Maroc  : le roi en fer de lance de la diplomatie

Conforter son alliance avec ses partenaires historiques, concrétiser son orientation africaine assumée et s'ouvrir sur les nouvelles puissances émergentes, telles sont les lignes directrices d'une diplomatie marocaine dont les orientations épousent les contours des grands dossiers internationaux telles la lutte contre le terrorisme et une gestion plus humaine des migrations. Pour ce faire, la diplomatie marocaine dispose d'un atout de choix : le roi Mohammed VI.
En 2016, Mohammed VI effectue une visite officielle en Chine qui sera couronnée par la signature d’un partenariat stratégique entre le Maroc et la Chine. Ici, le roi du Maroc et le président chinois Xi Jinping, le 11 mai 2016, à l’issue de la cérémonie de signature d’accords de coopération.
En 2016, Mohammed VI effectue une visite officielle en Chine qui sera couronnée par la signature d’un partenariat stratégique entre le Maroc et la Chine. Ici, le roi du Maroc et le président chinois Xi Jinping, le 11 mai 2016, à l’issue de la cérémonie de signature d’accords de coopération. (Crédits : Reuters)

Le roi Mohammed VI manœuvre entre ouverture géostratégique et realpolitik dans un monde désormais globalisé. Au niveau régional, le roi a renforcé ses relations avec les pays du Golfe à travers son soutien à la coalition saoudienne au Yémen en 2016 notamment, ou via sa participation à la coalition saoudienne de lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, le royaume a reçu près de 5 milliards de dollars du Koweït, des EAU, de l'Arabie Saoudite et du Qatar entre 2012 et 2016, et 11 accords économiques ont été signés par la Haute commission mixte bilatérale, en mars 2018. Fin stratège, le roi est de «tous les projets d'intégration, au moment où l'idée d'une Union pour la méditerranée est relancée», constate Emmanuel Dupuy, consultant sur les questions de défense et de sécurité et président de l'Institut Prospective et Sécurité Europe (IPSE). Le Maroc, bénéficiant de l'inconditionnel appui de Paris, a obtenu en 2008, un statut avancé auprès de l'Union européenne (UE) alors sous présidence française, qui lui permet d'accéder à un marché de 500 millions de consommateurs potentiels.

«Le Maroc est un arbre dont les racines sont ancrées en Afrique, mais qui respire par ses feuilles en Europe», déclarait feu Hassan II en 1986. Un adage suivi par Mohammed VI, selon une logique verticale de partenariat euro-africain, fondé sur sa géographie (Tanger est située à 14 km des côtes espagnoles) et sur une relation historique datée du XVe siècle. «Quelque soit le gouvernement, la France a toujours soutenu le Maroc», souligne Charles Saint Prot, directeur de l'Observatoire d'études géopolitiques et auteur de Mohammed VI ou la monarchie visionnaire.

L'UE est le 1er partenaire commercial du royaume (l'Espagne en tête) et les exportations marocaines vers l'hexagone ont augmenté de 52% entre 2012 et 2017. Le Maroc demeure la première destination des investisseurs français en Afrique et le premier bénéficiaire de l'Agence française de développement (AFD) avec 1,5 milliard d'euros reçu entre 2013 et 2017.

Une relation à géométrie variable avec Washington

Après les attentats du 11 septembre 2001, «les relations bilatérales ont laissé place au Grand Moyen-Orient de George W Bush, intégrant une quarantaine de pays de Casablanca à Karachi, sous un prisme arabo-musulman [...] Le Maroc s'est vite imposé comme le partenaire régional le plus solide de l'OTAN», explique Emmanuel Dupuy.

Dès lors, les Etats-Unis ont multiplié les collaborations bilatérales: achat de matériel militaire (F-16 préférés aux rafales), formations de GI's dans la Nation Defense University et participation du Maroc à des coalitions internationales : soutien à l'intervention US en Afghanistan en 2001 et à la mission de stabilisation en Irak en 2003-2004... La visite du ministre marocain des Affaires étrangères aux États-Unis en septembre 2018 et sa rencontre avec le Secrétaire d'État américain en mai 2018, où il a réaffirmé l'opposition du Maroc à l'Iran, (accusé d'armer le Front Polisario via le Hezbollah), témoignent de la vitalité des relations diplomatiques entre Rabat et Washington. «Les Marocains ont conscience qu'ils peuvent être aidés par les Américains sur la question du Sahara sans s'illusionner sur la permanence de leur amitié. Sous Obama, ça s'est mal passé», constate Charles Saint-Prot. «Il s'est rapproché de l'Iran au détriment des pays arabes et il a présenté des résolutions désastreuses à l'ONU, qui n'ont pas abouti grâce à la menace du veto de la France... Il a soutenu l'émissaire algérien auprès du Secrétaire général de l'ONU sur le dossier du Sahara (...) sans parler de la Tunisie, du Yémen et de l'Egypte!», poursuit-il.

Toutefois, durant la période 2006-2017, le commerce bilatéral a plus que triplé, passant de 11,7 à 39,7 milliards de dirhams, grâce à l'accord de libre-échange signé en 2006 (ALE). L'intérêt économique de l'administration Obama pour l'Afrique a favorisé un rapprochement avec le Maroc qui, avec un PIB supérieur à 100 milliards de dollars, s'est imposé comme un acteur capable d'accueillir une partie les potentiels investissements américains...

Mohammed VI face aux nouveaux paradigmes géopolitiques

Alors qu'Hassan II avait assisté à la chute du communisme et au retour du multilatéralisme, son fils poursuit aujourd'hui sa logique d'ouverture, à travers une diplomatie tous azimuts. «La géopolitique n'intègre plus seulement la sécurité ou la politique, mais aussi l'économie, qui exige davantage d'imagination et en cela, Mohammed VI a bien réussi», selon Charles Saint-Prot qui souligne d'autre part un rapprochement «vers la Chine, l'Inde et la majeure partie des pays d'Amérique latine comme le Chili, l'Argentine ou la Colombie».

Il précise par ailleurs que «Trump a saisi l'enjeu commercial du Maroc, aux prises avec une concurrence européenne et chinoise accrue. Tanger-Med': c'est 2 milliards de dirhams d'investissements chinois et 100 000 emplois à la clé! De plus, le Maroc accueille favorablement le retour de la Russie», comme en témoignent les déplacements du roi à Moscou en 2016 ou celui de Serguei Lavrov au Maroc en janvier 2019, en vue d'un accord de libre-échange entre les deux pays. Au niveau des défis que doit relever le roi: les migrations et la menace terroriste représentent les 2 faces de la même pièce, érigées sur les bases d'un «mal-développement» régional qui traverse les frontières du Maghreb jusqu'aux profondeurs subsahariennes.

En 2018, 25 101 personnes ont rejoint l'Espagne via le Maroc, selon l'OIM. En 2017, le roi annonçait la régularisation de 25 000 demandeurs d'asile ; en 2018, le Maroc coprésidait avec l'Allemagne, le Forum mondial sur la migration et le développement (GFMD) et accueillait la conférence du «Pacte de Marrakech». Peu à peu, le roi a intégré les migrations au cœur de la stratégie centrale du Maroc.

Enfin, frappé par des attentats terroristes à Casablanca (2003) et à Marrakech (2011 et 2017), le Maroc a perfectionné son système de renseignement et s'est doté d'un bureau central d'investigation judiciaire (BCIJ), «une sorte de FBI marocain qui a démantelé près de 400 cellules terroristes, déjoué près de 40 attentats depuis février 2015, et qui s'intéresse aussi aux financements et au cyber-terrorisme», rapporte Emmanuel Dupuy.

Le Maroc a également rejoint le G4 (coopération pour l'échange d'informations entre le Portugal, l'Espagne, la France et le Maroc) et a intégré le «plan transsaharien des Etats-Unis, auxquels le pays accorde par ailleurs, des facilités portuaires à Kénitra», précise le président de l'IPSE (7 000 GI's sont actuellement répartis dans 35 pays d'Afrique, dont 4500 à Djibouti). En première ligne dans la lutte contre les extrémismes violents, le Maroc du roi Mohammed VI s'est imposé ces vingt dernières années, comme un partenaire régional majeur, relayé par une diplomatie culturelle intensive sur fond de leadership africain retrouvé.

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