Mali : le référendum avorté, IBK en mauvaise posture pour 2018

Le gouvernement malien a finalement décidé de reporter à une date ultérieure, le référendum constitutionnel prévu pour le 9 juillet prochain. Face à l’ampleur prise par la contestation populaire, le président malien fait donc marché arrière, ce qui le place en mauvaise posture pour les prochaines élections présidentielles de 2018 auxquelles il compte bien se présenter pour un second et dernier mandat.

La fronde populaire a eu raison du référendum constitutionnel porté par le président malien Ibrahim Boubacar Keita et qui devrait se tenir le 9 juillet prochain. A l'issue d'une session du conseil des ministres qui s'est tenu ce mercredi 21 juin, le gouvernement a décidé de reporter sine die le référendum sur la révision de la constitution.  « Le Conseil des Ministres a décidé du report à une date ultérieure du référendum, initialement prévu pour le 09 juillet 2017 »  s'est borné à rapporter le communiqué publié à l'issue de la réunion. Aucune autre explication n'a été fournie par les autorités sur les raisons de ce report qui intervient à quelques jours du scrutin et le gouvernement malien n'a même pas attendu la décision de la Cour Constitutionnelle qui a été saisie le 16 juin dernier, d'une requête aux fins de contrôle de constitutionnalité de la loi adoptée par l'Assemblée nationale du pays  le 2 juin 2017 et qui porte sur la révision de la Constitution.

Victoire du front du refus

Le report à une date ultérieure du scrutin référendaire n'a vraiment pas été une surprise même si c'est un fait assez rare sur le continent qu'un président revienne sur un projet de réforme constitutionnelle qu'il porte personnellement.  Il y avait eu, dernièrement, le Bénin où le président Patrice Talon a dû surseoir à un projet de réforme constitutionnelle qu'il a promis avant son élection, mais c'était plutôt le Parlement du pays qui a voté contre. Or dans le cas malien, IBK a eu l'aval des députés mais devant la contestation populaire des partis de l'opposition politique, de la société civile et des organisations professionnelles et autres structures associatives, le report était l'alternative la plus crédible surtout pour maintenir la cohésion dans le pays qui traverse déjà une crise sécuritaire sans précédent.

L'un des faits marques de la campagne du « non » et qui a sans doute précipité la décision du gouvernement malien, c'est la gigantesque manifestation du dimanche 17 juin dernier qui a réunit des milliers et des milliers de sympathisants dans les rues de Bamako pour marquer leur opposition à la tenue du référendum. Les manifestants étaient motivés par diverses raisons mais pour l'essentiel, il s'est agit de faire barrage à l'initiative présidentielle. La contestation n'a d'ailleurs depuis cessé de s'amplifier et ce jeudi 22 juin, plusieurs manifestations étaient également prévues dans les villes de l'intérieur du pays dans le cadre de ce  front du refus qui prévoyait une autre manifestation de plus grande ampleur pour le 1er juillet prochain sur toute l'étendue du territoire malien. La décision du gouvernement a fait annuler ces différentes manifestations en faveur du « Non » à la tenue du référendum.

Le président IBK a-t-il anticipé un rejet de son texte au sortir du référendum ou a-t-il seulement reculé face à la pression populaire qui ne cesse de s'amplifier et de ratisser large même dans son propre camp ? C'est la seule explication qui vaille car les slogans tout comme certaines déclarations laissent transparaître qu'au delà de ce référendum, c'est la gouvernance même du régime de Bamako qui est contesté.

Mauvais signal pour la présidentielle de 2018

A moins d'un an de la prochaine présidentielle à laquelle il entend bien participer pour briguer un second mandat, IBK n'a visiblement pas voulu prendre de risques. Au lendemain de la manif du 17 juin, le président malien a ouvert une consultation avec les principales personnalités politiques, religieuses et associatives du pays. L'occasion donc de tâter le vrai pouls du peuple alors que dans l'ensemble, les principales composantes de la nation se sont pour l'essentiel prononcées sur l'initiale présidentielle.

Pour les faucons qui soutiennent aveuglement le référendum, le président a mis au devant la cohésion nationale même si le report de cette consultation va retarder la mis en œuvre de l'Accord d'Alger paraphé avec les groupes rebelles touaregs ainsi que la charte sur la réconciliation nationale.

Cependant pour une large frange de la population malienne ainsi que de l'avis de bon nombre d'observateurs de l'actualité africaine, tenir un référendum dans le contexte sécuritaire actuel du Mali, n'est vraiment pas une priorité.

Pour le moment le gouvernement malien ne parle que de report du référendum sans fixer de date. Toutefois, on imagine mal le scrutin programmé d'ici les élections de 2018. D'ici là, IBK qui a épuisé quatre premiers ministres en moins de cinq ans de règne à Koulouba,  est au creux de la vague. Son régime est fortement contesté ces derniers temps avec des manifestations politiques et des séries de grèves à répétition depuis le début de l'année. Pour ne rien arranger, la situation sécuritaire s'est de nouveau aggravé avec la multiplication des attaques même au sein de la capitale Bamako et dans les autres régions du pays frontalières du Niger et du Burkina alors même qu'au nord, l'Etat peine toujours à reprendre le contrôle de certaines zones comme celle de Kidal à la frontière algérienne.

La contestation populaire qui a permis à IBK de mesurer l'ampleur du mécontentement pourrait donc lui servir de déclic pour inverser la tendance. En face, ses opposants, galvanisés par cette marche arrière, vont certainement continuer à tirer sur cette corde pour tenter de barrer la route du second mandat au président malien.

C'est de toute évidence, les principales leçons de ce référendum avorté et dont les répercussions politiques continueront à agiter la dernière année du premier mandat d'IBK.

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