Présidentielle au Sénégal : buées de violences sur une «vitrine de la démocratie»

Deux morts, 24 arrestations et plusieurs armes saisies. Ce sont les premiers chiffres officiels des violents heurts qui ont opposé lundi dernier les partisans du président Macky Sall et ceux d’El Hadj Issa Sall, un des quatre challengers du président sortant. Au-delà de son effet tragique, ce bilan renseigne sur une campagne électorale entachée par la violence dans la course à la présidentielle du 24 février prochain. L'image démocratique du Sénégal s'en trouve aussi impactée.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

La campagne avait démarré sur quelques piques verbales entre le camp du pouvoir sortant et les quatre autres candidats  à la présidentielle sénégalaise. Rien qui n'a pu inquiéter jusque-là des Sénégalais habitués à la guerre des mots dans les dix campagnes électorales précédentes que le pays a connues depuis son indépendance en 1960.

Deux morts, huit journalistes blessés, 24 arrestations

Mais les incidents de ce lundi 11 février laisseront une trace dans le répertoire national de la violence électorale, tout comme les nombreux incidents signalés depuis le lancement de la campagne électorale de cette onzième présidentielle. Ce jour-là, à la tête du convoi du Parti de l'unité et du rassemblement (PUR), El Hadj Issa Sall, son chef de file, et son escorte se sont violemment opposés aux militants de la coalition «Benno Bokk Yaakaar» du président sortant Macky Sall à Tambacounda, situé à 420 km de Dakar.

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Dans les échauffourées, Ibrahima Diop est mort d'une hémorragie interne consécutive à des coups de couteaux plantés au thorax ; de même que Cheikh Touré, un conducteur de moto-taxi, heurté par un véhicule dans la confusion de l'«exfiltration» du convoi d'El Hadj Issa Sall, l'opposant qui dénonçait une tentative de sabotage de sa tournée électorale par des éléments du régime.

Parmi le nombre (provisoire) de blessés, huit journalistes ont été pris à partie lorsque leur autocar portant un médaillon du PUR a été la cible de caillasse. Les photos des violences partagées dans un article d'un média local résument toute la gravité des affrontements. Ce mardi 12 février, lorsqu'il livre le bilan lors d'une conférence de presse, Demba Traoré, procureur de Tambacounda, fait état de deux morts, là où d'autres sources évoquent la mort d'un militant de Benno Bokk Yaakaar, ce qui porterait à trois le nombre de personnes décédées.

Candidats sous entière protection

Dans l'opération des éléments de sécurité, 24 personnes, dont une vingtaine de sympathisants du PUR, ont été placées sous enquête après leur arrestation. D'autres sources évoquent l'arrestation de près d'une trentaine de personnes, le bilan étant faussé par les aires d'exercice d'autorité entre la police et la gendarmerie. Symbole de la violence, plusieurs armes ont été saisies dont des matraques, des armes blanches (poignards et coupe-coupe), des gourdins ainsi qu'un revolver factice. Joint au téléphone par La Tribune Afrique, Demba Traoré est resté fermé à tout éclaircissement sur le bilan, les saisies et la procédure.

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 «Un mort est un mort de trop. Chaque citoyen doit être concerné et responsable de la protection de la paix et la tolérance qui fait la richesse du peuple sénégalais». L'appel au calme de Mohamed Ibn Chambas, Représentant spécial du Secrétaire général et chef du Bureau des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS) entre dans la ligne des messages d'apaisement lancés par les différentes chapelles politiques.

A une dizaine de jours du scrutin qui devra choisir le prochain président de la République, l'on espère que l'appel n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. D'ores et déjà, le ministère de l'Intérieur a annoncé que la sécurité des candidats sera désormais entièrement assurée par des éléments de la police et de la gendarmerie qui seront affectés à chacun de ces derniers. Une manière de parer les risques d'une escalade de la violence qui pourrait former des buées sur l'image du Sénégal, présenté comme une «vitrine de la démocratie» en Afrique de l'Ouest.

Ibrahima Bayo Jr.

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