Bénin : Talon veut rompre avec la décennie Boni Yayi

Après la déclaration de patrimoine et le show télévisé pour présenter le programme d'action du gouvernement, Patrice Talon s’est livré à son 3e exercice discursif, et pas des moindres. Dans son discours sur l’état de la nation, le président béninois a dépeint le tableau socio-économique de son pays avant son arrivée au pouvoir en avril 2016. L’homme d’affaires devenu président a ensuite effectué un recadrage de ce tableau pour laisser entrevoir comment il comptait lui redonner des couleurs vives. Voici les grandes lignes de la doctrine Talon pour « révéler le Bénin ».
Ibrahima Bayo Jr.

Fugace ! C'est ainsi que Patrice Talon a voulu son tout premier discours d'envergure devant les 85 députés depuis son élection en mars et son investiture en avril dernier. Pour quelqu'un qui connait bien le pays, trente minutes ont été suffisantes pour achever le portait sur l'état de la nation béninoise depuis son entrée en fonction en avril dernier.

Un sombre tableau de la décennie Boni Yayi

Huit mois plus tard, après un glissement de son bureau des affaires au fauteuil du Palais de la Marina, le voici à la tribune du palais des gouverneurs pour se faire le comptable de son meilleur ennemi, Thomas Boni Yayi. Un exercice délicat pour lequel Patrice Talon a eu besoin de ses lunettes de correction à l'entame de son discours sur l'état de la nation, ce jeudi 22 décembre pour y voir plus clair et surtout avec lucidité, dans le bilan de son prédécesseur qui resta au pouvoir pendant 10 ans non sans vouloir s'accrocher à son fauteuil.

« A l'époque de mon entrée en fonction, la situation politique, économique et sociale de notre pays n'était guère reluisante », synthétise l'homme d'affaires. Il y dénonce un système éducatif exsangue et peu adapté, un clientélisme dans les institutions, une « administration léthargique et politisée » et un manque de maîtrise des dépenses publiques. Sur le plan économique, le président béninois regrette une image écornée du pays qui vaut au Bénin sa 166è place parmi les 177 pays classés par l'indice de développement humain avec un score de 0,48 en 2015.

« C'est dire que j'ai pleinement conscience de la légitimité de l'impatience de nos concitoyens et j'appréhende dans sa juste mesure, l'immensité de la tâche qui attend mon gouvernement et moi-même. C'est pourquoi je voudrais redire en cette occasion solennelle que mon mandat ne sera pas celui des fausses promesses mais plutôt celui de la responsabilité », résume encore le président béninois.

La fin des « fausses promesses » ?

Ce tableau sombre brossé du mandat de son prédécesseur, et ami devenu ennemi, a permis à Patrice Talon, de mettre en avant son mini-bilan de ces huit premiers mois de l'exercice du pouvoir. Pour le président béninois, ce bilan est marqué par la réduction des dépenses publiques et la réduction du nombre de postes ministériel résumées dans la pompeuse formule de l'« assainissement structurel ». Ce dernier s'accompagne d'un chapelet de mesures destinées à replacer le pays sur la carte économique de l'Afrique.

Des décisions qui plaident notamment pour un renforcement de la coopération avec la sous-région. Mais également toute une batterie de mesures fiscales à destination du secteur privé pour lever des fonds destinés au financement de l'emploi des jeunes. Le président n'a pas oublié de rappeler son méga-plan d'action gouvernementale lancé en grandes pompes le 16 décembre dernier.

Pour « révéler le Bénin » dans les cinq prochaines années, ce plan prévoit de mettre en œuvre 77 réformes à coup de 300 projets. L'enveloppe pour financer cette ambition présidentielle est estimée à 9000 milliards de Fcfa dont 100 milliards proviendront du secteur privé dont est issu le président béninois.

Il y avait Patrice, l'homme d'affaires. Il y a Talon, l'homme d'Etat qui veut redresser son pays en le dirigeant à la manière d'une entreprise. Il faut dire que l'homme d'Etat n'a pas oublié l'homme d'affaires dans son discours pour le futur.

« Dans le secteur agricole qui est le moteur de notre économie, la filière coton notamment a fait l'objet de réformes structurelles urgentes qui l'ont fait sortir de la tutelle encombrante de l'Etat, permettant ainsi la prise d'initiatives efficaces et indispensables pour sa compétitivité. Il n'y a pas de subvention de l'Etat à la filière en 2016/2017 ; chose inimaginable ces 20 dernières années »

Patrice Talon lance ainsi en catimini, une libéralisation de la filière coton dont il est l'un des plus grands magnats. La doctrine Talon se heurte-t-elle déjà aux premiers possibles conflits d'intérêts ?

Ibrahima Bayo Jr.

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