«Mieux vaut prévenir que guérir !». Les autorités nigérianes se sont approprié ce proverbe. Par une décision du Conseil des ministres de ce mercredi 9 mai 2018, le gouvernement a pris des mesures d'urgence depuis que la clameur médiatique signale une possible épidémie d'Ebola dans le nord-ouest de la République démocratique du Congo (RDC).
Les Congolais et leurs voisins au «crible» à Abuja
«Le gouvernement fédéral a mis en place un programme d'urgence de surveillance de toutes les activités terrestres et aériennes aux frontières, pour assurer que les Nigérians soient en sécurité. Nous allons désormais passer au crible toutes les personnes arrivant de RDC et des pays voisins», fait savoir Isaac Adewole, ministre de la Santé.
Même si pas moins de 4 500 kilomètres et des pays frontaliers de la RDC séparent Abuja de Bikoro, foyer dans le nord-ouest de la RDC où deux cas avérés et dix-sept sans confirmation de personnes infectées par le virus Ebola ont été signalés. Mais la prudence du gouvernement nigérian est compréhensible. Le pays le plus peuplé d'Afrique (180 millions d'habitants) se souvient de la frayeur paralysante après la découverte en 2014, d'un cas d'infection au virus Ebola à Lagos (20 millions d'habitants) faisant craindre à l'Organisation mondiale de la santé, une «épidémie urbaine apocalyptique». Après avoir enregistré 7 décès sur les 19 personnes infectées, le pays n'a pu être sauvé que grâce à la réponse rapide de son laboratoire mobile de traitement des fièvres hémorragiques, le seul d'Afrique de l'Ouest.
Le Centre National pour le contrôle des maladies (NCDC) du Nigeria a d'ores et déjà proposé son expertise en matière de gestion des épidémies à la RDC, en plus de son laboratoire spécialisé qui devrait se joindre au plan de riposte de l'OMS, de l'UNICEF, de la Banque mondiale et de la Croix-Rouge. Mais la préoccupation des autorités congolaises est ailleurs.
Les neuf voisins de la RDC suivent de très près l'évolution de la situation en RDC
Déjà en 2017, la fièvre Ebola avait refait surface en RDC dans la région du Bas-Uélé, une province du nord du pays, située en pleine zone tropicale. Avec cette nouvelle apparition à Bikoro, presque à un an d'intervalle, le virus Ebola semble opérer un macabre retour aux sources qui confirme le neuvième épisode d'Ebola dans le pays. La maladie, découverte en 1976, tire son nom de la Rivière Ebola située en RDC à la frontière avec la République centrafricaine.
En trois mois, l'OMS a débloqué un million de dollars pour stopper la propagation de l'épidémie en RDC, pays tentaculaire de 78 millions d'habitants, frontalier de neuf pays d'Afrique centrale et de l'Est. L'inquiétude est donc grande chez les pays voisins d'une propagation de l'épidémie à partir de ce foyer détecté en RDC.
Pour autant, bien que compréhensible, la prudence du Nigeria, très «éloigné» de la RDC, peut créer un effet de panique généralisée dans les autres régions africaines. Une panique, dans le cas de l'épidémie en Guinée et en Sierra Léone, avait conduit à la fermeture de frontières et à la stigmatisation de citoyens issus de ces pays. Bien souvent,les gouvernants sont pris entre l'enclume de la pression d'une opinion publique tétanisée par le choc des images médiatiques et le marteau des relations de bon voisinage entre Etats.
Au-delà, la réapparition du virus d'Ebola en RDC permet de mesurer le degré d'impréparation des gouvernements africains aux épidémies et aux catastrophes naturelles. Elle renseigne aussi sur l'absence de prévoyance par la recherche de ces épidémies et de ces catastrophes.
Autre lacune à signaler, le manque de solidarité entre pays africains. Jusque-là, la première réaction de soutien vient du lointain Nigeria pendant que les voisins de la RDC scrutent fiévreusement les annonces de l'OMS et du Laboratoire national de santé publique de la RDC, avec l'espoir de voir le virus enrayé, avant qu'il ne puisse frapper à leurs portes.
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