79,5 millions de personnes déplacées en 2019, un record selon l'UNHCR

Le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) a publié le 18 juin, son dernier rapport selon lequel le nombre de réfugiés et de personnes déplacées a atteint un niveau sans précédent depuis la création du HCR, avec 9 millions de cas supplémentaires en 2019. Sur le continent, le nombre de personnes déplacées a pratiquement triplé en 10 ans, passant de 2,2 millions à 6,3 millions.
(Crédits : Reuters)

En 2019, le nombre d'individus ayant fui la guerre, les persécutions ou les conflits, a dépassé 79.5 millions de personnes : du jamais vu dans l'histoire du Haut commissariat aux réfugiés, depuis sa création en décembre 1950 (ils étaient 41 millions en 2010). Une personne sur 97 est concernée, soit 1% de l'humanité. Plus des deux tiers d'entre eux, soit 77%, sont dans l'impossibilité de rentrer dans leur pays d'origine et se retrouvent dans des situations de déplacement prolongées. Depuis l'année dernière, le HCR supporte d'ailleurs une stratégie de réinstallation visant 1 million de réfugiés et 2 millions supplémentaires par voies complémentaires telles que le regroupement familial ou les programmes de mobilité de main-d'œuvre. A ce jour, près de 68% des personnes déplacées viennent de 5 pays : le Sud-Soudan, la Syrie, l'Afghanistan, la Birmanie et le Venezuela.

En substance, le Haut-commissariat comptabilise 29.6 millions de réfugiés en 2019 (parmi les 79.5 millions de migrants), 7 millions de déplacés internes et 4,2 millions de demandeurs d'asile à travers le monde. En Afrique, les 6.3 millions de réfugiés répertoriés par l'UNHCR viennent essentiellement du Sud-Soudan (2.2 millions), de la République démocratique du Congo (RDC) (800 000), de Somalie (900 000) et de la République centrafricaine (600 000). Quelque 73% des personnes déplacées vivent dans les pays voisins et 85 % ont été hébergés dans les pays en développement, dont 27 % dans les pays les moins avancés (PMA).

Au Sahel, 3,1 millions de personnes réfugiées ou déplacées

Dans son rapport, l'UNHCR prévoit des impacts socio-économiques « sans précédent » suite à la pandémie de Coronavirus, qui ont déjà affecté les demandeurs d'asile dans l'Union européenne (UE), (avec une baisse de 43% par rapport à février) les systèmes de demande d'asile ayant été ralentis ou ayant tout simplement cessé avec la fermeture des frontières. « La Covid-19 a fait son apparition en toute fin d'année. Nous n'avons donc pas de données très précises sur le nombre de réfugiés atteints par le Coronavirus. Cependant, selon nos informations, leur nombre resterait limité. Nous avons néanmoins pris des mesures de prévention auprès des populations, tout en apportant notre soutien en matière d'accès à l'eau et d'assainissement [...] Cela étant, il est sûr que la Covid-19 a eu un impact important en termes socio-économiques pour ces personnes déplacées, car elles ont vu leurs revenus diminuer voire disparaître du jour au lendemain », explique Céline Schmitt, responsable des relations extérieures de l'UNHCR à Paris, qui rappelle par ailleurs que les migrations sont souvent le résultat d'une convergence de crises qui n'ont pas épargné le continent, du Soudan du Sud au Sahel en passant par la Somalie ou la Libye.

« De janvier à mai 2020, le nombre de départ de Libye vers l'Europe a pratiquement doublé par rapport à l'année dernière, à la même époque [...] Officiellement, 186 personnes se sont noyées en mer méditerranéenne, mais pendant plusieurs semaines, aucun bateau de sauvetage ne circulait. Il n'y avait donc plus de témoin oculaire (...) Au Sahel, la situation est particulièrement préoccupante avec 3.1 millions de personnes réfugiées et déplacées internes » poursuit Céline Schmitt. En effet, la crise sanitaire associée aux violences régionales a singulièrement dégradé la situation en Libye et au Sahel. « Vendredi dernier, nous avons lancé un appel pour lever des fonds en direction du Sahel, car il est urgent d'agir » alerte la porte-parole de l'agence onusienne.

De l'Afrique centrale à l'Ethiopie en passant par le Burundi et la République démocratique du Congo (RDC), les crises sur le continent ont participé à l'augmentation exponentielle du nombre de personnes déplacées, qui a pratiquement triplé en 10 ans, passant de 2.2 millions à 6.3 millions.

L'Ouganda reste la terre d'accueil africaine

A contre-pied de la tendance internationale, l'Ouganda a largement ouvert ses portes aux réfugiés venus notamment de la RDC et du Sud-Soudan voisins. Après 20 ans de guerre civile, les populations du Nord autrefois aux prises avec la Lord Resistance Army de Joseph Kony, font aujourd'hui figure d'exemples en termes d'accueil. Ce petit pays équatorial compte plus de 1.4 million de déplacés, s'imposant ainsi comme le principal pays d'accueil du continent et le 3e au niveau mondial ex æquo avec le Pakistan, derrière la Turquie (3.6 millions) et la Colombie (1.8 million). Depuis 2006, le pays dispose d'une législation progressiste en matière d'accueil des étrangers avec un accès gratuit aux soins médicaux et à l'éducation. Par ailleurs, les populations réfugiées peuvent circuler librement dans le pays et obtiennent un permis de travail, participant ainsi à l'effort productif national. Certains d'entre eux ont eu la possibilité d'exploiter un lopin de terre agricole pour cultiver et produire une partie de leur alimentation, tout au long de leur exil. « Ce pays est devenu pilote dans la mise en œuvre du Pacte mondial pour les réfugiés des Nations unies (...) En Ouganda, les réfugiés ne vivent pas dans les camps, ils sont intégrés à la population locale et les enfants suivent les cours dans les écoles publiques », souligne Céline Schmitt.

Toutefois, l'Ouganda qui demeure l'un des pays les plus pauvres du continent (21.4% de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2019, selon la Banque mondiale), commence à souffrir de la situation. Depuis 2016, des dizaines de milliers de Sud-Soudanais ont fui les affrontements opposant les troupes du président Salva Kiir aux forces de Riek Machar, dont 85% de femmes et d'enfants. Dans le district d'Adjumani, le nombre de réfugiés a explosé en quelques années, au point de constituer près de la moitié des 400 000 habitants. « Il est important que les acteurs publics et privés soutiennent les pays d'accueil comme l'Ouganda », prévient Céline Schmitt. C'est d'ailleurs le cas depuis plusieurs années à travers des initiatives multilatérales ou bilatérales à destination de l'Ouganda. Depuis 2017, l'UE soutient a octroyé un financement de 136,7 millions d'euros (33 millions d'euros pour la seule année 2019), dont une partie est directement allouée aux réfugiés et en mai dernier, la Banque mondiale approuvait un financement de 175 millions de dollars dans le cadre du Funding for the Development Response to Displacement Impacts Project  (DRDIPpour soutenir l'Ouganda et les pays de la Corne de l'Afrique accueillant des réfugiés.

Ce soutien financier issu de l'IDA (Association internationale de développement) sous forme de prêt à taux zéro ou avec un faible taux d'intérêt représente 100 millions de dollars pour l'Éthiopie, 50 millions pour l'Ouganda, 20 millions pour Djibouti, mais aussi 5 millions de dollars destinés à l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Céline Schmitt prévient pour conclure que « certaines personnes déplacées vivent en Ouganda depuis très longtemps et [qu'] on ne peut pas accepter que ce type de situations d'urgence deviennent la norme » sous peine de générer de nouveaux troubles d'ordre socio-économiques.

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