Niger : J-5 avant le second tour des élections présidentielles

Le 21 février, plus de 7 millions d'électeurs se rendront aux urnes pour décider de leur prochain président. C'est une première au « pays des Touaregs » qui n'a connu que des alternances troublées depuis son indépendance. Avec 39,67% des suffrages et le ralliement de deux des principaux opposants, le dauphin de Mahamadou Issoufou semble avoir pris une longueur d'avance, mais rien n'est joué et l'ancien président du Niger se dit confiant pour la victoire.
Le 21 février 2021, Mohamed Bazoum affrontera l'ancien président Mahamane Ousmane au second tour des élections présidentielles du Niger.
Le 21 février 2021, Mohamed Bazoum affrontera l'ancien président Mahamane Ousmane au second tour des élections présidentielles du Niger. (Crédits : LUC GNAGO)

A quelques jours du second tour des élections présidentielles, la région de Zinder qui représente le plus ilmportant réservoir d'électeurs (1 516 603 inscrits selon la CENI), concentre toutes les attentions. Mohamed Bazoum, le candidat du PNDS comme Mahamane Ousmane du RDR Tchandji, sont tous deux originaires de cette région et tentent de séduire les indécis, sur la dernière ligne droite.

« La campagne se passe très bien. Nous avons reçu un accueil chaleureux. Je suis dans un état d'esprit très optimiste », déclare Mohamed Bazoum au QG du PNDS-Tarayya de Zinder, le 16 février. Arrivée avec une avance confortable au premier tour, il considère qu' « il n'y aura pas de sursaut pour le candidat Ousmane qui a géré le pays pendant 3 ans », estimant que « les Nigériens gardent de lui, l'image du chef d'Etat le plus incompétent et le moins signifiant de l'Histoire ».

De son côté, le candidat Mahamane Ousmane reste optimiste malgré un premier tour qui s'est, selon lui, déroulé « dans une confusion généralisée », indiquant que l'absence de l'opposition dans un certain nombre de structures de la chaîne d'organisation des élections a pesé lourd sur les résultats. « Dimanche prochain, nous serons présents dans les 26 000 bureaux de vote et nous avons pris des dispositions pour éviter les trucages et le braquage des urnes », déclare-t-il à La Tribune Afrique, en escale à Zinder le 16 février dernier.

« Le PNDS a conduit ce pays vers la dernière place des pays du monde en termes de résultats de leur gestion vis-à-vis de son impact sur les populations. Le pays est dans une situation telle qu'il ne peut pas descendre plus bas » poursuit-il. Accablant le bilan du président Issoufou, il ajoute : « Les gens ont faim, sont malades et ne trouvent pas d'emploi [...] Ils souffrent donc si Monsieur Bazoum prône la continuité, les gens n'en veulent pas ! ». Enfin, l'ancien chef d'Etat impute la dégradation sécuritaire à son opposant. « L'insécurité est due à la déficience d'un certain nombre de services relatifs aux besoins sociaux de base des populations. Tous les maux de ce pays sont liés à la mauvaise gouvernance », conclut-il.

De son côté, Mohamed Bazoum avance que son opposant est comptable de cette situation dont a hérité Mahamadou Issoufou et qu'il n'aurait guère pu faire mieux en matière sécuritaire, par ailleurs. « Nous avons tenu notre pays, ce que Mahamane Ousmane n'aurait pas fait, car il n'a pas de parti capable de concevoir les solutions à apporter au Niger[...] Le pays était déjà dernier de l'Indice de développement humain du PNUD depuis 1990. Il a sa part de responsabilité dans ces chiffres : c'est son bilan », estime le candidat du PNDS.

A qui profitera le jeu des alliances ?

Le 21 février 2021, Mohamed Bazoum (PNDS-Taryya) affrontera donc l'ancien président Mahamane Ousmane au second tour des élections présidentielles. Le dauphin du président sortant est arrivé en tête du premier tour avec 39,67% des voix contre 16,99% pour le candidat du RDR-Tchandji. Le 3 février, les opposants Seini Oumarou (MNSD) et Albadé Abouba (MPR-Jamhuriya) qui avaient respectivement recueilli 8,95% et 7,07% des suffrages au premier tour, se sont ralliés au candidat du PNDS-Taryya tandis que la coalition de l'opposition de la CAP 20-21 a rejoint Mahamane Ousmane.

Après deux mandats successifs, le président Issoufou passe donc la main. Cette décision représente en soi, une première victoire dans ce pays troublé par les coups d'Etat, faisant dire au président sortant pendant la campagne, que « quel que soit le vainqueur, la victoire appartiendra au peuple nigérien ». De son côté, après sa visite à Niamey en décembre 2019, le président Emmanuel Macron félicitait son homologue nigérien de ne pas se représenter pour un troisième mandat. « Vous êtes un exemple pour la démocratie », twittait-il alors.

Cette élection est placée sous le signe de l'alternance bien que le changement attendu soit relatif... « Nous allons poursuivre les mêmes efforts, le même engagement (que le président Mahamadou Issoufou) », déclarait le candidat Bazoum le 16 février. De son côté, Mahamane Ousmane était à la tête du Niger entre 1993 et 1996. Les deux candidats sont donc bien connus des Nigériens.

Malgré le soutien de l'opposant Hama Amadou, il faudra un profond retournement de situation pour que l'ancien président du Niger rattrape le candidat Bazoum, au regard des résultats du premier tour et d'un jeu d'alliances qui, si les consignes de vote devaient être suivies, pourraient bien jouer en sa défaveur. « Il ne faut pas penser qu'il s'agira d'un calcul mathématique avec l'addition des voix du premier tour », prévient Balarabé, le Coordonnateur du RDR-Tchandji de Zinder à J-5 du second tour, considérant que « les consignes de vote données par les alliés du PNDS, sont contraires à la volonté de la base ».

Deux hommes pour un fauteuil

Né en 1960, professeur de philosophie et ancien ministre, Mohamed Bazoum est un fin négociateur doublé d'un syndicaliste aguerri. Investi par son parti, le 31 mars 2020, il démissionne en juin du gouvernement pour se lancer dans la campagne. Immédiatement, il prévient qu'en cas de victoire électorale, il ferait de l'éducation, une priorité nationale. Il aura également fort à faire avec l'enjeu sécuritaire qui parasite le développement du Niger et qui phagocyte plus de 17% du budget national. Education, démographie et sécurité sont les priorités du candidat. Avec 7,6 enfants par femme en moyenne, le pays est le recordman mondial du taux de fécondité. Favori, Mohamed Bazoum n'en est pas moins bousculé par une opposition qui lui reproche le bilan de son prédécesseur dont il se revendique, mais aussi ses origines.

« Nous n'avons pas dit que Mohamed Bazoum n'était pas Nigérien, il est Nigérien. Le problème, c'est qu'il faut être né de père ou de mère ou de père et de mère nigériens pour se présenter aux présidentielles, ce qui n'est pas son cas. Il faut être Nigérien de souche », explique Balarabé, qui ajoute néanmoins respecter la décision de la Cour constitutionnelle. « Les gens ont raté l'occasion d'ouvrir le débat sur le plan juridique et judiciaire. La passion politique l'a emportée sur la raison », estime Amadou Hassan Boubacar, enseignant-chercheur à l'Université de Niamey et constitutionnaliste. « Pour avoir la nationalité, il suffit que votre mère ou votre père soit Nigérien. Or le jugement supplétif de Mohamed Bazoum et celui de sa mère indiquent qu'ils sont Nigériens », poursuit-il. Face à ces attaques à l'odeur de souffre, le candidat du PNDS ne lâche rien. « Je suis Nigérien et je suis arabe, les deux ! », affirmait-il lors de la campagne du premier tour. Il ajoutait face à la presse internationale, le 16 février dernier à Zinder, que cette « tribalisation » du débat, née de la « campagne haineuse de Hama Amadou n'aura aucun impact sur les résultats ».

Mahamane Ousmane, le candidat de l'opposition, 71 ans, économiste de formation, était lui aussi ministre avant de devenir président du Niger entre 1993 et 1996. Social-démocrate, il remporte les élections présidentielles avec 55,42% des voix face à Mamadou Tandja le 27 mars 1993. Renversé le 27 janvier 1996, suite à un coup d'Etat, il se représente à la magistrature suprême en 2004, mais il est écarté dès le premier tour avec 17,43% des voix. En décembre 2020, il se lance dans la bataille présidentielle, appuyé par le « grand absent » du scrutin, Hama Amadou. En cas de victoire aux élections présidentielles, il promet de s'attaquer aux 7 priorités que sont l'eau, l'éducation, l'emploi, l'énergie, l'environnement, l'équipement et l'équité.

A quelques jours du second tour, les électeurs nigériens, privés du débat de l'entre-deux tours, assistent aux derniers meetings. Feront-ils le choix de confier la présidence au dauphin de Mahamadou Issoufou ou lui préféreront-ils l'ancien président du Niger ?

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