Comores : un Conseil national de transition face à la victoire annoncée d'Assoumani

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a rendu son verdict provisoire mardi 26 mars annonçant la victoire du président sortant dès le 1er tour. Azali Assoumani remporterait les élections avec 60,77% des suffrages, provoquant les foudres de l'opposition qui crie au scandale et crée un Conseil national de transition.
Le président sortant Azali Assoumani, lors de la campagne présidentielle, le 20 mars 2019 dans lé région de Kouwa aux Comores.
Le président sortant Azali Assoumani, lors de la campagne présidentielle, le 20 mars 2019 dans lé région de Kouwa aux Comores. (Crédits : DR.)

La CENI avait jusqu'à vendredi pour se prononcer sur les résultats du premier tour de cette élection présidentielle et c'est finalement mercredi, dans la soirée, que les résultats sont tombés. Victoire écrasante pour le président sortant Azali Assoumani, reconduit pour 5 ans avec la possibilité de se représenter pour un second quinquennat qui, en cas de victoire, le maintiendrait au pouvoir jusqu'en 2019.

Avec 96 635 voix, soit 60,77% des suffrages, le président sortant devance très largement ses adversaires et notamment Mahamadou Ahamada, candidat du principal parti d'opposition (Juwa), arrivé en seconde position avec seulement 14,62% des voix.

En troisième position, Mouigni Baraka Said Soilihi (5,57%) se positionne devant Mohamed Soilihi (3,84%), Hamidou Karihila (2,44%), Said Ibrahim Fahmi (2,38%), Hassani Hamadi Mgomri (2,25%) et Larifou Said (2,12%).

Il ne s'agit pour le moment, que de résultats provisoires, que la Cour suprême devra valider avant promulgation officielle et définitive des résultats.

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Hier après-midi, Azali Assoumani avait donné rendez-vous à ses supporters au Retaj, un célèbre palace de la capitale, pour remercier ses électeurs. «Nous sommes heureux d'avoir gagné au premier tour», annonçait Ali Houmed Msaidié, directeur de campagne d'Azali Assoumani. Et pour cause, le président sortant, qui déclarait le jour du vote s'en remettre à la volonté de Dieu, a donc remporté son pari, avec cette victoire annoncée dès le premier tour. Une victoire reconnue par la Fédération de Russie, par voie de communiqué, mercredi 27 mars :

«Selon les observateurs locaux et internationaux [...] dans l'ensemble l'élection s'est déroulée dans une atmosphère calme sans remarquer d'infractions majeures. Les appels de certains groupes d'opposition à boycotter le vote et à organiser des émeutes n'ont pas été soutenus par la population. Moscou juge important que le processus électoral se termine aux Comores en parfaite conformité avec les normes constitutionnelles nationales, et que tous les candidats à la présidence des Comores agissent uniquement dans le cadre légal».

L'opposition rejette fermement les résultats de la CENI

La rumeur courrait à Moroni, dès mardi, que les résultats provisoires seraient présentés le lendemain. Aussi, onze des douze candidats avaient donné une conférence de presse dans la matinée à l'hôtel Golden Tulip de Moroni pour prévenir qu'ils ne reconnaîtraient pas les résultats du scrutin et dénonçaient «une victoire sur des élections qui n'ont pas eu lieu [...] normalement, le soir d'élection, c'est la fête aux Comores. Aujourd'hui, ceux qui prétendent avoir gagné n'osent même pas klaxonner. Il n'y a pas de cortège de la victoire et ils savent pourquoi. C'est pire qu'une mascarade !», lançait le «campagnard».

«J'espère que la CENI n'aura plus droit de cité dans ce pays», poursuivait Mahamadou Ahamada, l'opposition ayant demandé un rendez-vous avec le président de la CENI, qui lui avait été refusé quelques heures plus tôt.

Les candidats de l'opposition ont dénoncé d'un seul tenant les irrégularités observées le jour du vote : assesseurs interdits d'accéder à des bureaux de vote, bourrage d'urnes et procurations vierges signées en amont, preuve à l'appui, présentée devant les caméras des journalistes.

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Des faits également relevés par les missions d'observations électorales, dont l'Union africaine (UA). Le chef de la mission d'observation de l'UA avait souligné, dans le cadre d'une conférence de presse qui s'est tenue le 25 mars à Moroni, que des dysfonctionnements avaient été constatés ; de fait, «cette situation empêche les missions d'observation de se prononcer de façon objective sur la transparence et la crédibilité du scrutin du 24 mars».

L'un des 12 candidats de l'opposition manquait à l'appel, Said Larifou, blessé au lendemain du 1er tour, lors d'un rassemblement qui s'était tenu place de l'Indépendance à Moroni, et qui avait été dispersé par les forces de l'ordre. Du gaz lacrymogène et des tirs avaient stoppé net la manifestation. L'un des candidats avait reçu une balle -vraisemblablement en caoutchouc- dans la jambe ; l'opposition avait justifié son absence à la conférence de presse par son évacuation médicale à l'étranger. «Pour nous, il n'y a pas eu d'élection ; donc il ne peut y avoir de résultats. Il s'agit d'une plaisanterie électorale [...] C'est une trahison, un fiasco [...] Nous sommes très déterminés, nous paierons le prix qu'il faudra pour sortir le pays de cet encerclement dictatorial [...] Ce qui est sûr, c'est que j'ai été blessé par balle. Je suppose qu'il s'agit d'une balle en caoutchouc. Je suis venu à Paris pour un examen complémentaire», nous a-t-il confié hier, dans la matinée dès son arrivée à l'aéroport Charles de Gaulle de Paris, assis sur une chaise roulante, précisant qu'il organiserait une conférence de presse dès la semaine prochaine à Paris.

Création d'un Conseil national de transition

Les onze candidats réunis le 26 mars au Golden Tulip Hotel de Moroni avaient demandé aux Comoriens de réagir contre ce scrutin jugé tronqué, sans pour autant en appeler à la violence. «Il ne faut pas croire que l'on va utiliser les moyens militaires pour se débarrasser du pouvoir [...] Nous utiliserons des moyens civils, juridiques et non militaires, pour nous débarrasser de ce régime [...] Nous sommes des républicains», avait précisé Mahamadou Ahamada.

Au lendemain de l'annonce des résultats, la vie avait repris son cours dans la capitale comorienne, les magasins avaient rouvert et les forces militaires avaient quitté les rues de la capitale. C'était presque une journée ordinaire. Loin de l'osmose générale, des partisans du président s'étaient toutefois réunis entre Mirontsi et Mutsamudu en cours de journée.

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Dans l'après-midi, les candidats de l'opposition se sont eux aussi exprimés. La formation d'un Conseil national de transition a été annoncée, dirigé par Mohamed Soilihi, le «campagnard». Alors que Salim Saadi, qui a obtenu 0,69% des suffrages, nous indiquait mercredi soir qu'il s'attendait à «la mise en place d'une interdiction de territoire et à l'arrestation des 12 candidats pour incitation à la haine et troubles à l'ordre public», l'opposition se maintient en rang serré. Le «campagnard» parviendra-t-il à rallier ses compagnons d'armes et à mobiliser les foules ? La population suivra-t-elle l'opposition pour réclamer de nouvelles élections ou préférera-t-elle s'assurer la paix sociale ?

Azali Assoumani doit se rendre sur l'île d'Anjouan, bastion du principal parti d'opposition qui suscite toujours une attention toute particulière. Les Anjouanais, dit-il, ont voté à 85% pour le reconduire dans ses fonctions. Un résultat jugé invraisemblable par l'opposition et en particulier pour le parti Juwa, dont l'île constitue sa principale réserve de voix.

Aussi, en dépit d'une faible présence des Anjouanais dans les bureaux de vote, constatée par les observateurs locaux et internationaux, le boycott, voire le saccage des urnes, nombreux sont les habitants de l'île d'Anjouan, qui avaient rejeté les bases mêmes de ce scrutin, conséquence du référendum de juillet 2018 qui demeure à ce jour, un préalable à toute négociation.

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Commentaire 1
à écrit le 04/04/2019 à 15:14
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