Quelles fondations pour la future « Maison des mondes africains et des diasporas »  ?

En octobre 2021, l'historien Achille Mbembe remettait son rapport sur la refondation des relations Afrique-France à Emmanuel Macron. Parmi ses recommandations, la Maison des mondes africains et des diasporas avait fait mouche. Le projet fait aujourd'hui l'objet d'une grande consultation numérique qui s'achèvera le 31 juillet.
(Crédits : Reuters)

Partant du constat qu'il n'existe en France, « aucun établissement pluridisciplinaire entièrement voué à la création africaine et diasporique moderne et contemporaine », l'historien Achille Mbembe en a fait l'une de ses recommandations phares dans son rapport intitulé Les nouvelles relations Afrique-France : relever ensemble les défis de demain, remis au chef de l'Etat à l'occasion du Sommet de Montpellier, en octobre dernier.

Quelques semaines plus tard, dans une lettre de mission datée du 20 décembre 2021, Emmanuel Macron définissait la maison des mondes africains comme un « lieu pluridisciplinaire de création, de rassemblement, de découverte, d'information et d'innovation [qui] aurait pour vocation à devenir une référence pour tous ceux qui s'intéressent à l'Afrique et/ou souhaitent y mener des projets », car pour le président français, « l'Afrique n'est plus seulement une question internationale, mais aussi pleinement nationale ». Le projet recouvre par ailleurs, une dimension européenne et « La Maison » (dont le nom fait actuellement l'objet d'une consultation publique) devrait avoir également pour mission d'opérationnaliser une partie de la nouvelle alliance Afrique-Europe (European Team Initiative orientée vers les cultures africaines).

Une prochaine Factory africaine made in Paris ?

Résolument orientée vers la jeunesse, « La Maison » qui accueillera des créateurs (arts, médias, influencers), des entrepreneurs (tech, finance, économie sociale et solidaire), des chercheurs, des activistes et des porteurs de projets solidaires, est à la fois un think et un do-tank. « Nous n'avons pas en France, de lieu qui éditorialise la conversation de la France et ses partenaires africains. Nous disposons d'une Maison de l'Amérique latine, d'une Maison de la culture du Japon ou de l'Institut du monde arabe (IMA), mais il n'y a rien au niveau de l'Afrique subsaharienne », rappelle Luc Briard, en charge de la mission de préfiguration de décembre 2021 (avec Liz Gomis ainsi qu'un représentant du ministère de la Culture et un inspecteur général des finances).

Ce ne sera pas un « ghetto » réunissant les minorités, mais une « adresse positive », précise le rapport Options pour la Maison des mondes africains, du 15 mars 2022.  « Quels sont les services dont la jeunesse de France intéressée par l'Afrique a besoin pour développer ses projets ? Quelles sont les attentes des Africains vis-à-vis de ce lieu lorsqu'il existera ? Comment penser une gouvernance intégrant les jeunes dans la gouvernance du lieu ? Voici quelques-unes des interrogations posées par cette grande consultation numérique lancée le 22 juin dernier », explique Luc Briard.

« La Maison » privilégiera une approche partenariale fondée sur la « co-construction » et sur « l'innovation ». Son architecture comprendra un espace physique, une plateforme numérique et sera dotée d'un versant rhizomique (avec un centre externalisé chez les partenaires). Ces nouveaux espaces consacrés aux cultures, à l'innovation et à l'entrepreneuriat s'adressent à des publics variés : de la jeunesse qui se cherche des espaces d'identification, aux familles qui profiteront d'expositions pédagogiques, en passant par les entrepreneurs et les africanistes ou les néophytes de tous horizons.

Pas seulement un lieu de création ou de rencontres, « La Maison » devrait aussi porter des projets à forte valeur ajoutée et participer à la création de nouvelles coalitions d'intérêts. Elle s'adresse aux institutions nationales et internationales, aux sociétés civiles et au secteur privé. Envisagée comme un levier de productions culturelles, elle devrait amorcer la production de ses premiers projets impliquant au moins un acteur africain en métropole ou dans les Outre-Mers, dès 2022.

Basé à Paris, le lieu définitif de « la Maison des mondes africains et des diasporas » n'a pas encore été identifié. Dans un premier temps, son modèle économique sera soutenu par la puissance publique avec l'objectif d'y associer à terme, des philanthropes et des acteurs privés.

De la restitution des œuvres à la production culturelle

La création de « La Maison » intervient parallèlement au débat sur la restitution des œuvres d'art en Afrique, impulsée par le président Macron depuis son discours de Ouagadougou en 2017. Selon le rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine culturel africain (2018), près de 90% des œuvres africaines seraient conservées hors du continent.

A lui seul, le musée du Quai Branly à Paris compterait quelque 70 000 œuvres subsahariennes. La restitution des 26 œuvres au Bénin a fait jurisprudence pour un mouvement qui semble durablement engagé et à côté duquel, se construit un nouveau projet tourné vers la création et l'innovation en Afrique. Ce changement de perspectives coïncide avec une volonté présidentielle de rompre avec les stigmates d'un passé encombrant.

La Maison reflète enfin la vision 2.0 d'Emmanuel Macron et fera la part belle au secteur numérique, un angle incontournable à l'heure de la 4e révolution industrielle, mais qui ne s'adresse pas à tous sur un continent numériquement fracturé. En effet, en 2021 seulement 33 % d'Africains étaient connectés contre une moyenne mondiale de 63 % d'après le dernier rapport Mesurer le développement numérique : Faits et chiffres, de  l'Union internationale des télécommunications (UIT).

Afin d'éviter les écueils et/ou les incompréhensions et pour faire de « la Maison des cultures africaines », un grand lieu de création, d'expérimentation et de transmission des savoirs, les internautes sont invités à proposer leurs recommandations jusqu'au 31 juillet 2022. Les conclusions seront révélées au printemps prochain. Pour Luc Briard, cette « consultation numérique est le premier acte d'une nouvelle communauté ».

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