« Main étrangère » en Mauritanie : comment réagissent le Sénégal, le Mali et la Gambie

Dans son allusion, Ahmedou Ould Abdallah, le ministre mauritanien de l’Intérieur a usé de tact diplomatique, en évoquant lors d’une conférence de presse « une main étrangère venue des pays voisins » pour expliquer l’ampleur des accrochages à la suite de l’annonce des résultats de la présidentielle du 22 juin. Plus enclin à cette précaution, Ismael Ould Cheikh Ahmed, son collègue aux Affaires étrangères n’a pourtant pas usé de pincettes pour préciser que la salve visait le Sénégal, le Mali et la Gambie. Comment ces pays ont réagi ?
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

Une séance de moins d'une heure où une note portant les griefs reprochés leur a été remise. Ce mercredi 26 juin, dans une des salles de l'immense immeuble marmoréen qui sert de siège à la diplomatie mauritanienne, la petite séance d'explications à laquelle se sont plié Mamadou Tall, Mohamed Dibassy et Mawdo Corajiki Juwara, respectivement ambassadeurs du Sénégal, du Mali et de la Gambie, ne s'est pas éternisée.

« Nous avons pris bonne note » de la convocation des ambassadeurs

Diplomatiquement, la convocation d'un ambassadeur permet au pays hôte de marquer son désaccord ou de réclamer des explications.« Nous avons pris bonne note des informations qui nous ont été communiquées », raconte Mamadou Tall, joint au téléphone à Nouakchott par La Tribune Afrique. « Nous avons pris les mesures nécessaires pour demander à notre communauté de se tenir à l'écart de toute manifestation publique qui ne les concerne pas », ajoute le diplomate de la plus forte communauté étrangère en Mauritanie, avant de se refuser à tout autre commentaire.

On imagine que ses homologues du Mali et de la Gambie ont dû adopter la même posture : une réunion avec la diaspora pour en rabrouer les membres. Ce positionnement diplomatique est à replacer dans le contexte anxiogène qui prévaut à Nouakchott depuis l'annonce de la victoire de Mohamed Ould Ghazouani, le dauphin de Mohamed Ould Abdelaziz. Dans la journée du lundi 25 juin, au moins une centaine de ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne ont été arrêtés en marge de violents heurts entre policiers et militants d'une opposition qui entendait dénoncer des fraudes électorales.

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 « Nous avons arrêté une centaine d'étrangers dont on ne peut expliquer la présence dans la contestation d'une élection dans un pays qui n'est pas le leur », s'offusque Ahmedou Ould Abdallah, le ministre de l'Intérieur, lors d'une conférence de presse. Dans leur grande majorité, les personnes arrêtées sont de nationalités sénégalaise, malienne et gambienne, sans que le ministère ne précise le nombre pour chaque pays. Selon nos informations, des ressortissants de la Côte d'Ivoire et du Ghana figurent également parmi les personnes appréhendées en marge d'échauffourées avec les forces de l'ordre ou raflées dans des quartiers populaires de Nouakchott.

« Il y a une main étrangère venue des pays voisins qui est derrière ces événements », a affirmé Ahmedou Ould Abdallah. Le premier flic de Mauritanie évoque une « tentative de déstabilisation », « en relation avec certains candidats » pour organiser ces manifestations qui ont conduit à plusieurs blessés et dont le bilan est encore attendu. C'est Ismael Ould Cheikh Ahmed, son collègue des Affaires étrangères, qui mettra finalement des noms sur ces « pays voisins» en citant le Sénégal, le Mali et la Gambie.

Entre parcimonie dans la communication et  flou, Samba Thiam visé

Entre les lignes, au-delà des pays cités, c'est le leader des Forces progressistes pour changement (FPC) qui est visé. Samba Thiam a été arrêté dans la nuit de lundi à mardi par la police mauritanienne. Soutien du candidat Kane Hamidou Baba, cet ancien réfugié politique au Sénégal puis aux Etats-Unis, est le président du FPC, les ex-Forces de Libérations Africaines de Mauritanie (FLAM), mouvement emblématique de défense de la cause des Négro-Mauritaniens dont il a coécrit le «Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé».

«C'est un habitué des plateaux de télévision sénégalais et des radios communautaires où il peut dire des choses parfois dangereuses ou qui ne sont pas du goût des autorités. Ces médias aussi entretiennent cette tension», confie un observateur mauritanien sous anonymat. Dans la foulée de son arrestation, plusieurs de ses sympathisants ont manifesté à Dakar, la capitale sénégalaise.

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 A en croire les autorités mauritaniennes, le mouvement de Samba Thiam exploiterait la proximité ethno-géographique entre ses adhérents issus de régions mauritaniennes limitrophes du Sénégal et du Mali et les ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne avec pour objectif de faire grossir la masse de la foule lors des manifestations post-électorales.

Du côté des pays visés, la réaction oscille entre deux stratégies. Il y a d'abord la parcimonie dans la communication; c'est celle des autorités sénégalaises qui ne communiquent -difficilement- que sur les mesures prises en direction de leurs ressortissants. Il y a ensuite la tactique de laisser planer le flou comme l'ont fait le Mali et la Gambie. A l'heure de publier ces lignes, nos tentatives de les joindre n'ont pas abouti. Tous les trois pays sont sans doute dans l'attente que la situation post-électorale se tasse pour aborder la question.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaires 4
à écrit le 29/06/2019 à 12:15
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ce que vous faisais nous aussi on doit faire vous allez voir c'est ça fait mal ou pas

à écrit le 29/06/2019 à 12:12
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ce que vous faisais nous aussi on doit faire vous allez voir c'est ça fait mal ou pas

à écrit le 28/06/2019 à 18:17
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Cher journaliste il faut avoir le courage de dire ce qui se passe en mauritanie,c'est de votre role d'investiguer . D'ailleurs pas besoinde faire des recherches pour savoir que c'est un pays r*

à écrit le 28/06/2019 à 18:16
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Cher journaliste il faut avoir le courage de dire ce qui se passe en mauritanie,c'est de votre role d'investiguer . D'ailleurs pas besoinde faire des recherches pour savoir que c'est un pays raciste

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