Urgence humanitaire : les bailleurs promettent 1,7 milliard de dollars pour le Sahel central

Parallèlement aux menaces sécuritaire, économique et migratoire, le Sahel central doit désormais faire face à la pandémie de coronavirus. Alors que les besoins humanitaires ont bondi de 74% en 2019, les engagements des bailleurs n'ont augmenté que de 9,1%. La région se dirigerait vers son « point de rupture » selon l'ONU aussi, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) tout comme le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) tirent la sonnette d'alarme.
(Crédits : Shutterstock)

« La crise au Sahel arrive à un point de rupture » déclarait alarmiste, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, en amont de la conférence ministérielle du 20 octobre dernier, organisée par le Gouvernement danois, en partenariat avec le gouvernement allemand, l'Union européenne (UE) et les Nations Unies (ONU), pour mobiliser des fonds en direction du Sahel central. « La situation humanitaire s'est fortement détériorée au cours des deux dernières années. Les besoins augmentent plus vite que le financement », déplorait pour sa part, Jens Laerke, le Porte-parole du bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), en conférence de presse à Genève, redoutant que « la région ne se transforme en l'une des plus grandes crises du monde ».

A ce jour, 13,4 millions de personnes ont besoin d'une assistance humanitaire, ce qui représente une augmentation de 74% en une seule année. Parmi elles, plus de 50% sont des enfants. Par ailleurs, les Nations Unies rapportent que le nombre de personnes souffrant de malnutrition a triplé l'an dernier, pour atteindre quelque 7,4 millions de personnes. Pourtant, les aides déployées au Mali, au Burkina Faso et au Niger ne sont actuellement financées qu'à hauteur de 40%. Il faut donc trouver de nouvelles sources de financement humanitaire pour cette région plongée dans une crise protéiforme depuis près d'une dizaine d'années. C'est donc dans cette optique que s'est tenue la réunion interministérielle du 20 octobre. « Nous espérons que les donateurs se montreront généreux et s'engageront à mener une action globale qui, à l'avenir, permettra aux agences humanitaires de faire leurs valises », avait déclaré optimiste Jens Laerke, peu avant la rencontre.

1,7 milliard de dollars d'engagements pour le Sahel Central

Au total, ce sont 1,7 milliard USD d'engagements - dont 985 millions de dollars cette année, consacrés à l'approvisionnement en eau et en nourriture, aux services de santé et à l'éducation - qui ont été mobilisés suite à la conférence du 20 octobre 2020.

Soulignant l'urgence des besoins, Filippo Grandi,  le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, a insisté sur la nécessité de mettre en place un « plan Marshall », exhortant l'UE à prendre la tête des efforts consentis pour le Sahel central. « Il ne me paraît pas y avoir entité mieux placée que l'Union européenne (UE) pour en prendre la tête [...] surtout au moment où l'UE étudie son budget pour les années à venir », a-t-il déclaré à La Tribune Afrique.

« Pour couvrir les besoins essentiels, 2,4 milliards de dollars étaient à mobiliser cette année ainsi qu'en 2021. Les engagements pris au cours de la conférence s'élèvent à 1,7 milliard de dollars. Ils permettront de répondre aux besoins de 10 millions de personnes en matière de nourriture, santé, eau et hygiène, abris, éducation et assistance aux victimes de violences sexuelles », a-t-il poursuivi. Une aide qui vient à point nommé pour soutenir des économies fragilisées par le contexte sanitaire actuel. La pandémie à Covid-19 devrait en effet, sévèrement impacter la croissance économique du Sahel qui s'annonçait pourtant comme l'une des plus dynamiques du continent («L'Economie africaine 2020» (éd. La Découverte) de l'Agence française de développement (AFD), indiquait avant la pandémie, que le PIB du Sahel devait progresser de 5,9 %).

Selon les Nations Unies, le nombre de déplacés internes qui ont fui leur région d'origine à cause des conflits et de l'insécurité ambiante a été multiplié par 20 depuis 2018, passant de 70 000 à 1,5 million. Parallèlement, le confinement et les autres mesures de prévention anti-Covid-19 ont entraîné près de 6 millions de personnes supplémentaires dans la région, vers l'extrême pauvreté selon l'OCHA. Entre risques sanitaires, sécuritaires et alimentaires, le Sahel central enregistre plus de 1,5 million de déplacés internes et près de 365.000 réfugiés ont fui les violences - dont plus de 600.000 pour l'année 2020 -. D'après L'UNICEF, 7,2 millions d'enfants résidant au Burkina Faso, au Mali et au Niger auraient besoin d'une aide humanitaire, ce qui représente une augmentation de deux tiers en un an. Ces mouvements de populations se poursuivent au rythme des violences régionales (le 4 octobre dernier, une nouvelle embuscade a provoqué la mort de 25 hommes au Burkina Faso).

L'urgence humanitaire au Pays des hommes intègres

« Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, plus de 1,5 million de déplacés internes et 365 000 réfugiés ont fui les violences, dont plus de 600 000 cette année. Au Burkina Faso, le nombre des déplacés internes a doublé, pour atteindre plus d'un million de personnes. Rendez-vous en compte, c'est environ 20 fois plus qu'en janvier 2019 ! », déplore Filippo Grandi.

A ce jour, le Burkina Faso abrite à lui seul, le nombre de déplacés (réfugiés et de migrants) qui ont atteint l'Europe en 2015 et 2016. « Si cela a pu autant déstabiliser l'un des continents les plus riches du monde [ L'Europe], imaginez ce cela représente pour le Burkina Faso qui l'un des pays les plus pauvres de la planète ! », a-t-il poursuivi, encore « profondément choqué par ce -qu'il a- vu » sur le terrain.

Dans ce contexte d'extrême urgence humanitaire, le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR) a considérablement renforcé ses activités au Sahel central, en construisant des abris pour plus de 80.000 personnes déplacées, en déployant des cliniques mobiles pour les victimes de violences sexuelles et sexistes et en permettant à plus de 340.000 personnes de bénéficier de soins de santé essentiels depuis l'arrivée de la pandémie. Par ailleurs, l'UNHCR a rendu possible l'enseignement à distance pour quelque 12 000 enfants déscolarisés. Il faudra cependant être force de persuasion pour convaincre les bailleurs de maintenir l'effort financier vers le Sahel central, car la pandémie de Covid-19 est venue singulièrement compliquer l'équation humanitaire mondiale.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.