En 2017, trois divorces et un enterrement pour l’Afrique

A l'approche de la fin de l'année, les experts économiques se penchent sur les tendances lourdes pour le continent en 2017. Dans ce capharnaüm d'analyses rivalisant de chiffres, de statistiques, et de formules pesées au trébuchet, l'observateur finit souvent par ne plus savoir que penser tant le fossé entre afro-optimistes et afro-pessimistes semble se creuser.
Abdelmalek Alaoui

 Alors que l'Afrique n'a jamais, au cours de son histoire, fait l'objet d'autant d'attention de la part de la communauté internationale, elle reste en effet au centre d'une grande incertitude quant au modèle économique qu'il lui faut poursuivre.

Dans cet « océan d'indécision », il est donc utile et nécessaire de s'intéresser aux phénomènes quasiment indiscutables afin de réduire le champ d'incertitude vers des proportions à peu près acceptables. A ce titre, l'Afrique actera en 2017 trois divorces et un enterrement qui auront un poids substantiel sur son attractivité.

Divorce N°1 : Sortie du système de la CPI

Considérée quasiment comme un « Tribunal spécial pour l'Afrique », fustigée par nombre de chefs d'Etats, la Cour Pénale Internationale a été au cœur de l'agenda politique continental lors du dernier trimestre puisque plusieurs pays, dont l'Afrique du Sud, on fait part de leur volonté de quitter le statut de Rome de la CPI. En toute vraisemblance, la défiance à l'endroit du tribunal de la Haye devrait se poursuivre en 2017, le cas Gambien confirmant- s'il en était besoin- que la perspective de rejoindre Laurent Gbagbo ou Jean-Pierre Bemba constitue l'épouvantail suprême pour des dirigeants en poste. Il faut dire que la CPI n'a rien fait pour améliorer son image sur le continent, multipliant les maladresses et poursuivant une politique souvent qualifiée de « deux poids deux mesures » , puisque neuf procédures sur dix actuellement en cours visent des pays africains...

Divorce N°2 : La fin des paradis fiscaux « traditionnels »

Panama Leaks, Offshore Leaks, Lux Leaks, les récentes révélations relatives aux opérations opaques de multinationales traitant en Afrique via des paradis fiscaux « traditionnels » que sont les Caraïbes, le Panama, ou encore le Luxembourg  constituent un événement absolument majeur combiné à la montée en puissance des procès à l'encontre des « biens mal acquis ». Sur fond de resserrement de procédures bancaires mondiales  afin de lutter contre le terrorisme, de surveillance accrue des opérations des multinationales - lesquelles désormais risquent très gros en termes d'amendes-  il devient en effet de plus en plus difficile de maquiller des revenus illicites issus de commissions ou de rétro commissions liées à de la proximité politique. Résultat : un mouvement de fond qui devrait paradoxalement bénéficier à la montée en puissance de la bonne gouvernance, même si de nouvelles places offshores- notamment en Asie- bénéficient, pour l'instant de cette perte de vitesse des places traditionnelles.

Divorce N°3 : La fin des « Eléphants blancs »

Les trois dernières décennies ont eu leurs lots d' « Eléphants Blancs » en Afrique, du nom de ces dépenses somptuaires pour ériger un monument ou une bâtisse dont l'utilité est au mieux discutable, et dont l'esthétique est souvent controversée. Or, depuis la fameuse statue de l'unité africaine érigée par Abdoulaye Wade à Dakar, ou encore la basilique de Yamoussoukro du défunt Houphouët-Boigny, l'on constate que très peu de dirigeants africains se lancent dans ce type de travaux gigantesques. Ces derniers savent qu'il est désormais dangereux pour leur image de se risquer à rémunérer leur égo à travers une œuvre monumentale, surtout à une époque où les réseaux sociaux jouent un rôle considérable en matière de déstabilisation des régimes.

Enterrement  : la fin des économies basées sur les matières premières

« Cette fois sera la bonne », jurent la main sur le cœur à peu près tous les responsables des politiques économiques des pays africains riches en matières premières, affirmant vouloir mener leurs pays vers la maintes fois promise « diversification du tissu productif ». Après avoir subi de plein fouet les chutes des cours dans les années 70, puis au début des années 2000, l'on pensait que le monde ne les y reprendrait plus. Hélas, la décennie écoulée a bien montré que l'Afrique - bien aidée par les multinationales- est indubitablement victime du « syndrome hollandais » et n'est pas en capacité de faire émerger une industrie viable lorsque les cours des matières premières sont au plus haut. Or, les engagements mondiaux en matière de développement durable mettent à peu près tout le monde d'accord : même si les cours des hydrocarbures et des minerais remontent un peu au cours des années à venir, il est impossible d'imaginer que ces derniers atteindront à nouveau les records historiques du début de la décennie 2010, d'où la nécessité de réinventer dans l'urgence les modèles économiques de nombreux pays.

Abdelmalek Alaoui

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Commentaires 3
à écrit le 28/12/2016 à 12:26
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Ce n'est pas vrai L'Afrique est colonisé encore par l'occident sous couvert des ses puissances colonisateurs Européens dont la France est commanditaire.

à écrit le 27/12/2016 à 10:01
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Il faut un gigantesque plan Marshall pour l'Afrique. Sur une durée de 40 ans minimum. Et ne se concentrant que sur deux domaines indispensables : l'agriculture et l'éducation. L'objectif sera de mettre tous les enfants africains filles et garçons sur...

à écrit le 27/12/2016 à 7:39
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L'autre grand divorce attendu est celui du Franc CFA. Car on se demande bien comment piloter des politiques macroscopiques sans monnaie souveraine. C'est comme un véhicule dans lequel on enlève le carburant, on enlève le volant, on enlève le frein. C...

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