Côte d'Ivoire : Alassane Ouattara conserve sa majorité à l'Assemblée nationale selon les résultats provisoires de la CEI

Hier, les résultats provisoires des élections législatives du 6 mars 2021 sont tombés. Ils révèlent une majorité de 54% pour le RHDP du président Ouattara, mais ces chiffres sont contestés par l'opposition. Alors qu'Hamed Bakayoko, l'homme fort du gouvernement, vient d'être remplacé pour des raisons médicales, les élections se sont néanmoins déroulées dans le calme. Les Ivoiriens sont-ils engagés sur la voie de la réconciliation ?
(Crédits : ANCI)

Quatre mois après sa réélection à la tête de l'Etat, Alassane Ouattara devrait conserver sa majorité à l'Assemblée nationale, si les résultats provisoires présentés hier par la commission électorale indépendante (CEI) venaient à être confirmés par le Conseil constitutionnel, dans les jours à venir. Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) obtiendrait 137 sièges sur 254, contre 91 pour les partis de l'opposition.

Le président ivoirien, élu pour un troisième mandat à la présidence de la République avait recueilli 94,27 % des voix au 1er tour, le 31 octobre 2020. Boycott de l'opposition et violences avaient émaillé cette élection, qui avait coûté la vie à 87 personnes et fait plus de 500 blessés. Les élections législatives étaient donc placées sous haute surveillance. Finalement, les observateurs n'ont relevé aucun de pic de violence le jour du vote. « Le scrutin s'est déroulé dans une atmosphère générale calme et propice à des élections apaisées », déclarait Denis Kadima, le chef de la mission internationale d'observation électorale (MIOE) de l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA) et du Centre Carter, à l'occasion d'un point presse, qui s'est tenu le 8 mars.

Cette élection a fait l'objet d'une faible mobilisation (37,88%) selon la CEI, bien qu'elle enregistre une légère progression par rapport à 2016, où elle n'était que de 34,11%. La coalition entre le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et les électeurs de Laurent Gbagbo obtiennent 50 sièges, les pro-Gbagbo seuls 8 sièges, le PDCI seul recueille 23 sièges. Le reste de l'opposition obtient une dizaine de sièges. Elles ne sont que 32 femmes députées sur les 254 élus. Enfin, un siège n'a pas été pourvu à ce jour, conséquence du décès d'une candidate suppléante, dans la circonscription de Tortiya. L'élection se tiendra dans un délai d'un mois, d'après la CEI.

Les législatives étaient placées sous le signe du retour du Front populaire ivoirien (FPI), en dépit de l'absence de son leader, Laurent Gbagbo, toujours en exil en Belgique, dans l'attente d'un potentiel procès en appel, à La Haye. L'imminence de son retour en Côte d'Ivoire est régulièrement annoncée depuis décembre 2020. Les membres du « clan » de Laurent Gbagbo affichent un certain nombre de succès, à l'instar de son fils Michel, 51 ans, élu dans la commune de Yopougon à Abidjan (ancien fief de Laurent Gbagbo, aux mains du RHDP depuis une dizaine d'années) avec 47,20% des voix, sur la liste commune « Ensemble pour la démocratie et la souveraineté » (EDS)-PDCI-RDA.

Le RHDP revendique la victoire, l'opposition conteste

« On constate que les Ivoiriens avaient soif d'élection, ils se sont exprimés. Le RHDP est sorti vainqueur avec 137 députés. Je voudrais noter que sur les 26 indépendants il y a 16 délégués départementaux du RHDP qui se sont fait élire. Donc on peut considérer que ces élus font partie du RHDP. Ce sont des cas d'indiscipline » considère le Secrétaire exécutif du RHDP, qui revendique au total, 153 députés. Adama Bictogo compte d'ailleurs parmi les personnalités du parti au pouvoir qui ont été élues le 6 mars dernier, en recueillant 53% des suffrages à Agboville. C'est également le cas de Patrick Achi qui a obtenu 69,06% des voix à Adzopé et de Koné Lassina à Ferkessedougou commune, qui a rassemblé 79,12% des suffrages.

« Il faut que les cadres de la région soient unis. Quand le président Henri Konan Bédié demande une concertation nationale, c'est pour que nous soyons unis (...) je pense qu'il faut transcender les ressentiments », avertissait Gnamien N'Goran, le vice-président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) au lendemain du scrutin, depuis son village de Kongotti, appelant les Ivoiriens à la cohésion sociale. Avant la proclamation des résultats provisoires par la CEI, l'opposition avait en effet, fait apparaître ses premières craintes. Lors d'une conférence de presse du 7 mars, le coordonnateur des élections du PDCI, Niamkey Koffi affirmait que les « résultats provisoires (étaient) émaillés de tricheries, de tripatouillages, de manipulations -et de- tentatives d'inversion des résultats » notamment à Yopougon et à Port-Boué, relevant par ailleurs, des anomalies à Yamoussoukro et dans la circonscription de Bouaflé où, au lendemain des élections, des échauffourées entre des militants opposés ont éclaté. « Notre inquiétude, c'est la manipulation des résultats », avait-il insisté, précisant que le PDCI et ses alliés devraient se situer autour de 128 sièges sur 255.

Hier, les contestations se sont poursuivies. A Dabou, les candidats de l'EDS ont fait savoir à la presse qu'ils réfutaient les résultats annoncés par la CEI. Désormais, les contestataires disposent de 5 jours pour déposer leurs recours devant le Conseil constitutionnel.

Le Premier ministre Hamed Bakayoko remplacé par Patrick Achi

En parallèle aux élections législatives, la Côte d'Ivoire était suspendue aux nouvelles relatives à la santé de leur Premier ministre, Hamed Bakayoko. Depuis le 18 février, le Chef du gouvernement ivoirien a quitté la Côte d'Ivoire pour raison médicale. D'abord hospitalisé à Paris, il a été transféré en Allemagne il y a quelques jours, dans un état jugé critique, de sources concordantes.

Le 8 mars, un communiqué de presse de la présidence annonce la signature de 2 décrets qui confirment qu'Hamed Bakayoko ne reviendra pas dans l'immédiat. Le premier décret porte sur l'intérim du Premier ministre et chef du gouvernement par Patrick Achi (jusqu'alors Secrétaire général de la présidence), et le second sur l'intérim du ministère de la Défense assuré par Téné Birahima Ouattara, le frère cadet du président en exercice.

L'évacuation sanitaire d'Hamed Bakayoko est d'abord justifiée par un « gros coup de fatigue » par son entourage, mais cette explication ne tient pas longtemps... Le déplacement d'Alassane Ouattara début mars à Paris, assorti d'une visite à son Premier ministre, a confirmé les inquiétudes. Dès lors, les rumeurs les plus folles ont circulé sur Internet, de l'empoisonnement au cancer, jusqu'à l'annonce précipitée d'un décès non confirmé, l'aggravation de l'état de santé d'Hamed Bakayoko inquiète les Ivoiriens qui ont perdu leur précédent Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, des suites de problèmes cardiaques, en juillet dernier.

Premier ministre et ministre de la Défense, Hamed Bakayoko était également candidat dans son fief de Séguéla, au nord-ouest du pays. Absent pendant ces élections, il a néanmoins été élu, selon les résultats provisoires de la CEI. Les raisons précises de son hospitalisation restent pour l'heure encore inconnues.

Dans l'attente des résultats définitifs des élections législatives, le calme règne en Côte d'Ivoire et, à moins d'un rebondissement de dernière minute, Alassane Ouattara devrait conserver sa majorité à l'Assemblée nationale.

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