Report de la présidentielle au Sénégal : Abdoulaye Wade met de l'eau dans son thé

En guise de riposte politique à une présidentielle du 24 février qu’il jugeait «truquée» d’avance au profit de Macky Sall, l’ancien président Abdoulaye Wade avait lancé un appel pour empêcher la tenue du scrutin quitte à …brûler les bulletins le jour du vote. A quelques heures de la clôture de la campagne électorale pour Macky Sall, Idrissa Seck, Madické Niang, Issa Sall et Ousmane Sonko, nouvel appel du fondateur du PDS qui semble avoir mis de l’eau dans son thé en appelant à prôner le boycott par une lutte pacifique.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

Une verve d'avocat intacte, l'acrimonie du ton en moins. Un peu plus de deux semaines après son réquisitoire au vitriol contre le pouvoir de Macky Sall, son successeur à la présidence, Abdoulaye Wade semble avoir infléchi sa position radicale d'entraver à tout prix la tenue du scrutin présidentiel du 24 février 2019.

Une stratégie pacifique pour ne rien changer au fond

Une nouvelle conviction confortée par les appels à mettre de l'eau dans son thé, lancés par des chefs d'Etat de la sous-région, mais aussi par des chefs religieux dans ce pays où ils sont de véritables prescripteurs sociaux. Un nouveau discours qui tranche avec son appel du 5 février dernier, à l'avant-veille de son retour à Dakar, dans lequel il demandait un report de la présidentielle du 24 février, commettant même l'imprudence de réclamer d'entraver sa tenue, quitte à ... brûler des bulletins de vote le 24 février prochain !

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Le 7 février dernier, c'est une véritable marée humaine qui a accueilli Abdoulaye Wade à Dakar pour son retour au bercail. Une mobilisation des grands jours qui avait fini de démontrer que même parti du palais présidentiel, «Gorgui» -son surnom- continuait d'avoir un électorat très à l'écoute. Corrélée à sa popularité, sa consigne d'entraver le processus électoral avait fait craindre un regain de tension dans une campagne déjà marquée par la violence et des décès. Finalement après un tour du Sénégal, le secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (PDS) a changé de stratégie, sans rien toucher au fond.

«J'ai parcouru le pays et partout les Sénégalais, mobilisés comme jamais, m'ont montré leur affection et leur détermination à combattre Macky Sall. J'ai fait la concession, à la suite de la demande pressante de chefs religieux et de chefs d'Etat voisins, d'opposer une résistance, somme toute ferme, mais pacifique, à ce qui apparaît comme une élection truquée dès le départ», a écrit Abdoulaye Wade dans une déclaration publiée ce jeudi 21 février, quelques heures avant la clôture de la campagne électorale de Macky Sall, Idrissa Seck, Madické Niang, Issa Sall et Ousmane Sonko, les cinq candidats en lice à la présidentielle.

La revanche de «Gorgui»

Peu après son retour à Dakar, «Gorgui» (le vieux) s'est rendu à Conakry chez Alpha Condé où il a croisé l'ancien président français François Hollande, puis chez différents califes des confréries islamiques sénégalaises. A-t-il reçu des appels téléphoniques ou émissaires d'autres chefs d'Etat ou exagère-t-il son importance ? «Le président Abdoulaye Wade déraille totalement. Il n'honore pas son statut d'ancien chef de l'État. Ce n'est pas à cet âge-là qu'on joue avec le feu», réplique Seydou Guèye, porte-parole du gouvernement sénégalais dans une interview accordée à nos confrères de Jeune Afrique. Mais la pique électorale n'explique pas tout.

Avec la mise à l'écart de Karim Wade, son fils, Abdoulaye Wade, avait endossé les habits du père revanchard contre une injustice. Obnubilé par la «réhabilitation» de son fils, condamné à une amende de 138 milliards de Fcfa pour «enrichissement illicite», Abdoulaye n'avait laissé d'autres possibilités au PDS, le parti dont il est le fondateur, qu'à se faire représenter par Karim Wade. Une radicalité qui avait poussé Madické Niang, son ancien chef de la diplomatie, à se frayer un chemin alternatif, au prix d'une brouille avec son ancien mentor.

Faiseur de rois courtisé par les différents chefs de partis d'opposition, «le Vieux» avait refusé d'accorder sa bénédiction à l'un ou l'autre des cinq candidats en lice pour la succession de Macky Sall. Au Sénégal, les commentateurs s'interrogent si la stratégie du «Karim sinon rien» d'Abdoulaye Wade  est le signe qu'il a mal vieilli. Au point de confirmer cette phrase de l'écrivain français Georges Bernanos : «A partir d'un certain âge, la gloire s'appelle la revanche».

Ibrahima Bayo Jr.

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