce que je veux savoir est-ce que les dirigeants Africains sont conscient de cette injustices historique

le 14/02/2017 à 9:06
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Tout est dit dans l'article. C'est la banque centrale européenne qui décide pour eux puisque le cfa est arrimé à l'euro. Y a t il plus d'avantages que d'inconvénients : on ne sait pas. C'est injuste : oui car aucun pays africain ne prend part aux déc...

à écrit le 13/02/2017 à 20:50
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Les Africains ont droit à un "A" majuscule.

à écrit le 13/02/2017 à 14:37
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Excellente analyse et excellente idée. Il est évident qu'en éliminant le terme "franc" cela devrait recentrer le débat sur la partie technique et permettre aux uns et aux autres de se concentrer sur ce qui est important. Même si pour ma part ...

le 13/02/2017 à 20:55
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Super, vous devriez dire la même chose pour l'euro, c'est frappe au coin du bon sens ,et de plus c'est directement votre porte-monnaie !!!!

le 14/02/2017 à 8:49
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Vous êtes tellement rempli d'obsessions que vos commentaires sont incompréhensibles. Que voulez vous exprimer je vous prie ? Essayez de parler calmement en retirant vos ressentiments svp, merci.

à écrit le 13/02/2017 à 14:07
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La monnaie est un outil au service d'un développement économique et social, et dans le cas du CFA, une grande partie du problème vient de structures économiques à trop faible valeur ajoutée, orientées vers l'exportation de matières premières faibleme...

le 14/02/2017 à 11:51
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@Amoroso j'aimerai savoir ce que vous pouvez proposer comme valeur ajoutée pour résoudre ce problème !! juste quelques idées !!

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