Covid-19 : Jérôme Munyangi, le chercheur derrière le « remède » malgache rappelé en RDC

Le « remède » malgache contre le Covid-19 a certes été produit localement, mais son protocole a été trouvé et rédigé par Dr Jérôme Munyangi, un chercheur congolais connu pour son traitement contre le paludisme à base d’artemisia, cependant jamais validé par l’OMS. Au moment où la solution de Madagascar suscite peu à peu l'intérêt de certains présidents africains, la République démocratique du Congo (RDC) organise le retour du chercheur. De quoi renforcer la riposte nationale.
Ristel Tchounand
Responsable des essais cliniques et recherches médicales et scientifiques à La Maison de l’Artemisia à Paris, Dr Jérôme Munyangi est l'auteur du protocole qu'il a baptisé « Covid-Artemisia » qui a permis d'élaborer le Covid-Organics révélé par le président Rajoelina.
Responsable des essais cliniques et recherches médicales et scientifiques à La Maison de l’Artemisia à Paris, Dr Jérôme Munyangi est l'auteur du protocole qu'il a baptisé « Covid-Artemisia » qui a permis d'élaborer le Covid-Organics révélé par le président Rajoelina. (Crédits : DR/LTA)

Dr Jérôme Munyangi, trentenaire, est le chercheur à l'origine du « remède traditionnel amélioré » à base d'artemisia dévoilé par le président Andry Rajoelina la semaine dernière. Ce scientifique RD Congolais a en effet trouvé et rédigé le protocole qu'il a baptisé « Covid-Artemisia » et qui a permis l'élaboration du Covid-Organics, a-t-il révélé dans une interview diffusée sur YouTube vendredi. A Madagascar, cette solution est désormais produite à grande échelle et promise à l'export.

Son nom revient en RDC depuis la conversation de Félix Tshisekedi avec son homologue malgache le 22 avril. Le président congolais a déjà lancé la procédure du retour au pays du Dr Munyangi. Alors que la rumeur court qu'il serait à Kinshasa depuis dimanche soir, la présidence de la République dément. « Il n'est pas encore arrivé. Nous réglons encore les détails liés à son voyage », déclare à La Tribune Afrique Dr Benjamin Bola, conseiller principal de Félix Tshisekedi en charge de la santé et du bien-être et coordonnateur adjoint de la Task Force présidentielle de lutte contre le Covid-19.

« L'objectif est d'abord de travailler avec Dr Munyangi. Il présentera ses travaux à la communauté scientifique qui se penchera également dessus. Si ces travaux sont concluants, nous verrons comment déployer la solution », détaille Dr Bola, soulignant que le jeune chercheur « va intégrer la commission scientifique et santé de la Task Force ».

En RDC où le virus a tardé à arriver, comme c'est le cas pour de nombreux pays africains, la pandémie progresse. Le pays compte 476 contaminés, 56 guérisons et 30 morts au moment où nous publions cet article. « Nous sommes dans l'œil du cyclone. Il nous faut inverser cette courbe avant qu'elle n'atteigne un niveau difficilement contrôlable », argue Dr Bola.

Parcours du combattant contre le paludisme

Diplômé en médecine de l'Université de Kinshasa et titulaire de deux masters obtenus en France et au Canada, Dr Jérôme Munyangi découvre l'artemisia en 2012 alors qu'il souffre d'un paludisme sévère et qu'un ami lui recommande la tisane de cette plante. Sa guérison est radicale et le pousse à mener des recherches. Ses expérimentations de cette tisane sur un échantillon de 1000 personnes dans une localité de son pays sont concluantes, témoigne un reportage de France 24 diffusé le 11 janvier 2019. Mais l'OMS n'a jamais accepté de valider cette solution, malgré les insistances mêmes de chercheurs européens.

Les travaux du Dr Munyangi lui auraient attiré de nombreux ennuis, notamment la « confiscation de ses échantillons et [son] cahier de laboratoire » en France et les mises en garde de certaines entreprises importatrices de médicaments en RDC, selon son propre récit. Réfugié en France depuis l'été 2019 après avoir échappé à un « enlèvement » dans son pays, il travaille en tant que responsable des essais cliniques et recherches médicales et scientifiques à La Maison de l'Artemisia à Paris, une fondation créée par Lucile Cornet-Vernet, une orthodontiste française qui s'est passionnée de l'artemisia.

L'artemisia empêcherait le coronavirus de pénétrer les cellules

Lorsque le nouveau coronavirus apparaît, Dr Munyangi dirige en laboratoire des études sur la capacité de l'artemisia à traiter la maladie à coronavirus. Plusieurs formes de traitements possibles en découlent dont « la forme la plus simple », décrie-t-il, consiste en une tisane dont l'artemisia est la composante dominante. « Pour faire la maladie suite à une infection, le virus doit passer par une porte pour pénétrer les cellules du corps humain et ensuite se multiplier. La tisane (à base d'artemisia) agit à titre préventif parce qu'elle bloque l'entrée des récepteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2, empêchant le virus d'entrer. C'est cela le principe de l'artemisia », explique le chercheur dans l'interview. « Le Covid-19 est une maladie. Dans une maladie il y a ce qu'on appelle la réaction inflammatoire, l'artemisia vient diminuer cette inflammation », a-t-il poursuivi, ajoutant que le protocole peut également être appliqué aux « malades modérés » touchés par le coronavirus, avec une contre-indication pour les patients atteints de « maladies hépatiques et maladies rénales ». « Nous avons des formules supérieures à cela [la tisane], a-t-il précisé, qui demandent un peu plus de moyens et de techniques pour être mises en place ».

Lire aussi : Madagascar : artemisia, l'arme (controversée) de Rajoelina contre le Covid-19

Une fois ses recherches terminées et le protocole rédigé, La Maison de l'Artemisia l'enverra à plusieurs gouvernements africains dont le Rwanda, la République centrafricaine, le Bénin ou encore le Burkina Faso, selon le chercheur. Madagascar sera le premier à réagir. Outre le président Tshisekedi, Macky Sall du Sénégal et Umaro Sissoco Emballo de la Guinée Bissau ont personnellement contacté leur homologue malgache, prévoyant déjà des commandes du « Covid-Organics ».

De quoi raviver la polémique autour de cette plante ?

La polémique autour l'artemisia est certaine. Depuis que les chercheurs se sont lancés dans l'expérimentation de cette plante historique dans la médecine traditionnelle chinoise, tant contre le paludisme que de précédents coronavirus, l'OMS s'est toujours opposé à ce traitement alternatif dans le cadre du paludisme.

Que dit l'instance onusienne de l'usage de l'artemisia contre le Covid-19 ? Depuis la sortie du président Rajoelina, l'OMS ne s'est pas spécifiquement prononcée sur le sujet. A Madagascar, les témoins de la cérémonie présidentielle ont pu remarquer l'absence de la représentante pays de l'OMS. Sur le plan international, la communauté scientifique observe encore avec beaucoup de prudence.

En RDC, Dr Jérôme Munyangi rencontrera notamment le président Félix Tshisekedi, le ministre de la Santé Eteni Longondo et le professeur Jean Jacques Muyembe Tamfum, directeur général de l'Institut national de recherche biomédicale et du secrétariat technique du plan de riposte nationale au Covid-19. Ici, les autorités espèrent qu'il pourra présenter ses travaux à l'antenne pays de l'OMS. Et quant à d'éventuelles réticences de l'instance onusienne ? « Nous avons un groupe de scientifiques au niveau local qui a son mot à dire », conclut le conseiller spécial de Tshisekedi.

Ristel Tchounand

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Commentaires 2
à écrit le 01/05/2020 à 19:43
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Courage De Jérôme M Que Dieu nous protège

à écrit le 30/04/2020 à 8:53
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