Guinée : Alpha Condé va devoir exercer ses talents de médiateur chez lui

L’opposition guinéenne a encore manifesté, hier mercredi à Conakry et dans d’autres villes du pays, pour exiger du président Alpha Condé, la tenue des élections locales conformément à l'accord politique d'octobre 2016. Le chef d’Etat guinéen s’est engagé à mettre tout en œuvre pour la tenue de ce scrutin, ce qui n’a pas pour autant atténué la levée de boucliers des partis de l’opposition. Face au débat sur un éventuel troisième mandat qui fait rage dans le pays, le président en exercice de l’UA va devoir cette fois jouer les sapeurs-pompiers à domicile, après avoir joué les bons offices dans plusieurs pays du Continent.

Sale temps pour Alpha Condé ! Depuis quelques temps en effet, le président guinée est confronté à une levée de boucliers de l'opposition qui multiplie les manifestations pour exiger du chef d'Etat le respect de l'accord politique convenu en octobre 2016. Ce mercredi, c'est une véritable démonstration de force que les partis de l'opposition ont organisés dans la capitale guinéenne pour appeler le gouvernement à organiser dans les plus brefs délais, les élections locales qui devraient en principe tenir en février dernier, mais ont été sans cesses reportées.

Des milliers de sympathisants de l'opposition avec à leurs tête, les principaux leaders, ont répondu présents à la marche suivie d'un meeting qui s'est par la suite transformé en une véritable manifestation contre la gouvernance du président Condé. Les manifestants ont ainsi scandé des messages hostiles à la gestion du pouvoir par Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010. « Ils continuent de s'enrichir et d'ignorer les engagements qu'ils ont pris », a par exemple dénoncé l'ancien premier ministre Cellou Dalein Diallo, chef de file de l'opposition politique candidats à deux reprises à la présidentielle contre Condé (2010 et 2015).

« Il y a une misère sans nom qui assaille les guinéens de Conakry à l'intérieur du pays. Dans toutes les préfectures aujourd'hui, les guinéens souffrent de faim, de malnutrition, mais aussi d'injustice, d'insécurité, d'insalubrité, d'arbitraire. Ces problèmes ne sont pas une fatalité. Ce sont les conséquences de la mauvaise gestion et du peu de souci que ceux qui nous dirigent ont des conditions de vie des populations ». Cellou Dalein Diallo, principal opposant de Condé.

Une mobilisation qui donne des ailes à l'opposition

Le succès des manifestations donne en tout cas des ailes à l'opposition politique qui voit au-delà de la tenue des élections locales, mais plutôt les prochaines présidentielles de 2020. Les chefs de l'opposition n'ont en tout cas pas fait dans la dentelle lors de leurs différentes interventions remettant ainsi en cause tous les progrès que le gouvernement affirme avoir enregistré depuis 7 ans. « Le peuple ne veut plus de ce gouvernement et ne veut plus de la politique d'Alpha Condé parce qu'il a échoué », a lâché par exemple Papa Koly Kourouma, un ancien ministre de Condé qui a rejoint l'opposition. « Cette mobilisation montre que le peuple de Guinée est derrière l'opposition et son chef de file » s'est par exemple félicité le député  Dembo Sylla pour qui « l'opposition a déjà le tapis rouge pour 2020 ».

Lundi pourtant, le chef d'Etat guinéen s'est engagé dans un communiqué de la présidence, à tout mettre en œuvre pour la tenue de ces élections locales, les premières du genre depuis 2005 ! Le président guinéen a expliqué le retard ainsi enregistré par « des difficultés qui n'ont pas permis de réaliser les actions prévues aux dates convenues ». En signe d'apaisement, il a même sollicité la commission électorale à prendre les mesures nécessaires pour l'organisation des élections locales dans les meilleurs délais.

Des signes d'apaisement qui n'ont visiblement pas satisfaits l'opposition qui a annoncé vouloir maintenir sa fronde jusqu'au respect de tous les points contenus dans l'accord politique.

Fronde interne pour le médiateur de l'UA

Alpha Condé va donc devoir gérer une nouvelle crise politique mais cette fois-ci... chez-lui. Au delà de la tenue des élections, l'enjeu pour l'opposition guinéenne est en effet de mettre en mauvaise posture le président Condé. D'autant que depuis quelques mois, le débat sur un éventuel troisième mandat pour Alpha Condé fait rage dans le pays et est amplifié par une posture assez ambiguë du principal concerné.

Avec la multiplication des manifestations politiques qui viennent s'ajouter à la série de mouvements sociaux du début d'année, Alpha Condé va devoir jouer des coudes pour éteindre l'incendie qui couve à deux ans de la fin de son mandat.

Le chef d'Etat guinéen est le président en exercice de l'Union africaine (UA) et à ce titre, il n'a cessé depuis le début de l'année à se déplacer de pays en pays pour jouer les médiateurs dans diverses crises que connait le continent.

Cette fois, c'est sur le front intérieur qu'il va devoir jouer les sapeurs-pompiers avec une opposition prête à en découdre, ce qui rappelle les mauvais souvenirs des crises politiques vécues par le pays à plusieurs reprises. De mauvais présage pour Alpha Condé car la persistance de la contestation va certainement ternir l'image de l'ancien opposant historique, qui aime à rappeler qu'il est « le premier président démocratiquement élu de la Guinée ».

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