Cameroun : pour la justice nigériane, l’extradition des Ambazoniens est «illégale»

Une porte de sortie judiciaire après plus d’un an de détention. Début janvier 2018, Sisiku Julius Ayuk Tabe et les douze «ministres» de son gouvernement autoproclamé ont été arrêtés par les autorités nigérianes avant d’être livrés à leurs homologues du Cameroun pour avoir osé décréter la sécession de l’Ambazonie, ce territoire situé dans la partie anglophone du pays d’Afrique centrale. Une extradition jugée «illégale» et anticonstitutionnelle par la justice nigériane qui n’en réclame pas moins que le renvoi des séparatistes devant des juridictions nigérianes.
Sisiku Julius Ayuk Tabe (au milieu), chef de file des sécessionnistes ambazoniens.
Sisiku Julius Ayuk Tabe (au milieu), chef de file des sécessionnistes ambazoniens. (Crédits : DR.)

Le verdict est tombé vendredi dernier. La Haute cour fédérale d'Abuja enjoint au gouvernement de tout mettre en œuvre pour ramener, sur le territoire nigérian, la quarantaine de détenus extradés vers le Cameroun. Il s'agit en fait de Sisiku Julius Ayuk Tabe, de 12 de ses «ministres» et de 35 autres sécessionnistes ambazoniens arrêtés début janvier puis extradés vers le Cameroun. L'injonction s'accompagne d'une indemnisation réclamée à l'Etat nigérian pour la modique somme de 5 millions de nairas -un peu plus de 7 millions de Fcfa.

Une expulsion «illégale»

Le juge Anwuli Chikere qui présidait la séance a estimé que le Nigeria avait outrepassé ses pouvoirs en extradant vers le Cameroun, 47 détenus désignés à l'époque par leur pays comme des «terroristes», rapporte Sahara Reporters, un journal nigérian.

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«Le juge Chikere a déclaré que l'arrestation et la détention de douze plaignants étaient illégales», rapporte un communiqué de Falana and Falana, le cabinet d'avocats nigérian défendant les séparatistes, repris par nos confrères de Jeune Afrique. «Concernant l'expulsion de ces douze détenus ainsi que 35 autres du Nigeria vers le Cameroun [...], le juge a déclaré qu'elle était illégale et anticonstitutionnelle», complète la même source.

Parmi ces douze extradés, Sisiku Julius Ayuk Tabe, président de l'autoproclamé «République d'Ambazonie», un territoire situé en zone anglophone dont il a déclaré unilatéralement la sécession le 1er octobre 2017, une date qui coïncide avec le rattachement en 1960 de ce territoire à cheval sur le Nigeria et le Cameroun, autrefois sous administration britannique. Le «président autoproclamé» et onze de ses «ministres» avaient ensuite fui vers le Nigeria pour échapper à la traque du régime de Paul Biya.

Un argument pour la défense de Sisiku Julius Ayuk Tabe et ses co-détenus

Le 5 janvier 2018, alors que Sisiku Julius Ayuk Tabe et ses «ministres» se réunissaient en conseil, ils ont été arrêtés dans un hôtel au Nigeria. Fin janvier de la même année, ils ont été extradés vers le Cameroun où ils ont été traduits devant le tribunal militaire de Yaoundé devant lequel ils sont poursuivis pour «terrorisme», «sécession », « insurrection», «hostilité contre la patrie», «atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat». Depuis, leur procès ouvert en décembre s'éternise devant cette cour martiale où ils risquent la peine de mort.

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C'est dire que le verdict de la Haute cour d'Abuja sonne comme une porte de sortie pour les extradés. Dans son verdict, la justice nigériane estime qu'aucun accord d'extradition ne lie le Nigeria au Cameroun et que par conséquent le premier ne pouvait extrader des personnes qui avaient acquis le statut de réfugiés. Un argument auquel vont sans doute s'accrocher les équipes de défense de Sisiku Julius Ayuk Tabe et ses co-détenus. Toute la question reste de savoir si le gouvernement nigérian va se plier à cette injonction de la cour ou comment il va convaincre son homologue camerounais de rapatrier ceux qu'il considère comme des «terroristes» !

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